Bowie
© Tamasa Distribution

MERCI, DAVID BOWIE

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En 1979, deux ans avant la sortie du film éponyme, les spectateurs de Broadway découvrent la vie de celui qu’on surnommait Elephant Man, grâce à une pièce de Bernard Pomerance. Si dans le film de David Lynch, l’acteur principal John Hurt interprète le rôle sous une épaisse couche de maquillage, au théâtre les conventions sont toutes autres et c’est un corps diaphane, filiforme et tordu qui évoque la difformité que John Merrick portait sur son visage. David Bowie était fait pour ce rôle ; espèce en voie d’apparition à la fin des années soixante où le rock se muait en glam-rock, l’artiste met clairement les point sur les i dans la décennie qui suit : il n’est pas sorti de son cocon londonien pour réaliser des performances, il est une performance.

Voyant qu’il change constamment d’apparence comme s’il changeait de peau, Nicolas Roeg voit en lui une créature reptilienne et lui donne le rôle-titre de son film L’Homme qui venait d’ailleurs en 1976. Le film se veut aussi alien que son acteur principal ; le montage, l’image et la musique calent leur rythme sur les pulsations cardiaques de l’animal à sang-froid. Au-delà de l’écran d’où il nous regarde avec des yeux de crocodile, sorte de masques miniatures qui ne font que souligner les traits d’un visage dessiné avec violence et radicalité, une question se pose : d’où vient Bowie ? Il continue de jouer l’étranger à l’humanité imitant l’humain comme dans Les Prédateurs, premier film de Tony Scott, où il ne peut décemment faire couple qu’avec une icône à sa mesure, Catherine Deneuve. Et dans d’autres cas, il assume parfaitement l’emploi qu’on lui propose, celui du monstre savoureux, de la créature de conte de fées réinventée au temps du pop art et du vidéo clip, comme lorsque il prête son exubérance au personnage du roi des gobelins dans Labyrinthe.

« À notre tour de demander : Où es-tu, Bowie ?, L’Homme qui venait d’ailleurs est-il rentré chez lui ? A-t-il trouvé de la vie sur Mars ? »

Être graphique, aussi graphique que l’image sur laquelle on pose son empreinte. Aussi graphique que le cinéma. Afficher fièrement cette blondeur artificielle, cette gueule à la Modigliani et ce regard déséquilibré par l’astre mort qui sert d’œil gauche. Être cette gueule qui dépasse du sable dans Furyo, au milieu d’un casting exclusivement asiatique, pour accentuer la dissonance. Et que l’on joue un vampire dandy, un soldat homosexuel ou le roi des gobelins qui convoite une adolescente, jouer chaque fois le jeu de la séduction. Réincarner la séduction dans ce qu’elle doit paraître de moderne à présent, par une définition qui vous est propre du genre et de la beauté. Par votre propre genre et votre propre beauté. Uniques au monde.

Et finalement Bowie devient tellement culte qu’on lui demande d’incarner des personnages célèbres, il n’apporte plus son talent mais sa part de célébrité à l’écran : Andy Warhol, Nikola Tesla, Ponce Pilate et… David Bowie, la boucle est bouclée. Synthèse par le biais de la pop culture de toutes les facettes qu’il arborait tour à tour, du gentleman british déviant au jeune homme androgyne, l’artiste fascinait par sa capacité à se réinventer constamment. Ou peut-être qu’il s’agissait là d’un besoin vital, peut-être que ce spécimen unique de créature cosmétique ne savait faire que ça pour traverser le temps d’une vie humaine. En 2013, David Bowie chantait « Where are we now ? » ; aujourd’hui c’est à notre tour de demander « Où es-tu, Bowie ? » L’Homme qui venait d’ailleurs est-il rentré chez lui ? A-t-il trouvé de la vie sur Mars ?

Quoi qu’il en soit, au revoir et merci pour tout.

Bowie
© KOBAL / THE PICTURE DESK

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