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HALLOWEEN, un certain goût pour la perversion – Analyse

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Lorsque John Carpenter réalise Halloween, son second long métrage en 1978, il est loin de se douter du raz de marée que son film s’apprête à provoquer. Et à vrai dire, il n’est pas le seul.

Il n’a alors à son actif que quelques courts métrages réalisés à l’école de cinéma, son projet de fin d’études Dark Star, et le modeste succès d’Assault, considéré aujourd’hui encore comme son premier véritable long métrage. Avec son faible budget de 325 000 dollars et pas l’ombre d’une vedette à l’affiche, il aurait été périlleux à l’époque de parier sur le succès d’HALLOWEEN. Et l’on peut en dire tout autant de sa musique.

En effet, la bande originale d’HALLOWEEN a été composée en seulement quelques jours, sur un simple synthétiseur (et non avec un orchestre) par John Carpenter, dans le but d’économiser sur le budget total du film. Le réalisateur avoue bien volontiers ne rien y connaitre en solfège et ne pas avoir la moindre notion d’écriture musicale. Pourtant avec le temps, HALLOWEEN gagnera ses lettres de noblesses, passant d’un film d’horreur de niche à petit budget à une référence dans le milieu du Slasher et du cinéma d’horreur en général. 

Le thème principal d’HALLOWEEN, bien qui minimaliste, marque par son efficacité, au point que sa structure sera reprise plus tard par de nombreux films d’horreur, y compris ceux n’ayant aucun lien d’appartenance avec le genre du Slasher. Cette musique, la voici :

Alors comment John Carpenter, en seulement quelques jours et avec du matériel rudimentaire a-t-il fait pour composer une musique à la fois prenante et efficace ? C’est ce que nous allons étudier de ce pas.

Et nous allons attaquer avec le plus gros du morceau, ce qui marque indubitablement sa signature : le rythme. Le thème d’HALLOWEEN est construit sur une base rythmique atypique. Il s’agit d’un morceau en 5 temps, soit entre le 4 temps et le 3 temps, qui sont les deux bases rythmiques les plus répandues : à savoir le rythme binaire et le rythme ternaire. Avec sa signature rythmique, Halloween se situe donc exactement au milieu de ces deux tendances. Et vous allez le voir « entre deux » est un terme qui reviendra souvent ici.

Mélodiquement parlant, la grille de lecture d’un morceau comme celui d’HALLOWEEN fait penser à celui d’un conte. Le morceau est composé d’une succession de notes aiguës jouées par un piano artificiel dont le son fait penser à celui d’une boîte à musique. Le rythme est rapide, répétitif et boucle régulièrement, comme une ritournelle. Des instruments à cordes virtuels font fréquemment leur apparition comme compléments rythmiques du morceau, ce qui n’est pas sans rappeler la logique de composition des bandes originales de Bernard Hermann pour les films d’Hitchcock, dont s’inspire ouvertement HALLOWEEN.

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Côté percussions, nous avons droit à un beat répétitif, binaire et ininterrompu composé d’une grosse caisse et d’un charley à demi ouvert, marquant systématiquement les temps et les contretemps sans interruption. Au niveau de l’arrangement, nous sommes donc à mi-chemin entre les registres de la comptine et de la musique électro. Chacun des deux reflétant un aspect de l’œuvre.

La partie « comptine » du morceau met en relief sa dimension structuraliste, puisqu’elle nous permet de le faire entrer, inconsciemment, dans le registre de la fable. En effet, dans HALLOWEEN, nous avons en substance une figure abstraite du mal qui s’en prend à une proie pure et innocente, sans défense. En effet, remplacez Michael Myers par le grand méchant loup et Laurie Strode par le petit chaperon rouge et vous obtiendrez une relecture horrifique des récits pour enfants.

La partie « Electro » nous renvoie, elle, à l’héritage des slasher pré-HALLOWEEN, particulièrement les Giallo, qui avaient pour coutume de palier à leur manque de budget en utilisant des synthétiseurs au lieu d’orchestres et d’exploiter un genre musical alors nouveau dans les années 70 en lieu et place de l’habituelle musique symphonique. Ce qui leur permettait de créer une atmosphère singulière tout en restant dans les clous de leur budget.

Halloween se situe donc par ses choix de rythme et d’arrangement quelque part entre ces deux mondes. Entre le conte pour enfant et le film d’horreur à petit budget.

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Il serait aisé de conclure ainsi. Mais une simple seconde écoute du morceau suffit pour comprendre que cette seule analyse sans synthèse n’est pas concluante. Le thème d’HALLOWEEN, même s’il en prend quelques ingrédients, n’est définitivement pas une comptine pour enfant. Pas plus qu’il n’est un morceau d’électro. Et s’il est entre deux, ce n’est en aucun cas pour rassurer ses auditeurs en les amenant en terrain connu. Mais au contraire pour créer de l’angoisse via ses dissonances.

En écoutant plus attentivement le thème d’HALLOWEEN, nous n’y entendons pas une musique enfantine, mais une version pervertie d’une musique enfantine. Nous entendons une musique au rythme binaire et régulier, mais sans l’énergie et l’entrain que procure habituellement un morceau d’électro. Au contraire, son rythme ininterrompu semble plonger le morceau dans une torpeur, comme si la rapidité de son rythme, paradoxalement, le ralentissait. Résultat : ce qu’il prend au conte nous renvoie à nos angoisses infantiles. Ce qu’il prend des synthétiseurs et du rythme relève du froid, du mécanique, de l’inaliénable, de l’implacable.

Voilà ce que signifie ce thème. Une peur grandissant inlassablement, une angoisse implacable.

Il s’agit là des rouages qui actionnent ce thème : un morceau entre deux, qui exploite chacune de ses composantes pour contaminer les autres jusqu’à les pervertir totalement. C’est cela qu’HALLOWEEN a apporté musicalement parlant au genre du Slasher. Un certain goût pour la perversion.

Guillaume de Lamotte

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