Opening Night
© D.R.

[CRITIQUE] OPENING NIGHT (1977)

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mise en scène
8.5
Scénario
9.5
Personnages / interprétation
9.5
Immersion
8.5
Note des lecteurs1 Note
10
9
Note rédacteur

L’histoire : Myrtle Gordon est le rôle féminin principal d’une pièce, The Second Woman, sur l’influence de l’âge sur la Femme. Myrtle Gordon est une actrice formidable qui pourtant, va commencer à douter de son interprétation après la mort d’une jeune groupie.

D’abord, un mot sur mon rapport au réalisateur John Cassavetes.
Cassavetes, c’est pour moi un réalisateur incarnant une époque, une liberté artistique singulière mais trop lointaine. J’y étais assez insensible, car elle m’est synonyme d’inaccessibilité. Mes goûts personnels sont par conséquent, beaucoup plus classiques et « contemporains » (Spielberg, Kubrick, Miyazaki, Nolan, Reichardt…)
Je n’étais donc pas hyper fan de sa mise en scène. Je la réduisais à sa façon de filmer en gros plans, ou de faire durer les scènes jusqu’au malaise, même celles qui n’ont aucun intérêt narratif… Toutefois, si je n’avais jamais tenu – par paresse intellectuelle – l’intégralité de l’un de ses films (honte sur moi j’imagine), je vais sérieusement commencer à réévaluer sa mise en scène et sa filmographie.
OPENING NIGHT est un film difficile d’accès, mais qui révèle petit à petit son potentiel jusqu’à assommer par sa complexité folle et son ambition scénaristique…  Deux caractéristiques déjà importantes, qui fusionnent de plus avec la mise en scène et la direction d’acteurs : OPENING NIGHT est…. UN COUP DE GÉNIE.

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L’étirement des scènes dont je parlais plus haut est primordial pour pénétrer dans la psyche de cette actrice. Car Cassavetes filme non-seulement la femme, l’actrice, mais aussi la vulnérabilité de celle-ci face à la célébrité, la pression que subit l’artiste, et l’âge. Mais avant d’en arriver là, il est necessaire d’englober l’intégralité des éléments qui mèneront au climax final.

D’abord, Myrtle Gordon. Elle est INCARNÉE par Gena Rowlands.
L’actrice possède un jeu tout en mimiques et en exagérations qui peut paraître surfait et emprunté… Jusqu’à ce que l’on envisage qu’elle interprète vraiment une ACTRICE. Une actrice qui doute, s’auto-psychanalyse, et cherche à se reconstruire. Qui vit sa performance sur et hors scène.
Pour moi, comprendre son jeu a correspondu à un moment de basculement total dans l’univers crée par Cassavetes. Pour moi, ce moment est arrivé relativement tard dans le film, mais m’a permis de remettre en question ce que je venais de voir et trouvais passablement ennuyeux. Cette stimulation inversée participe pleinement à la claque que m’a assénée le film et constitue une donnée qui dépendra clairement de votre affinité avec l’actrice, et la façon de la filmer de Cassavetes.
Au final, la performance de Gena Rowlands fusionne littéralement avec le sujet du film (l’impact de la célébrité, de l’age, sur le métier d’acteur) mais aussi avec la mise en scène (Cassavetes – les gros plans, filmer la performance dans la performance, etc.) Gena Rowlands est PARFAITE.

Autour de Myrtle, plusieurs personnages :

Premièrement, les techniciens de plateau, relativement anonymes, au service des artistes et des producteurs. Traités comme tel par le film, ainsi que par les autres protagonistes. Juste au dessus en termes d’importance, le producteur. Il n’est qu’un objet, un portefeuille. Incapable de donner son avis sur quoi que ce soit, mais montré comme pouvant prendre les décisions radicales quant à l’oeuvre (ce qu’il ne fera jamais)
Puis, les autres acteurs de la pièce. Ils ont également un rôle :  celui d’être des supporting rôles. C’est particulièrement vrai pour celui qui joue son mari dans la pièce, Maurice (interprété par Cassavetes lui même). Conscient de sa place (il le dit même :  » je ne suis qu’un acteur de seconde zone« ) il s’efface, masque ses sentiments. Il n’est là que dans l’intérêt Myrtle, et incidemment, le succès de la pièce. Que ce soit sur ou hors scène ou même hors champ. Leur temps d’apparition est limité et leurs interventions doivent aider, coute que coute, l’actrice.

