Loin des hommes
© Michaël Crotto

Master Class Loin des hommes

Nous souhaitons recueillir votre avis sur votre façon de nous lire. Merci de prendre 2 minutes de votre temps en cliquant ici !


[dropcap size=small]A[/dropcap] l’occasion de la projection privée de LOIN DES HOMMES organisée le lundi 17 décembre 2014 par Pathé, nous avons pu découvrir avec plusieurs dizaines de bloggeurs, le film de David Oelhoffen. L’équipe était présente pour une petite Master Class à la suite de la projection. Le réalisateur David Oelhoffen et les deux acteurs principaux Reda Kateb et Viggo Mortensen sont ainsi chacun revenus, sur leur vision du film et sur le tournage parfois compliqué en décors naturels.

Dans LOIN DES HOMMES, la nature est très présente. Comment vous sentiez vous au milieu de ce décor ?

– David Oelhoffen : Je suis resté quatre mois dedans. C’est un décor vraiment impressionnant dans lequel on se sent tout petit.
– Reda Kateb : En fait la nature est un personnage au même titre que nous. Surtout par rapport au système spirituel qu’il y a autour de Daru et Mohamed (les deux héros). Ils ont des religions différentes mais avec cette nature le spirituel devient concret.
– Viggo Mortensen : David a privilégié des plans larges. C’est beau de voir ces personnages au loin dans ces paysages.
– R.K. : D’ailleurs à un moment on ne savait même plus où était la caméra.
– D.O. : On ne savait pas non plus où vous étiez ! (rires) Je précise que c’est eux qui ont tout fait et je trouve qu’on reconnaît leur démarche à l’un et à l’autre même quand ils ne sont que des points dans le paysage.

Où avez-vous tourné ?

– D.O. : On a dû tourner au Maroc et non pas en Algérie pour des raisons de logistique. Malheureusement ce côté de l’Atlas algérien est inaccessible.

© Michaël Crotto
© Michaël Crotto

Quels étaient les inconvénients de ce tournage en pleine nature ?

– D.O. : La lumière. Le vrai patron du tournage c’était le soleil. On était obligé de courir souvent pour avoir la bonne lumière. On est toujours soumis aux conditions météo mais cela offre de bonnes surprises. Par exemple le brouillard, qu’on ne peut pas reproduire aussi bien en effet numérique. Dès qu’on a vu qu’il tombait on a couru dans tous les sens pour ne pas rater ça.

Comment s’est fait la préparation pour le tournage ?

– D.O. : Il y a eu beaucoup de discussions sur les scènes et pour travailler la langue.
– V.M. : Moi j’ai commencé l’arabe environ 8 mois avant, avec un ami. Et avec Reda nous avons eu un coach pour travailler chaque mot.
– R.K.  : On discutait beaucoup là-dessus, pour savoir si lorsqu’il me parle en français je dois lui répondre en arabe et inversement.

Et par rapport à la nouvelle, L’Hôte d’Albert Camus, dont est tiré le film ?

– D.O. : On parlait souvent sur les travaux de Camus. On échangeait entre nous sur ses lettres ou parfois des photos.

Aviez-vous déjà tous les plans en tête ?

– D.O. : Il y a des plans qui sont venus sur le moment. On a parfois fait les choses de manière chaotique puisqu’on travaillait en fonction du temps et de la lumière naturelle. Soudain on peut apercevoir une lumière précise, ou bien la lune qui apparaît juste là où il faut. On s’adaptait à ce genre de choses.

Comment le son a-t-il été travaillé ?

– D.O. : En lisant la nouvelle j’y ai vu des éléments de western, comme le déplacement du prisonnier d’un endroit à un autre. Nick Cave et Warren Ellis ont déjà fait des musiques qui collaient très bien avec cet univers. Mais surtout je ne voulais pas que la musique vienne rappeler qu’on est en Algérie dans les années 1950.

Comment les acteurs ont été choisis ?

– R.K. : David et moi on s’est rencontré il y a longtemps. C’était pour un tout autre projet mais je ne collais pas au rôle. J’ai pourtant fait une semaine de boxe pour lui mais ça ne marchait clairement pas (rires). Il aura fallut attendre le bon film tout simplement.
– D.O. : Pour Viggo, le personnage est pied noir français. Il est intéressant parce qu’il ne peut pas trouver refuge au sein d’un groupe, il n’appartient à aucune nationalité d’une certaine manière. Pour moi il ne fallait pas un acteur français. En le voyant dans Capitaine Alatriste où il parle espagnol je me suis dis c’est dommage qu’il ne parle pas français. Je devais être le seul à ne pas être au courant qu’en fait il parle français, jusqu’à ce que mon producteur me montre une vidéo de lui imitant un hockeyeur canadien en français.

