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Photo du film LE VOYEUR
Crédits : StudioCanal UK

LE VOYEUR, une question de point de vue – Analyse

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Décrié en 1960, car trop dérangeant pour son siècle, LE VOYEUR de Michael Powell est aujourd’hui considéré comme une œuvre singulière pour son époque, voire fondatrice pour plusieurs sous-genres horrifiques. Aux origines du psycho killer movie et du slasher, retour sur un chef-d’œuvre bien trop en avance sur son temps.

Itinéraire d’un tueur ordinaire

Cinéaste émérite de la fin des années 30 jusqu’à la fin des années 50, Michael Powell a été nommé deux fois à l’Oscar du meilleur film, pour 49e Parallèle en 1943, puis pour Les Chaussons rouges en 1949. Pourtant, le réalisateur va connaître une fin de carrière soudaine dès la sortie du VOYEUR en 1960. Jugée choquante et dérangeante, l’œuvre du Britannique ne rencontre ni le succès, ni l’estime de ses pairs. Soit l’exacte inverse de Psychose, sorti la même année, qui traite pourtant d’un sujet similaire. En l’occurrence, le parcours d’un déséquilibré, qui assassine plusieurs femmes et jouit de ses crimes.

Photo du film LE VOYEUR
Crédits : StudioCanal UK

La différence entre ces deux films tient surtout à leurs formes. Bien que tous deux révolutionnaires à bien des égards, Psychose bénéficie d’une mise en scène plus théâtrale, où la caméra dévie suffisamment pour laisser place à l’imagination, tandis que LE VOYEUR présente une violence plus frontale et un malaise plus sensible. Pierre angulaire du sous-genre du psycho killer movie, LE VOYEUR contient des éléments presque de l’ordre de l’expérimental pour leur époque. Dont une caméra diégétique, tenue par le personnage lui-même, qui offre au spectateur la même perspective que le tueur lors la première scène de meurtre, notamment.

Powell VS Hitchcock

Psychose fit sensation, en partie grâce à ses jump scares et autres effusions de sang, cependant volontairement atténuées par le noir et blanc. Car Hitchcock avait conscience de ses effets et souhaitait déstabiliser son public, sans pour autant le pousser à sortir de la salle. L’intention, chez Powell, est différente. En effet, LE VOYEUR bénéficie de la couleur et elle participe au réalisme de l’ensemble, puisque le sang coule rouge directement face à la caméra, que l’on sent dissimulée sous les vêtements de l’agresseur. Plus déstabilisant, le film de Powell entendait offrir une expérience dérangeante au public, là où Hitchcock considérait encore son film comme un grand spectacle de cinéma.

Photo du film LE VOYEUR
Crédits : StudioCanal UK

Par ailleurs, LE VOYEUR est filmé du point de vue du tueur, qui devient dès lors le personnage principal du film. Nouvel élément précurseur, cette plongée contrainte dans la psyché de l’antagoniste oblige en quelque sorte le spectateur à vivre dans la peau du bourreau pendant près de cent minutes. Plus exactement, dans la peau de Mark Lewis. Un vidéaste également auteur de photos de charme, qui ressent visiblement une excitation sexuelle lorsqu’il lit la peur sur le visage de ses victimes. Mais Lewis noue aussi une romance avec l’une de ses voisines, a été maltraité par son père scientifique et souhaite soigner ses troubles. On en vient peu à peu à le comprendre et à ressentir de la compassion, alors même que notre conscience le perçoit bel et bien comme un monstre.

Aux origines du film de psychopathe

Une sensation dérangeante. Encore plus pour le public de 1960, peu habitué à ces expériences et peut-être pas encore prêt à en déceler le génie. De plus, le personnage se révèle également scopophile – à savoir qu’il éprouve du plaisir à placer l’autre sous la domination de son regard. Une certaine allégorie du cinéma, d’autant plus que Mark Lewis travaille dans un studio en tant que réalisateur. La caméra lui permet alors de revivre inlassablement ses instants d’excitation au moment de passer à l’acte. Ainsi, LE VOYEUR de Powell questionne notre rapport à l’image, non seulement en tant que spectateur, mais aussi du point de vue du créateur de l’image elle-même.

Photo du film LE VOYEUR
Crédits : StudioCanal UK

D’où la réputation du film, considéré comme un instigateur du snuff-movie, sous-genre conçu pour semer le trouble quant à la véracité de ce qui se joue à l’écran. LE VOYEUR eut aussi un fort impact sur le slasher, basé en partie sur les sensations que peuvent susciter les scènes de meurtres. Cependant, il est avant tout le chef de file du psycho killer movie. En effet, LE VOYEUR va grandement contribuer à en instaurer les codes. Et il est troublant de constater les points de connivence entre cette œuvre et les autres films de sa catégorie au fil des décennies. Des Tueurs de la lune de miel en 1970 à American Psycho en 2000, en passant par Maniac en 1980 ou Pearl dernièrement, le film de Michael Powell continue de faire de petits. Une revanche méritée pour ce métrage grandiose, autrefois retiré de l’affiche pour le scandale qu’il a suscité.

Lilyy Nelson

Auteur·rice

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