Crédit : Tamasa Diffusion

MAXIMUM OVERDRIVE, histoire d’un échec – Analyse

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Seule réalisation de Stephen King himself, MAXIMUM OVERDRIVE fut une telle catastrophe industrielle que le célèbre auteur refuse désormais de réaliser d’autres longs-métrages.

Au milieu des années 80, un grand nom domine quasiment toute la production horrifique : celui de Stephen King, auteur prolifique et multi-adapté depuis les succès de Carrie au bal du diable en 1976 et de Shining en 1980. Déjà scénariste, consultant et figurant dans de nombreuses adaptations de ses œuvres, King pénètre un peu plus l’écosystème du cinéma en accédant à la fonction de réalisateur sur MAXIMUM OVERDRIVE en 1986. Le film résulte de la collaboration entre l’écrivain et le producteur Dino De Laurentiis, amorcée en 1983 avec Firestarter premier du nom.

Conscient de la manne financière que constitue la mention « based on a novel by Stephen King », De Laurentiis enchaîne les projets du genre avec le film à segments Cat’s Eyes de Lewis Teague en 1983, puis Peur bleue de Daniel Attias en 1985. Pour ce dernier, il propose à King de rédiger le scénario, de la même façon qu’il avait procédé pour certains des sketches de Cat’s Eyes. L’intéressé refuse et s’avérera d’autant plus déçu du travail d’adaptation qu’il restera bel et bien crédité au scénario sous son seul nom. Familier de ce type de déconvenues, Stephen King acceptera finalement de réaliser MAXIMUM OVERDRIVE sur invitation de Dino De Laurentiis un an plus tard.

Photo du film MAXIMUM OVERDRIVE
Crédit : Tamasa Diffusion

Le scénario du futur long-métrage adapte la nouvelle Trucks, parue dans le recueil Night Shift en 1978. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agit pas de l’œuvre la plus subtile de King. Le récit prend place dans un relais routier où chacun vaque à ses occupations… Quand soudain, les camions et autres engins de chantiers se mettent à attaquer les humains alentours de leur propre chef. Brouillon moins élégant de Christine, Trucks a néanmoins le potentiel d’un grand divertissement. De Laurentiis en a bien conscience et en acquiert les droits, bien avant d’en confier la réalisation à son auteur. Rien ne prédestinait donc Stephen King à mettre en scène cette adaptation foutraque.

Une affaire d’ego

Comme on le sait, l’écrivain n’avait pas apprécié la vision de Kubrick sur Shining. De même qu’il avoue ne pas aimer les suites des Démons du maïs ou le Firestarter de Stanley Mann. Plus tard, il ira même jusqu’à demander le retrait de son nom sur l’affiche du Cobaye de Brett Leonard. Il considérait en effet le film bon, mais trop éloigné de la nouvelle originale, titrée The Lawnmower man. Pour limiter ce genre de déceptions, il apparaît soudain à l’auteur que passer directement derrière la caméra lui offrirait la garantie d’un travail bien fait. Le pas fut néanmoins long à sauter, car MAXIMUM OVERDRIVE ne fut pas exactement le premier projet de réalisation à lui être soumis.

Photo du film MAXIMUM OVERDRIVE
Crédit : Tamasa Diffusion

Toutefois, c’est un King enorgueilli à la cocaïne et dépendant à l’alcool qui décide de mener cette entreprise risquée, avec les contraintes financières propres aux productions De Laurentiis. Dès la bande-annonce, le ton est donné. D’une prétention folle, l’auteur lui-même fait la promotion de son œuvre : « Il y a beaucoup de réalisateurs qui ont porté mes romans et mes histoires à l’écran. Et j’ai découvert que si l’on veut que quelque chose soit parfaitement réussi, il faut le faire soi-même. » Or, dès la bande-annonce, MAXIMUM OVERDRIVE paraît bien cheap et très loin de la force évocatrice d’un Carrie ou d’un Dead Zone.

Tournage en Enfer

L’affaire sentait pourtant mauvais dès les débuts de la production. En effet, alors que King souhaitait voir Bruce Springsteen dans le rôle principal, De Laurentiis se rabat sur Emilio Estevez, encore auréolé du succès de The Breakfast Club. Censé jouer les gros bras, le pauvre Estevez a malheureusement plutôt l’air d’entrer dans la puberté, avec sa barbe de trois jours peu marquée et sa carrure somme toute chétive. De plus, le tournage a lieu en Italie, avec des équipes italiennes, dans un environnement cinématographique que King maîtrise mal. Une situation empirée par la barrière de la langue, car alors qu’il avait assuré à De Laurentiis maîtriser l’idiome, Armando Nannuzzi – directeur de la photographie sur place – ne baragouine, en réalité, qu’à peine deux-trois mots d’anglais.

Photo du film MAXIMUM OVERDRIVE
Crédit : Tamasa Diffusion

Le même Armando Nannuzzi attaquera la production en justice pour 18 millions de dollars, après avoir été blessé à l’œil sur le tournage. Du reste, Stephen King passe ses journées ivre mort sur le plateau, comme le confirme Roberto Croci, son interprète sur le projet : « Le matin à 6 heures, lors de la réunion des équipes, il ouvrait sa première bière. À 8 h 30, il en avait déjà bu dix. » Un constat que King ne nie pas, bien qu’il souligne plutôt son addiction à la cocaïne : « J’étais camé jusqu’à l’os pendant le tournage et je ne savais absolument pas ce que je faisais. » Et effectivement, le résultat à l’écran se veut le reflet de tous ces aléas de production.

Maximum désastre

En effet, malgré la sympathie qu’il attise aujourd’hui, le film ne s’avère ni effrayant, ni même drôle. MAXIMUM OVERDRIVE témoigne plutôt d’une platitude effarante. Un comble pour une histoire de camions qui prennent vie, conséquemment au passage d’une comète près de la Terre. Là où il aimerait provoquer, le film tombe dans le mauvais goût le plus crasse. Et là où il aimerait attendrir, il se perd dans des relations sans enjeux, entre des personnages trop peu développés pour que l’on s’y attache. Enfin, la bande son composée par AC/DC ne comprend que trois titres inédits et ressemble à n’importe quel album de AC/DC… Elle essaye de rendre épiques tant d’images qui ne le sont pas, que l’on en vient à se demander si la musique n’a pas été placée de manière aléatoire dans tout le long-métrage.

Photo du film MAXIMUM OVERDRIVE
Crédit : Tamasa Diffusion

Au box-office, MAXIMUM OVERDRIVE peinera à rembourser ses 9 millions de dollars de budget, avec seulement 7,4 millions de bénéfices dans le monde. Pourtant prometteuse, la carrière d’Emilio Estevez s’en voit sensiblement ralentie. Aujourd’hui encore, l’acteur regrette cette expérience : « Ma mère m’a demandé pourquoi j’avais accepté ce film, j’ai argué que je voulais travailler avec Stephen King. Ce à quoi, elle m’a répondu que j’aurais mieux fait de l’aider à repeindre sa maison. » De son côté, King considère le film « stupide » et se montre à jamais écœuré par la réalisation. On ne l’y reprendra plus. Et Dieu merci…

Lily Nelson

Auteur·rice

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