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Festival de Cannes At Home : Palmes d’Or à (re)voir, de Visconti à Malick – Partie 3

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Cette semaine, on continue notre sélection de palmes à redécouvrir à la maison avec un doublé magnifique, une déclaration d’amour autrichienne, deux italiens, une mission que l’on ne peut pas refuser, avant de se pencher sur notre arbre généalogique universel fabriqué par un ancien professeur de philosophie.

LA LEÇON DE PIANO de Jane Campion – Palme d’Or 1993

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Quoi ? Au XIXè siècle, Ada, une jeune mère écossaise muette est envoyée en Nouvelle-Zélande pour y épouser un homme qu’elle n’a jamais connu, avec sa fille et ses effets personnels. Or, son bien matériel le plus précieux, un piano, se retrouve chez un étrange voisin qui lui propose un marché particulier. Pour pouvoir en jouer à nouveau, elle va devoir s’adonner aux fantasmes de l’individu.

Pourquoi ? Dans l’histoire du festival de Cannes, La leçon de Piano est l’unique film réalisé par une femme ayant décroché la récompense suprême, ex-aequo avec Adieu ma concubine en 1993. Jane Campion signe une œuvre forte, d’un lyrisme absolu où se mêle avec subtilité et grâce, passion, voyeurisme, érotisme et sentiments exacerbés. La partition composée par Michael Nyman résonne dans nos cœurs tout en étant le prolongement des états d’âmes du personnage interprété par une formidable Holly Hunter.

ADIEU MA CONCUBINE de Chen Kaige – Palme d’Or 1993

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Quoi ? De 1924 à 1979 en Chine, le destin de Douzi, un jeune acteur d’opéra qui tombe amoureux de son ami d’enfance. Or, cet amour n’a rien de réciproque, Shitou préférant se jeter dans les bras d’une prostituée qu’il désire épouser.

Pourquoi ? Les doubles palmes d’or sont rares, mais très souvent, l’un des films sacrés aura toujours fait plus d’ombre à un autre. En 1979 par exemple, on pense volontiers à Apocalypse Now en oubliant peut-être qu’il partagea son prix avec Le Tambour de Volker Schlöndorff. Adieu ma concubine est l’autre énorme morceau de cinéma qui décrocha la palme en 1993 avec le film de Jane Campion mentionné ci-dessus. Le réalisateur Chen Kaige brosse une fresque grandiose et tragique dans une Chine en pleine mutation. Il aborde aussi un sujet tabou lors de la période qu’il met en scène, celui de l’homosexualité masculine. Sans doute aussi récompensé pour l’audace de son récit vis-à-vis de son pays, Adieu ma concubine est également d’une virtuosité formelle et d’une beauté plastique indéniables. Le spectacle est en outre soutenu par des acteurs en pleine possession de leurs moyens, une histoire passionnante s’étalant sur plusieurs décennies et de superbes scènes d’opéra. On retrouve une mélancolie due au temps qui passe et de la façon dont le cinéaste observe ses personnages accomplir un destin qu’ils ne choisissent pas, qui nous rappelle le cinéma d’un certain Wong Kar-Waï.

LE GUÉPARD de Luchino Visconti – Palme d’Or 1963

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Quoi ? 1860. Italie. Le prince Salina, observant une société s’effondrer sous ses yeux, accepte une mésalliance en mariant son neveu Tancrède, représentant d’une aristocratie déclinante à laquelle le prince appartient aussi, à Angelica Sedara, fille du maire de Donnafugata en Sicile. Tandis que les chemises rouges de Garibaldi envahissent Palerme, le vieux Guépard rejoint son château, témoin d’une transition inéluctable qu’il avait prédit.

Pourquoi ? Le Guépard, dans la filmographie du maître Luchino Visconti, n’est assurément pas son film le plus abordable. Nombreux ploieront devant la durée imposante du film et une intrigue assez difficile à cerner, le cinéaste préférant observer ses personnages se confronter à leur destin, tandis que dehors le monde est en train de changer. Mais force est de constater que la fresque est d’une beauté impressionnante. Alain Delon et Claudia Cardinale sont étincelants et tout peut se savourer ici à la manière d’une galerie d’art que l’on parcourt des heures durant : ampleur des décors, travail sur la couleur, précision des costumes et scénographies minutieuses des séquences de danse orchestrées par le fameux compositeur Nino Rota. Un Burt Lancaster magnifiquement désabusé fait office de guide dans ce musée prochainement désenchanté par les ravages du temps.

BLOW UP de Michelangelo Antonioni – Palme d’Or 1967

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Quoi ? Dans le Londres des années 60, Thomas est un jeune photographe qui passe son après-midi dans un parc à photographier ce qui l’entoure. Il prend des clichés d’un couple puis fait une étrange découverte plus tard en développant sa pellicule. Il suspecte un meurtre, retourne sur les lieux et cherche toujours plus d’indices à travers ses images. À force de les triturer, il va se perdre et inventer une vérité qui lui échappe.