Ensuite, le metteur en scène. Comme on peut l’imaginer, mettre parfaitement en scène son actrice nécessite une passion folle. Une passion qui empiète sur sa vie privée (sa femme est ar conséquent totalement effacée). La limite a été franchie depuis longtemps. Manny (Ben Gazzara) est lié intimement à Myrtle, mais ne parviendra pourtant jamais, à la comprendre.

Puis l’auteur de la pièce, Sarah (Joan Goode). Celle-ci a délivré une oeuvre personnelle sur l’acceptation de la vieillesse, du regard des autres sur son propre vieillissement, de l’effacement progressif des sentiments et des émotions, avec le temps. Un postulat effectivement pessimiste et défaitiste… Ce que Myrtle n’accepte pas, ne comprend pas.

”Un parcours mental incroyablement logique retranscrit dans toute sa complexité. OPENING NIGHT est la quintessence du chef d’oeuvre exigeant.”

Enfin, la jeune fille. Une groupie hystérique qui ne voulait qu’un autographe. Myrtle lui parle à peine mais est pourtant définitivement troublée. La mort fortuite de celle-ci  quelques instant plus tard, déclenchera toutes les interrogations de Myrtle, et le tourbillon psychologique dans laquelle elle va se fondre : comment être sur que l’on a fait les bons choix. L’age est-il vraiment synonyme d’éclat ? Comment comprendre la limite entre passion, métier, et vie personnelle ?

Myrtle va commencer à s’imaginer qui est Nancy (la jeune fille morte). Recréer mentalement sa personne. Le problème, c’est que cette Nancy imaginaire va progressivement prendre de plus en plus de place, à la fois dans sa psyche, comme dans le réel, puisqu’elle provoque une schizophrénie incompatible avec le rôle ; Myrtle rajeunit par Nancy, devient inconstante, puérile, capricieuse, ne se contrôle plus. Sauf que le rôle dans la pièce exige l’inverse. Cela provoquera inévitablement un conflit, un refus physique ET psychologique d’interpréter le rôle. La « Second Woman » devrait être Sarah, 65 ans, auteur à succès qui vieillit, le sait, et souhaite le communiquer. Myrtle la transforme en Nancy, version jeune d’elle même, vivant dans l’excès et l’insouciance.

Ce sont ces conflits mentaux complexes que Cassavetes capte, avec brio. Progressivement (Trèèèèès progressivement) Cassavetes rassemble l’entonnoir des pistes suggérées en une seule : la schizophrénie de Myrtle. Il en donne parallèlement une solution. Devoir donner vie à une nouvelle « second Woman« . C’est en quoi consiste l’acte final, proprement dément, qui voit naître une nouvelle Myrtle.

 

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OPENING NIGHT est donc un film complexe, réellement stimulant, mais dont ni les acteurs (enfin l’actrice), ni le réalisateur, ni son script, ni le rythme lancinant – presque hypnotique -, n’accompagnent le spectateur.
C’est cet effort intense qui nous est demandé qui définit le film : un cheminement mental incroyablement logique; OPENING NIGHT est pour moi, la quintessence du chef d’oeuvre exigeant.

Almodóvar s‘est inspiré d’OPENING NIGHT pour une scène de Tout Sur Ma Mère (que je n’ai pas encore vu)
Je rajouterai qu’il partage avec Cassavetes l’amour porté aux actrices puissantes et charismatiques, l’envie de complexité. Almodóvar s’éloigne néanmoins grâce à un univers plus communicatif, plus ludique mais moins psychologiquement ambitieux.

Pedro Almodóvar, Prix Lumière 2014 !
Pour connaître la programmation du Festival Lumière 2014 : rendez-vous ICI

Séances
 Cinéma Comœdia lundi 13 octobre 2014 à 16:45
CNP Terreaux samedi 18 octobre 2014 à 20:00

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© D.R.

Titre original : Opening Night
Réalisation : John Cassavetes
Scénario : John Cassavetes
Acteurs principaux : Gena Rowlands, John Cassavetes, Ben Gazzara
Pays d’origine : U.S.A.
Sortie : 13 ai 1992
Durée : 2h24min
Distributeur : Orly Films
Synopsis : La célèbre comédienne de théâtre Myrte Gordon est la vedette d’une pièce de Sarah Goode : « The Second Woman ». Après une représentation à New Haven, Myrte assiste à la mort d’une jeune admiratrice passionnée…

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Personnages / interprétation
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