Sorti en 1977 et édité en combo Blu-ray et DVD chez Rimini Éditions, AUDREY ROSE a été, en son temps, produit pour capitaliser sur le succès de L’Exorciste de William Friedkin. Un modèle dont il s’éloigne radicalement, au profit d’une mise en scène moins spectaculaire, caractéristique des films d’horreur de son illustre auteur, Robert Wise.
Pazuzu aux vestiaires
À la fin des années 70, AUDREY ROSE est produit comme une itération tardive de L’Exorciste de William Friedkin. On observe pour points communs le cadre de la maison bourgeoise, ainsi qu’une jeune enfant torturée par des forces surnaturelles. Or, en lieu et place d’un démon, Ivy Templeton est hantée par le souvenir d’une vie antérieure. Celle d’Audrey Rose, une fillette brûlée vive au cours d’un accident de voiture. Et, en lieu et place du père Kerras, nous rencontrons ici Elliot Hoover, le père d’Audrey Rose, à la recherche de la réincarnation de sa fille disparue. Un synopsis issu du roman Audrey Rose de Frank de Felitta, qui se charge lui-même d’adapter le scénario, en étroite collaboration avec le cinéaste Robert Wise.
Oscarisé par deux fois meilleur réalisateur pour West Side Story en 1962 et pour La Mélodie du bonheur en 1966, Wise revient avec AUDREY ROSE à une production horrifique plus intimiste, dans la lignée de son film La Maison du Diable, chef-d’œuvre du genre sorti en 1963. Le metteur en scène s’avère, en effet, coutumier de l’horreur. Il débuta d’ailleurs sa carrière chez RKO en 1943, avec La Malédiction des hommes-chats, vendue comme une suite de La Féline de Jacques Tourneur, mais aussi avec Le récupérateur de cadavres en 1945, une autre production de la RKO, avec Boris Karloff en tête d’affiche. Des longs-métrages caractérisés par un surnaturel sobre, où le mystère prévaut sur le fantastique. AUDREY ROSE s’inscrit dans cet héritage avec des aspects peu spectaculaires, fortement éloignés des effets grandioses de L’Exorciste.
Une formule anti spectaculaire
Pourtant, le film de Robert Wise se révèle bel et bien terrifiant dans son approche réaliste des crises de paniques de la jeune Ivy Templeton, incarnée par une Susan Swift débutante, que l’on retrouvera plus tard dans The Coming et Halloween 6. Les cris déchirants de la fillette sont effectivement exaltés par le désespoir de sa mère, démunie face à la souffrance de son enfant. À ceci s’ajoute le personnage d’Eliott Hoover, interprété par Anthony Hopkins, encore loin d’Hannibal Lecter, mais à l’aune de son personnage de ventriloque à la fois doux et désaxé, dans Magic de Richard Attenborough. Par certains aspects, il incarne une figure rassurante, qui espère aider l’âme de sa fille réincarnée à trouver la paix éternelle. Toutefois, le père d’Ivy Templeton sème un doute légitime en soulignant qu’il interfère de manière dérangeante au sein de leur cellule familiale.
Ainsi, les causes surnaturelles sont remises en perspective et l’immixtion de l’étranger aux croyances exotiques sont davantage sources de mystère et d’inquiétude que la réelle survenue du fantastique. Loin des têtes tournées et des projections de vomi de L’Exorciste, AUDREY ROSE ne concède au surnaturel que des traces de brûlure sur les mains de la fillette. La tension est avant tout affaire de dialogues, émaillés de drames familiaux et de discours persuasifs. Malheureusement, comme le précise l’auteur Marc Toullec dans le livret du coffret vidéo paru chez Rimini éditions, ces aspects anti spectaculaires sont certainement en cause dans l’échec d’AUDREY ROSE au box-office. Et Robert Wise d’admettre : « Je n’ai pas pris conscience que ça pouvait manquer. »
Échec commercial
Lors de sa sortie en salles, AUDREY ROSE a paru démodé et mollasson aux yeux des spectateurs, en comparaison avec la vague de films ésotériques et sensationnels entraînée par le succès de L’Exorciste. La faute à des intentions de production en décalage avec le produit final. En effet, le film entend satisfaire le public avide d’hantise et de possession sur base d’un synopsis similaire au modèle de Friedkin. De plus, il mise sur un scénario adapté d’un roman d’horreur. Une pratique déjà éprouvée par Les Dents de la mer de Spielberg en 1975, qui va plus largement se populariser à la fin de la décennie avec le carton d’Amityville, la maison du diable, pour s’affirmer dans les années 80 avec les multiples adaptations de Stephen King. Or, AUDREY ROSE ne respecte pas entièrement le cahier des charges avec sa formule anti spectaculaire. D’où le rejet du public visé.
Pourtant inspiré et d’une interprétation plus qu’honorable, le film obtint néanmoins, en son temps, les faveurs de la critique. À juste titre, puisqu’AUDREY ROSE ne manque pas de témoigner de tout le talent de son metteur en scène – pour peu qu’il eût été besoin de le confirmer. Bien que le film fut assez vite oublié et qu’il ne figure effectivement pas parmi les plus grandes œuvres de Robert Wise, il n’en demeure pas moins imprégné de la patte de son auteur, réalisateur versatile et formé au genre par des figures telles que Jacques Tourneur. Il offre également le plaisir d’observer un Anthony Hopkins en début de carrière, pas encore auréolé de ses grands succès populaires. Autant de bonne raisons de jeter un œil sur sa ressortie en haute définition chez Rimini éditions.
Lilyy Nelson
AUDREY ROSE sort en combo Blu-Ray et DVD haute-définition chez Rimini éditions. Le film est accompagné d’un livret de 24 pages rédigé par Marc Toullec et d’un bonus vidéo nommé Le cinéma d’horreur selon Robert Wise, par Stéphane du Mesnildot, historien du cinéma.