Pourquoi ? Film culte de la fin des années 60, réflexion autour de l’image et de toutes les interprétations qu’elle peut offrir, Blow up incarne la quintessence du style de Michelangelo Antonioni, auteur passionnant qui à travers ses œuvres, n’a cessé d’interroger l’intériorité des personnages qu’il mettait en scène, en utilisant la caméra comme un outil métaphysique pour mieux les sonder. Démarrant de manière classique, l’enquête dans laquelle va se perdre David Hemmings va évoluer vers quelque chose de tout à fait surprenant, à l’image du match de tennis final mimé. L’image a gagné, la fiction est comparable à la réalité et Thomas l’accepte en se baissant et renvoyant la balle inexistante que l’on entend pourtant rebondir.

MISSION de Roland Joffé – Palme d’Or 1986

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Quoi ? Au XVIIIè siècle, le frère Gabriel part en mission religieuse sur les terres des indiens Guaranis en Amérique du Sud. Il décide d’emmener avec lui l’arrogant et impétueux mercenaire Rodrigo Mendoza qui vient de tuer son propre frère après l’avoir surpris dans les bras d’une femme qu’il aimait. Commence alors une quête initiatique et humaine à la découverte d’un peuple en danger, qui doit aussi permettre à Mendoza de se repentir d’un crime qu’il regrette affreusement.

Pourquoi ? Pour ce périple à hauteur d’hommes à travers les beautés et les dangers de la forêt tropicale. Pour le personnage interprété par Robert De Niro, d’une complexité passionnante, tout en tourments intérieurs avec très peu de paroles. Il porte littéralement un fardeau, les affaires personnels d’un frère dont il a ôté la vie à cause d’une banale querelle, symbole d’un péché à la recherche de l’absolution. Et pour la musique d’Ennio Morricone, évidemment. Mission passionne à plus d’un titre et revient sur une période peu connue qui secoua l’Amérique du Sud à partir de 1750, lors de la mise en place du traité de Madrid qui engendrera plusieurs guerres de territoire.

THE TREE OF LIFE de Terrence Malick – Palme d’Or 2011

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Quoi ? Une famille américaine moyenne se heurte au brutal décès d’un fils et d’un frère. Les souvenirs ressurgissent. Nous sommes invités à revivre rien de moins que la création de notre planète, la naissance des tout premiers organismes vivants, ainsi qu’une réflexion sur la nature de l’homme et son rapport au mystique et à la religion.

Pourquoi ? Dans la filmographie de Terrence Malick, The Tree of Life est son film le plus expérimental et paradoxalement le plus accessible à la fois. Un tour de force s’il en est, puisque la grammaire cinématographique du cinéaste, fascinante pour les uns, agaçante pour les autres, est au service d’un récit à la portée universelle. Malick retrace ici rien de moins que notre propre histoire, du big bang jusqu’à la naissance de l’homme et un après philosophique et métaphysique auquel il réfléchit. Tout dans la mise en scène fait sens. Rarement la photographie de Emmanuel Lubezki n’aura aussi bien mise en valeur les moments de vie vécus par cette famille, le steadycam les embrassant avec bonheur. On pense à la lumière divine traversant les vitraux, nous sommes sidérés devant les plans d’une nature à l’évidente beauté que l’on redécouvre, que cela soit face à une simple vache ou une plongée vertigineuse au dessus de la toute puissance d’une chute d’eau. Et l’idée d’associer des musiques classiques à ces images spatiales, en alternance avec une voix-off qui fait sens nous emporte. Le film peut se vivre telle une prière pour les uns. Cet arbre de vie est sublime. Le film-somme de Terrence Malick, une palme d’or incontestable en 2011.

AMOUR de Michael Haneke – Palme d’Or 2012

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Quoi ? Un couple d’octogénaires cultivés affronte la maladie et les derniers instants de leur vie dans leur grand appartement.

Pourquoi ? Au noir, Amour s’ouvre avec les premières notes de l’Impromptu No.1 en C Mineur de Schubert. Une manière pour Michael Haneke de nous avertir d’emblée : nous allons vers un drame. Car il s’agit bien d’une tragédie moderne que nous nous apprêtons à découvrir. Décrié pour l’extrême austérité de certains de ses films, l’autrichien nous aura encore plus convaincus ici qu’avec Le Ruban Blanc, sa précédente palme décrochée en 2009 dans une polémique toute cannoise. Parce que la plus grande force d’Amour est de s’adresser à toutes les générations en mettant en scène un couple octogénaire, derniers très grands rôles au cinéma des non moins imposants Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva. La mise en scène est d’une rigueur saisissante, Haneke opérant des coupes au centième de secondes près, ou refusant un contre-champ pour faire basculer une séquence dans l’onirisme. Il filme dans un appartement qu’il fait construire, en grande partie inspiré de celui de ses propres parents, contribuant à faire d’Amour une de ses œuvres les plus personnelles. Quant au grand acte d’ « amour » final, chacun repartira avec son propre jugement.

Loris Colecchia

Festival de Cannes At Home: Arte propose une programmation TV spéciale – Partie 2

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