Avec ce téléfilm narrant les mésaventures d’un vacataire professeur de français, TF1 ne cherche même plus à éviter les écueils. Pire, la fiction semble désormais devenir un prétexte pour flatter les clichés et rassurer l’audience.
Des mois que les bandes-annonces sont diffusées à toute heure : Joey Starr sera le remplaçant, un professeur de lettres confronté à une classe de lycéens difficiles, en banlieue parisienne. Le postulat ainsi établi attise la curiosité et nous sommes tentés de croire que l’acteur va insuffler un souffle nouveau au sein d’une fiction ludique et engagée. Surtout, l’acteur s’est montré pertinent dans ses choix de carrière, surtout quand il s’agissait de se mettre au service de récits vecteurs d’obsessions sociétales (Polisse, Tout simplement noir). Il n’en sera rien ici.
En refusant toute crédibilité sous couvert de fable, LE REMPLAÇANT accumule, au mieux, les clichés, au pire bascule dans le grotesque. On y apprend que les lycéens aujourd’hui, dans un lycée pourtant huppé, insultent à tour de bras les enseignants. Ces derniers n’ont apparemment que deux possibilités : le renoncement, clamé par un Stéphane Guillon bien à l’aise dans la peau du prof dépité, ou la violence, celle dont fait preuve M. Valere, nouvellement affecté, à l’égard d’un élève tel qu’on en voit plus. Un triste constat initial qui, malheureusement, s’aggrave tout au long de ces deux heures, où l’on assiste, incrédule, à des cours où les élèves crient à travers le lycée, se jettent des ballons de basket en hurlant, ou échangent avec un professeur devenu subitement leur meilleur ami.
On aimerait que Joey Starr se fasse le formateur des futurs enseignants : en deux séances, il parvient, sans forcer son talent et sans préparer le moindre cours, à instaurer son autorité. Le subterfuge fictionnel semble lui octroyer tous les droits. Ainsi, le néo-prof parvient sans formation aucune à transfigurer ses élèves, qui, soudainement, passent d’insultes proférées à l’égard de l’enseignant à un concours d’éloquence. Surtout, la surprise est de mise quand on constate les méthodes revendiquées par celui qui est présenté comme un modèle de vertu pour ses élèves, un père tourmenté. A l’ère du harcèlement, Joey Starr espionne ses élèves sur Instagram, s’amuse à les insulter, les rejoint à une fête, crie quand il a réussi un cours, et constate après quatre jours qu’il aurait besoin d’être en arrêt sans jamais avoir abordé un seul texte avec sa classe (!).
Les clichés font partie intégrante des fictions ancrées dans le domaine de l’éducation : de La vie scolaire à Esprits rebelles ou La journée de la jupe, ils traduisent par instant une certaine forme de réalité, dans laquelle il est possible de se reconnaître. Ce qui inquiète ici, c’est le détachement total avec toute forme de logique dans le but de baigner le spectateur dans les codes réconfortants de la sucess-story. Rien ne justifie la réussite de ces élèves, encore moins celle de l’enseignant. Les élèves sont dénués d’une quelconque humanité, passant leur temps à s’invectiver ou se filmer, avec pour seul recours face aux problématiques du quotidien une violence physique qui surprend. Rien d’étonnant pourtant : les sous-entendus teintés de machisme allégués par Joey Starr pour séduire la principale finissent par la conquérir et ses cours miracles vidés d’une quelconque forme de pédagogie conduisent le rectorat à le replacer sur son poste. Une réalité fictionnelle effarante, qui laisse pantois et amène à la réflexion. On espère que Joséphine Ange-gardien récupérera le prime time du lundi soir et que les 7 millions de téléspectateurs ne convaincront pas les producteurs à se lancer dans une suite.
Emeric
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