Photo du film CREED III
Crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.

CREED III, oui, la relève est peut-être là – Critique

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Après le très inspiré Creed de Ryan Coogler en 2015 et le solide mais moins réussi Creed II de Steven Caple Jr. trois ans plus tard, c’est un CREED III qui débarque avec énergie pour enfiler à nouveau le short et les gants, sans Sylvester Stallone mais avec Michael B. Jordan à la réalisation pour la première fois de sa carrière et Jonathan Majors en antagoniste. Avec en plus une spécificité ici : deux visionnages pour l’auteur de ces lignes, l’un en conditions normales et l’autre en Dolby Cinema, ce qui était, pour le coup, une première. 

Retour en force et en maîtrise

Le premier Creed, spin-off de la saga Rocky avait couché tout le monde avec sa mise en scène aussi maîtrisée que pleine de superbes trouvailles, son scénario costaud, ses personnages touchants ou encore ses combats mémorables. Ryan Coogler nous montrait un Michael B. Jordan aussi musclé et motivé que faillible et touchant et un Sylvester Stallone qu’on avait rarement vu aussi émouvant dans toute sa carrière et qu’on ne s’attendait pas aussi marquant dans un film qui s’imposait comme un bien beau long-métrage avec son identité propre, à tel point qu’on pourrait même le qualifier d’important, tant les spin-of aussi qualitatifs sont rares. Le film suivant se contentait malheureusement de copier le premier mais le faisait bien et s’il a été pas mal critiqué, l’auteur de ces lignes considère que les intentions et le spectacle sont suffisamment là pour garantir un bon et beau moment. Et le troisième, s’il ne montre plus le personnage de Stallone donc, apparaît comme une prolongation intéressante et solide des deux premiers, symbolisée par son antagoniste principal, et rappelle un des aspects les plus agréables de ce ce genre de film : l’investissement autant physique qu’émotionnel. Car dans Creed, Adonis affrontait Ricky Conlan (Tony Bellew, vrai boxeur pro), un adversaire vicieux, coriace et impressionnant mais pas non plus absolument mémorable. Creed II, lui, avait perdu en maîtrise et inspiration ce qu’il avait gagné au niveau de son antagoniste, Viktor Drago, interprété ici par Florian Munteanu (vrai boxeur lui aussi) et secondé par Ivan Drago (Dolph Lundgren bien sûr) qui revenait pointer sa trogne. Et si le film est donc moins bon, il compense par un adversaire beaucoup plus impressionnant et gagne une dimension physique supérieure au premier. Véritable montagne de muscles – 1m93, encore plus que Lundgren – aussi bien dessinés que massifs,  Munteanu donnait en effet tout son physique et son charisme à un Viktor Drago qui collait véritablement les jetons et nous faisait craindre le pire pour Adonis à chaque seconde tant il était puissant et dangereux comme le disait d’ailleurs Rocky. Le film passait donc un cap à ce niveau là, alors qu’Adonis en bavait comme jamais lorsque son adversaire l’envoyait à l’hôpital après un coup illégal avec option côtes cassées et visage émacié. Rocky emmenait son poulain renaître dans le désert, on sentait la poussière et les courbatures au plus profond de nous ainsi que la renaissance du personnage et le film s’achevait en apothéose avec un combat prenant comme pas deux susceptibles de faire autant transpirer le spectateur investi que les deux combattants sur le ring. Et en découvrant, dans la première bande-annonce, le nouvel antagoniste du troisième film, Damian Anderson, on se disait que celui-ci condensait les qualités des deux premiers et que le challenge allait donc être encore plus impressionnant tout en espérant que les enjeux émotionnels soient toujours au rendez-vous.

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« Si tu regardes bien, tu peux voir toute ta vie, ici… » Crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.