”Le film n’est pas idéologique parce qu’on est du point de vu des victimes de l’histoire”

Il n’y a pas énormément de dialogue finalement.

– R.K. : On peut parfois se reposer sur le dialogue mais c’est une chose dangereuse de se dire que si on a appris notre texte tout va bien se passer. Cela peut être confortable mais ce n’est pas ce qu’on cherche. Moins il y a de mots, plus ils deviennent important. L’acte de prendre la parole ou de la laisser est en soit un acte fort. On fait ainsi passer les émotions et les discours par le corps, il y a presque une chorégraphie de geste.
– D.O. : Pour moi quand un regard peut rendre inutile un dialogue je suis preneur. On a même fait sauter des dialogues lors du tournage parce que c’était plus naturel.

Le film évoque la guerre d’Algérie, sujet qui reste sensible, qui peut encore aujourd’hui recevoir un accueil un peu houleux. Est-ce que c’est quelque chose que vous appréhendez ?

– D.O. : La controverse ce n’est pas ce qu’on cherche. Le film n’est pas idéologique parce qu’on se place du point de vue des victimes de l’Histoire. Les personnages ne tiennent pas les rênes de l’histoire mais la reçoivent en plein visage. Ils essaient de faire au mieux avec leur code moral. Et le film montre que c’est difficile de faire au mieux même quand c’est pour faire le bien. Pour moi ça parle d’autre chose que de la guerre d’Algérie. Bien sûr ça peut provoquer des controverses, je ne l’espère pas mais si ça doit arriver moi je me sens très droit dans mes bottes.
 V.M. : Pour moi David ne fait pas un film politique mais humain et universel. Il n’y a pas de prise de position idéologique. On a d’ailleurs eu la chance de montrer le film au Festival d’Alger, de Marrakech, prochainement en France, on a vendu le film en Israël, au Moyen-Orient, et ça n’a pas suscité de controverse.

D’où viennent les enfants de la classe ? (Dans le film Daru est professeur)

– D.O. : On a pris des enfants des villages. Ils ont eu une relation particulière avec nous et Viggo qu’ils appelaient maître même en dehors des scènes. Tout s’est passé très naturellement. Quand les enfants pleurent à la fin, je ne leur ai pas dit de pleurer ni aux assistants de les maltraiter (rires). C’était le dernier jour de tournage pour eux et ils ont compris d’eux même la situation.

La scène de fin est d’une intensité folle. L’avez-vous gardé pour la fin ? Et comment les acteurs se préparent-ils pour une scène avec autant d’émotion ?

– D.O. : On tourne souvent dans le désordre. Avec la position du soleil on devait parfois filmer le dernier plan d’une scène avant le premier. Donc on a fait un travail de gymnastique pour avoir la lumière optimale. Et cette scène a en fait été tourné au milieu du tournage.
 V.M. : Avec Reda on savait que c’était une scène très importante mais le devoir du comédien est d’être tranquille et de faire la scène comme toutes les autres. C’était tout de même un beau moment.

© Michaël Crotto
© Michaël Crotto

Viggo, après avoir tourné avec Peter Jackson on dirait que vous avez cherché des rôles plus brut et à vous éloigner du Seigneur des anneaux. Est-ce un choix volontaire ?

 V.M. : Je cherche les histoires que j’aime, les films que je voudrais voir. Et j’accepte quand cela me semble être une bonne opportunité. Je ne pense pas à la nationalité du réalisateur ou au budget. Qu’il y ait 300 millions ou 50 dollars, il y a une caméra, enfin j’espère… (rires). Les acteurs sont là et on doit construire notre personnage.

Vous maîtrisez beaucoup les langues. Entre l’arabe, le russe et l’elfique qu’est ce qui a été le plus compliqué ?

 V.M. : Le russe. Certains sons étaient très dur. L’arabe aussi sur certains mots mais j’ai eu l’opportunité d’aller en Algérie et de travailler longtemps avant. Alors que pour Les Promesses de l’ombre on n’a pas tourné en Russie. Le fait de parler espagnol a aussi peut-être aidé.

Reda, on vous voit de plus en plus, quels sont vos prochains projets ?

– R.K. : Déjà j’espère qu’on ferra une belle sortie avec LOIN DES HOMMES que j’aime vraiment beaucoup. Pour le reste j’essaie de me surprendre, de faire des films que je voudrais voir et ne pas refaire les mêmes. Dans l’année il y aura notamment La Résistance de l’air de Fred Grivois et L’Astragale de Briggite Sy avec Leïla Bekhti sur la vie de l’écrivain Albertine Sarrazin. Et puis en ce moment j’ai la chance de pouvoir faire mon propre court-métrage sur lequel je suis en montage.

 

 

Nos dernières bandes-annonces

Rédacteur

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *