[dropcap size=small]P[/dropcap]our la promotion de Gone Girl, son nouveau film, David Fincher était récemment à Paris. Le temps d’une Master Class exceptionnelle au MK2 Grand Palais, le réalisateur de, entre autres, L’Etrange histoire de Benjamin Button, The Social Network et Millénium: Les hommes qui n’aiment pas les femmes, s’est ainsi livré à quelques étudiants de La Fémis et de l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière réunis pour l’occasion. Le tout après leur avoir dévoilé 22 minutes du très attendu Gone Girl… Voici quelques extraits retranscrits de cet événement.
Dans les extraits que l’on a pu voir, et dans vos films plus généralement, on se rend compte qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. C’est fait exprès?
Je dirais que oui. Pour ce qui est de Gone Girl, c’est en travaillant avec Gillian Flynn, dont le roman a été tragiquement traduit par Les Apparences, que j’ai réalisé toute l’importance des multiples pistes à suivre. Son livre et son scénario de 300 pages ont été de vraies sources d’inspiration. En particulier lorsqu’il a fallu représenter tout le narcissisme et l’égocentrisme du personnage de Nick, celui qui est interprété par Ben Affleck. Puisqu’au fond, le film met en avant cette manière que les gens, et surtout nos voisins, ont de montrer le meilleur d’eux-mêmes, la meilleure version de leur personnalité en public.
Vous avez beaucoup travaillé le ton et le style dans Gone Girl, non?
En effet. A la base, le film a tout d’un thriller un peu absurde, mais je voulais en faire une satire sociale à l’arrivée. Et cela passait par un choix cohérent d’acteurs puisqu’il m’en fallait qui n’aient pas froid aux yeux et qui soient capables d’être plusieurs personnes à la fois. En particulier en ce qui concerne le personnage d’Amy (alias Rosamund Pike).
Certains choix d’acteurs étaient quand même risqués? Je pense notamment à Neil Patrick Harris, que l’on connaît surtout pour ses talents comiques.
Étrangement, j’ai trouvé que Neil était absolument parfait dans le rôle du type tout le temps sarcastique. Je trouve que ça fonctionne bien. Et si vous parlez de Tyler Perry, il est vrai que ceux qui auront lu le livre… Qui a lu le livre? (Quelques mains se lèvent dans l’assistance.) Eh bien pour ceux qui ont lu le livre, il est vrai que le personnage que Tyler Perry joue peut déconcerter puisque dans le livre il n’est pas censé être noir. Mais ici encore, je trouvais que ça fonctionnait à merveille.
N’était-ce pas trop dur de bosser avec Neil Patrick Harris?
Pour tout vous dire, c’est vrai que ça a été parfois un peu compliqué. Notamment parce qu’il est très expressif et que parfois, j’étais obligé de lui dire « Non ! Ne fais pas ça avec tes sourcils ! » Mais par chance, c’est un acteur vraiment talentueux et professionnel qui sait quand son corps déraille. Et par-dessus tout, il sait comment s’améliorer, comment améliorer son jeu et sa performance sans qu’on lui dise à chaque moment quoi faire.
Quand on repense à Millénium ou que l’on garde juste ce qu’on a vu de Gone Girl, on réalise que les femmes de vos films ont souvent le dessus sur l’homme dans la relation. C’est un choix personnel?
Dans le cas de Gone Girl, il y a un vrai questionnement là-dessus. Quand on regarde bien le personnage que joue Ben Affleck, Nick, on réalise vite qu’il n’existe finalement qu’à travers les yeux des femmes et donc du coup, oui, il y a effet de domination pour les femmes. Mais je ne dirais pas que c’était un choix personnel.
”Gone Girl est un thriller absurde et une satire sociale !”
Votre vécu a-t-il inspiré la conception du mariage dans Gone Girl ?
Non, je ne pense pas. Notamment parce que dans Gone Girl, la vision du mariage est assez noire. Je pense que ce qui m’a vraiment inspiré, c’est l’espoir que nos voisins ne soient pas vraiment comme ceux que l’on peut voir dans le film.
L’histoire semble très bien construite. Doit on s’attendre à de gros changements par rapport au livre?
Eh bien… Si vous vous inquiétez pour le personnage de Ben Aflleck, sachez qu’il n’est pas différent de ce qui était écrit à la base…
On a beaucoup parlé d’un projet de série avec James Ellroy pour HBO ces jours-ci, est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots? Et surtout, pourquoi vous intéresser autant à la télévision?
Pour ce qui est du projet, à l’heure actuelle je ne peux rien dire. Mais concernant la télévision, il est évident que c’est un lieu de création nécessaire. C’est le seul endroit ù vous pouvez disséquer entièrement un personnage, l’explorer comme il faut. Et tout ça en ne dépensant que 5M$ et non 50 !
Vous avez certainement déjà dû en entendre parler, mais Netflix vient de débarquer en France. Qu’est-ce que vous pensez de ce nouveau modèle économique, de cette nouvelle manière de regarder la télé?
La première chose que je dirai, c’est qu’il n’est pas nécessaire de craindre Netflix. Contrairement à ce qu’on peut lire, ce ne sont pas des mauvais gars, ils ne font pas que diffuser et vendre des films ou des séries qui ont déjà été produits par d’autres. Ils ne se font pas de l’argent sur le dos des autres. Ils produisent du contenu, comme House Of Cards et Orange Is The New Black. Ils font bien leur boulot et puis, de vous à moi, les mecs qui bossent là-bas sont super cools ! Alors non, je ne vois pas d’un mauvais œil l’arrivée de Netflix où que ce soit.
Comment vous voyez l’avenir de la télévision?
Je pense que l’avenir de la télévision doit passer par une démocratisation totale de la box [« de l’écran »], peu importe la box dont il s’agit. Je sais que, en tant que réalisateur et producteur, j’ai vraiment réussi mon travail quand le spectateur ne sent plus la durée et c’est quelque chose sur lequel nous bosons tous actuellement. L’idée que le téléspectateur ne doit pas regarder un film et l’arrêter parce que c’est trop long. Et pour ça, la télévision est une bonne alternative.
Gone Girl sort le 8 octobre au cinéma.
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https://www.youtube.com/watch?v=oBOMD3h-WPc