Émotions, prises de risques et tentatives

En effet, et c’est pour l’auteur de ces lignes un élément essentiel pour aborder ce film, alors que celui-ci aurait pu faire craindre la redite et la lassitude, malgré des défauts certains: le pari est réussi car il est abordé avec sincérité. Alors que Stallone n’est pas revenu à cause de questions de droits qui ont occasionné quelques moments délicats, le contexte l’était encore plus pour Michael B. Jordan et force est de constater que le bonhomme, que ça soit en tant qu’acteur ou réalisateur, semble bel et bien avoir les épaules pour porter la suite déjà annoncée (préparez les gants, un univers spécifique est en préparation). Les réactions impulsives d’Adonis sont loin et l’assurance et la maîtrise apparaissent dès les premiers instants où on le retrouve. Quel plaisir de le voir épanoui, serein et enfin heureux. Dimension d’ailleurs importante et belle, surtout dans la représentation de la masculinité. Loin des entraves qui le poussaient auparavant à un comportement parfois immatures, Adonis est ici un devenu un homme, un mari et un père qui n’a aucun problème à jouer à la dinette avec sa fille, est là pour soutenir sa femme, s’occuper de sa mère et tout ça dans une maison gouvernée par les femmes comme il le dit lui-même. Il apprendra d’ailleurs à sa fille que la boxe n’est pas violence mais maîtrise et concentration. Et sur le ring, les choix portent leurs fruits. Jordan ayant déclaré avoir voulu trouver une nouvelle façon de filmer la boxe en s’étant notamment inspiré des animés japonais, la curiosité est donc là. Comment un acteur qui n’a encore jamais réalisé va-t-il se débrouiller avec une énième saga devant jongler avec tous les impératifs qu’on connait aujourd’hui ? La réponse ici est: bien. On comprend les remarques de ceux qui ont grandi avec Rocky et oui le film se cherche mais à l’image des personnages qu’il met en scène, il est prête à essayer d’être à la hauteur. Après un prologue envoûtant et appliqué, en flashback, Jordan nous ramène immédiatement dans le présent et sur le ring et confirme ses dires. Ici donc, le mélange de passé et de présent et de maîtrise que cherche à trouver le réalisateur prend la forme d’une mise en scène proche des personnages, de plans biens composés qui laissent voir l’action, d’un montage qui sait quand accélérer ou quand ralentir et d’une sensation globale agréable. Comme il le disait, Jordan est venu à la réalisation après avoir été conseillé par Ryan Coogler, vrai partenaire et mentor pour lui, et cela se sent. Dans ses combats, CREED III embrasse la vivacité du premier mais aussi la puissance du second. Jordan sait, chose rare dans beaucoup de blockbusters, donner de la place aux chorégraphies et le temps à l’œil du spectateur d’appréhender la scène et s’il n’atteint pas la maestria de Coogler, il parvient dans ses meilleurs moments à créer de vrais moments captivants, notamment grâce à une nouvelle utilisation des ralentis. Car, avec des effets que n’aurait pas renié le Guy Ritchie du premier Sherlock Holmes, Jordan nous montre enfin Adonis faire preuve de la maîtrise qui lui manquait avant en nous le montrant analyser la situation et les faiblesses de ses adversaires. Un ralenti, des gros plans sur les visages et les yeux, et des moments pendant lesquels on peut vraiment apprécier le spectacle. Rien de révolutionnaire, certes, mais ça a le mérite d’exister et surtout d’essayer de faire ce que trop de films d’action ou de boxe peuvent oublier: ressentir vraiment les choses. A titre d’exemple, c’est par exemple ce qu’échouent à faire les combats entre Captain America et Thanos dans Avengers Endgame ou ceux entre Batman et Bane dans The Dark Knight Rises. Dans Endgame, Cap soulevait le marteau et commençait à prendre sérieusement l’ascendant sur Thanos et à le faire souffrir avant que celui-ci ne se relève d’un coup et reprenne le dessus comme s’il n’avait rien subi. Dans TDKR, Nolan montrait malheureusement ses limites dans l’action et Batou prenait le pas sur Bane sans vraiment qu’on ressente le changement opéré. Dans ce genre de cas, le besoin scénaristique prévaut et même c’est quelque chose qu’on voit souvent, ça fait du bien de voir des réalisateurs essayer de jouer un peu avec ça. Et Jordan de s’affirmer comme voulant réellement créer des combats engageants avec des personnages, en plus, toujours touchants.

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Dommage que les personnages secondaires soient sous-exploités, mais ils restent touchants. Crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.

