OLD BOY, là où la vengeance devient culte – Analyse

Photo du film OLD BOY
Crédits : BAC Films

Difficile d’ignorer la place qu’occupe OLD BOY dans l’imaginaire collectif contemporain. Même sans l’avoir vu, beaucoup en connaissent l’aura, son statut de film-choc, de référence. Revoir ce film aujourd’hui, c’est se confronter à une œuvre qui n’a rien perdu de sa puissance. Mais aussi interroger ce qui fait qu’elle est devenue, sans ambiguïté, un « classique ». Sans vous spoiler l’intrigue (car c’est aussi un film dont la force réside dans sa manière de déstabiliser) tâchons de cerner ce qui le rend si singulier.

Une mise en scène qui empêche d’anticiper 

En tant que spectateurs, on aime jouer aux devins – deviner le twist, repérer les signes. 

Ce réflexe trouve ici peu de prise. Non pas parce que le récit est « imprévisible » au sens bêtement trompeur, mais parce qu’il nous submerge dans un présent si extrême et frénétique qu’il rend l’anticipation difficile. OLD BOY nous enferme dans son présent, là où chaque plan, chaque montage, capte notre attention immédiate.

Il y a en effet dans la mise en scène de Park Chan-wook une forme d’urgence. La caméra épouse l’état physique et mental du personnage principal Oh Dae-su (incarné par Choi Min-sik) avec une intensité qui frôle la transe, comme dans un film de kung-fu sous adrénaline. 

Ce dynamisme visuel trahit aussi l’origine du matériau source : OLD BOY est adapté d’un manga japonais signé Garon Tsuchiya et Nobuaki Minegishi. Le film ne transpose pas seulement une intrigue, mais une énergie graphique. Les mouvements, les scènes d’action, les jeux de regards prouvent que Park Chan-wook a réussi à adapter le dynamisme graphique propre à la BD japonaise.

Évidemment, OLD BOY est d’abord perçu comme une œuvre de vengeance. C’est même devenu un raccourci, presque une étiquette : le film « de vengeance » par excellence. Cette portée symbolique semble tenir à deux choses : une raison formelle et une raison culturelle.

Sur le plan formel, OLD BOY constitue le cœur d’un triptyque informel, la fameuse “Trilogie de la Vengeance” de Park Chan-wook, amorcée avec Sympathy for Mr. Vengeance (2002), poursuivie avec OLD BOY (2003), et achevée par Lady Vengeance (2005). Chaque film explore une forme différente de justice personnelle, en jouant sur des registres mêlant mélodrame, humour noir et ultraviolence stylisée.

Mais c’est OLD BOY qui a cristallisé ce cycle dans l’imaginaire collectif. Son Grand Prix au Festival de Cannes en 2004, remis par Quentin Tarantino, a contribué à inscrire le cinéma sud-coréen dans le paysage mondial, dans le sillage d’une « K-Wave » culturelle (ou Hallyu) déjà amorcée dans les années 2000.

On en vient donc à l’argument culturel, prônant l’idée que OLD BOY est devenu un véritable repère dans l’industrie du cinéma. Le film est devenu une référence implicite, un jalon que d’autres réalisateurs ont revendiqué comme influence directe, parmi lesquels Nicolas Winding Refn (Drive, 2011) ou James Gunn (Les gardiens de la galaxie, 2014). Même sans l’avoir vu, on reconnaît ses traces dans d’autres œuvres. 

Surtout, certaines scènes ont été littéralement « intégrées » à d’autres œuvres. La scène du couloir en plan-séquence est devenue un modèle, reprise presque à l’identique dans la série Daredevil (Netflix, 2015) ou dans le film Nobody (Ilya Naishuller, 2021) pour ne citer qu’eux. Mais ce n’est pas seulement l’esthétique qui marque : la symbolique de l’enfermement, le goût du twist final, la stylisation de la violence psychologique sont autant d’éléments repris ailleurs, consciemment ou non.

Conclusion (ou presque)

Si malgré tout ça vous ne ressentez pas l’envie de (re)voir OLD BOY, c’est peut-être que je n’ai pas su transmettre ce qui me bouleverse dans ce film. Mais l’erreur serait d’en conclure qu’il est surestimé. Ce n’est pas que mes arguments manquent, c’est que parfois, un film dépasse les mots. Il est des émotions brutes, viscérales, impossibles à transmettre par le langage critique. Et l’émotion intense qu’il provoque, cette espèce de sidération qu’on ressent rarement devant un écran, est précisément ce qui fait la valeur de OLD BOY

Nathan DALLEAU

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