• Créateur : Jonathan Nolan, Lisa Joy
• Acteurs principaux : Anthony Hopkins, Evan Rachel Wood, Ed Harris
• Diffuseur : HBO (USA) / OCS City (France)
• Format : 10x60min
Même si Game of Thrones continue, saison après saison, de battre des records d’audience et de recevoir des prix, HBO doit penser à l’après de sa série phare (il est prévu qu’elle se termine en 2018 après huit saisons). Il est aussi important pour la chaîne de se relever après deux gros échecs consécutifs : le futur de la série anthologique True Detective n’est pas encore certain après une saison 2 mal accueillie, et Vinyl, au budget faramineux, a été annulée à la fin de sa première saison.
HBO a donc plus que jamais besoin d’une nouvelle grosse production qui pourrait couvrir plusieurs années. C’est en tout cas ce qu’espèrent ses dirigeants avec WESTWORLD, série de science-fiction, adaptée du film Mondwest (Westworld) écrit et réalisé par le romancier Michael Crichton (l’auteur de Jurassic Park) en 1973. Avec J.J. Abrams à la production, Jonathan Nolan (et son épouse Lisa Joy) en showrunner, une distribution prestigieuse et un scénario établi sur cinq saisons, autant dire que la série est attendue au tournant. Et à la vue de ses premiers épisodes, elle semble bien partie pour être la nouvelle sensation serait mieux télévisuelle.
L’histoire a pour cadre un parc d’attraction futuriste qui reproduit dans les moindres détails le monde du Far-West. Les visiteurs sont accueillis par des androïdes dont la mémoire est remise à zéro après chaque journée de travail. Des gens fortunés viennent ainsi à « Westworld » pour jouer les cow-boys et vivre leurs pulsions, pouvant violer ou tuer sans qu’il n’y ait de conséquence puisqu’il ne s’agit pas d’humain. Pour les androïdes, c’est la même journée qui recommence, encore et encore, mais avec des variantes en fonction des actions des visiteurs. Tel un effet papillon, le moindre changement modifie les scénarios prévus par les créateurs du parc. A la suite d’une mise à jour des androïdes, ceux-ci vont commencer à prendre conscience de leur vie et de ce qui les entoure.
WESTWORLD joue alors sur cette répétition, notamment avec la reproduction du réveil de Dolores (l’un des personnages centraux, interprété par Evan Rachel Wood), tout en faisant délicatement craquer ce qui semblait être une mécanique bien huilée. Ce sourire de Dolores se dissipant tandis que des souvenirs surgissent. Elle sera la première à élaborer ce qui pourrait se rapprocher d’une conscience. Egalement, en montrant les androïdes dans les pires situations, souvent leur mort, mais de manière uniquement momentanée (puisqu’ils sont à chaque fois remis à jour), il se crée un rapport aux personnages non humains bien particulier. Comme les visiteurs du parc, nous voilà froid dans notre regard posé sur ces êtres, ne sachant trop quoi ressentir face à leur sort qui varie constamment. De quoi se demander si l’on agirait si différemment des humains de WESTWORLD.
« Jonathan Nolan ne semble être qu’aux prémices de ce qu’il pourrait développer. Et pourtant, on ressent déjà toute la richesse de Westworld. »
Forcément il y a du déjà vu dans cette thématique d’humains créateurs et sans morale envers leurs créations, à l’opposé de robots à l’attitude pourtant très humaine (on pense forcément à Blade Runner). Mais Jonathan Nolan, scénariste de la plupart des réalisations de son frère Christopher Nolan, est justement bien habile quand il s’agit d’utiliser des bases simples et d’en tirer des scénarios riches, originaux et surprenants. Avec WESTWORLD, la portée de son travail se ressent sur la durée. Proposant au fil du temps davantage d’ambivalence aux protagonistes, les rendant, ni entièrement bon ni entièrement mauvais. Comme l’homme en noir (parfaitement interprété par Ed Harris), qui en massacrant des androïdes motivés par une quête personnelle, semble également désireux de « réveiller » ces androïdes, et devient un mystère. Ou Robert Ford (Anthony Hopkins), le directeur et fondateur du parc qui présente, tantôt une forme d’affect pour ses créations, tantôt insiste pour qu’elles ne soient considérées que comme des machines, les dénigrant fortement.
On le voit notamment à la manière qu’il a d’insister pour que les machines restent nues lorsqu’elles ne sont pas mises en marche au parc. WESTWORLD désacralise les corps de manière glaçante. Lorsqu’un androïde doit être reconfiguré il reste posé, inerte et nu, au milieu d’un pièce entourée de baies vitrées. C’est justement dans ces moments que les acteurs se révèlent le plus (principalement Evan Rachel Wood et Thandie Newton), faisant passer les émotions ou l’absence d’émotion uniquement par leur visage. La réalisation, elle, se charge de détruire toute érotisation possible des corps, pourtant en soi beaux. Mieux, elle provoque un profond malaise par sa manière de traiter un même événement sous deux regards. Par exemple, lorsque l’androïde Maeve (Thandie Newton) se réveille en pleine opération et assiste au nettoyage morbide des corps de ses congénères – une image puissante qui pourrait être une évocation de la Shoah – le contraste vient de la réaction humaine. A la fois mécanique et dans un ton presque comique – les deux hommes chargés de la surveiller passant pour deux gros balourds, maladroits dans leur manière de remettre l’androïde à sa place.
Certes il est difficile de juger la série entièrement sur sa part scénaristique et à partir des seuls quatre premiers épisodes que nous avons pu voir, tant Jonathan Nolan ne semble être qu’aux prémices de ce qu’il pourrait développer. Et pourtant, on ressent déjà toute la richesse de la série. Ne serait-ce que sur le plan de la réalisation.
WESTWORLD met la barre haute. Elégante dans sa capacité à varier en fonction des situations, la série joue sur les codes du western, avec juste ce qu’il faut de mielleux dans les romances, fait preuve de sobriété dans les obscures coulisses du parc, se révèle terrifiante lorsqu’il s’agit de montrer la sauvagerie des hommes, ou adopte un style de divertissement grandiose lorsqu’il faut attirer le public du parc. C’est ce que révélera une séquence magistrale de fusillade, tout en mouvement de caméra, portée par un montage précis et une reprise de Paint in Black des Rolling Stones façon « western » – à noter que la musique dans son ensemble est particulièrement maîtrisée et utile. Une scène qui, derrière son caractère spectaculaire, dégage quelque chose de dérangeant, en montrant un massacre monstrueux. C’est par cette variation d’émotions que WESTWORLD captive et se sublime. Au-delà même des qualités visuelles indéniables de la série (utilisation de décors naturels, reproduction réussie d’une petite ville du Far West), Jonathan Nolan, à la réalisation du pilote, s’est donc montré particulièrement bien inspiré. Reste à espérer une confirmation sur l’ensemble de la saison et que, cette fois, les audiences suivront.
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