Des hommes qui n’ont pas peur de pleurer

Et ce qui est selon la personne qui vous parle un des éléments essentiels rendant ces films uniques et appréciables, c’est donc l’amour pour leurs personnages. Il n’y a que ceux qui n’ont pas encore vu le premier Rocky (ça vaut aussi pour Rambo) pour s’en tenir aux apparences, mais il est pourtant important de rappeler que Stallone n’est pas qu’une montagne de muscles qui grogne et est toujours prêt à aller à la castagne. C’est lui qui façonna ce personnage si humain en partie calqué sur lui-même et qui lui donnait le parcours auquel il rêvait personnellement en tant qu’acteur. Vêtements bas de gamme sur le corps mais courage plein le cœur, Rocky s’en allait courir au milieu des laissés pour compte qu’il fit rêver et emmena avec lui tout en haut des marches, là où on peut « voir toute sa vie » comme il le confiait à Adonis et en même temps à tous les spectateurs à la fin de Creed. C’est donc une saga avant tout humaine et c’est ce qui lui donne tout son charme et toute son importance à l’heure où chacune de celles qui nous ont fait rêvées risquent de se faire bousiller par les opportunistes hollywoodiens. Jordan/Adonis, à l’image de son mentor Stallone/Rocky, reste donc collé aux basques de ses protagonistes mais aussi de son antagoniste. Alors qu’il nous laisse encore espérer des histoires stimulantes en tant que Kang chez Marvel malgré sa médiocrité ambiante, Jonathan Majors débarque avec sa carrure de dingue mais aussi son regard de détresse. Doté d’un physique monstrueux, se renseigner un peu sur l’homme révèle une personnalité adorable et très intelligente. Majors incarne ici un type de personnage plutôt simple dans une structure de scénario déjà vu maintes fois mais il le fait bien et représente parfaitement le film à ce niveau-là: simple et attendu (cf la façon dont les deux vont se décider à s’affronter) mais le fait avec implication et émotion. Tantôt menaçant et dangereux, attachant et émouvant, Damian consacre les ambitions du film à rester à des enjeux humains. Ce qui est le cas de tous les autres, mais malheureusement de manière beaucoup moins développée. La relation Adonis-Damian est le cœur du film, et le reste n’a pas assez le temps pour exister. Qu’il s’agisse de la situation de Bianca (Tessa Thompson, impeccable), les problèmes de harcèlement d’Amara (Mila Davis Kent est adorable) ou de la santé de Mary-Anne (Phylicia Rashad, impliquée), les trois femmes sont aussi intéressantes et attachantes que malheureusement sous-exploitées. Geste inégal mais sincère et puissant, le film reste un très bon divertissement agréable à regarder (parole de quelqu’un qui ne pensait pas autant apprécier un jour ce genre de récits) et encore plus en Dolby Cinema.

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Ne vous fiez pas à cette trogne, il y a de l’émotion derrière. Crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc.

Dolby Cinémandales

Car du coup, qu’est-ce que ça vaut en Dolby Cinema tout ça ? Pour des précisions plus techniques, on vous renvoie à des contenus plus spécialisés (notamment la vidéo de l’inénarrable PP World), mais pour rappel, le Dolby Cinema, créé par la société américaine Dolby, est un concept de salle combinant plusieurs technologies dans le but d’offrir une immersion supérieure. Conjuguant une meilleure qualité d’image (Dolby Vision : projecteur laser notamment, avec meilleurs couleurs ou luminosité), de son (Dolby Atmos, avec entre autres 64 enceintes individuelles) et de confort (sièges en cuir, plus d’espace), l’expérience se veut donc la plus immersive possible tout en restant dans le domaine du cinéma. On est donc pas dans la 4DX qui se rapproche plus de l’attraction mais le concept va plutôt tutoyer les salles ICE de CGR. Dans un monde où tout le monde s’agite pour attirer notre attention et se bat pour en faire plus que le voisin, il est donc plutôt très agréable d’appréhender une expérience qui veut en mettre en plein les yeux tout en respectant le médium cinéma et le spectateur. Et force est de constater que c’est cette impression qui a envahi l’auteur de ces lignes quand il a pénétré le couloir menant à l’intérieur de la salle du Pathé Beaugrenelle dans laquelle il est allé.
Des images diffusées sur les parois du couloir mettent déjà dans l’ambiance alors que vous progressez sur la moquette qui atténue le bruit de vos pas et quand vous arrivez dans la salle vous êtes déjà coupés du monde. Celle-ci est travaillée mais sobre : des larges rangées vous mènent à de larges sièges en cuir, le tout subtilement éclairé. Il n’y a que deux lignes de lumière bleue sur les murs qui guident votre regard vers l’écran et c’est tout, le reste n’appartient qu’au cinéma. Parce qu’une fois l’envie de vous prendre en photo en train de faire une sieste tant vous n’avez peut-être jamais vu autant de place entre deux rangées (on pourrait y ranger deux Stallone et un Schwarzenneger) ou celle d’avoir ça dans votre salon, y a-t-il vraiment une « expérience » comme le vantent tout ceux qui débarquent avec une nouvelle technologie. Et bien la réponse est oui. Parce qu’en effet, pour ce film en question par exemple, après l’avoir vu en conditions normales, la différence ne saute pas forcément aux yeux, mais, et c’est le plus important, elle là et elle se ressent. Dans les ralentis, les coups et tout le design sonore qui va d’ailleurs avec ce genre de films, tout était captivant sans pour autant, encore une fois, en faire trop, mais en voulant restituer fidèlement l’immersion. Celle-ci est en effet totale et même si elle vaut quand même un petit billet, elle semble bel et bien représenter ce qu’on peut trouver de mieux actuellement pour vraiment apprécier une œuvre dans les meilleures conditions. Et ça c’est beau.

Simon Beauchamps

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Titre original : Creed III
Réalisation : Michael B. Jordan
Scénario : Zach Baylin, Keenan Coogler
Acteurs principaux : Michael B. Jordan, Jonathan Majors, Tessa Thompson
Date de sortie : 1 Mars 2023
Durée : 1h57min
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Touchant

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