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amours 1024 - Rétrospective Xavier Dolan : LES AMOURS IMAGINAIRES
© MK2 Diffusion

Rétrospective Xavier Dolan : LES AMOURS IMAGINAIRES

les amours imaginaires
• Sortie : 29 septembre 2010
• Réalisation : Xavier Dolan
• Acteurs principaux : Xavier Dolan, Niels Schneider, Monia Chokri
• Durée : 1h35min
Note des lecteurs6 Notes
4
note du rédacteur

« Le temps est bon, le ciel est bleu , j’ai deux amis qui sont aussi mes amoureux… » Chantait Isabelle Pierre dans les année 60 et à point nommé en 2010, pour le second long métrage de Xavier Dolan présenté en sélection officielle Un certain regard à Cannes en 2010 !

Le ton est donné : bienvenue dans un hymne aux sweet sixties et aux vertiges de l’amour. Images voluptueuses et chamarrées, B.O jubilatoire, beauté ingénue de la jeunesse et inspirations artistiques sublimées. LES AMOURS IMAGINAIRES est un vrai (petit) bijou ! Un an après J’AI TUE MA MÈREXavier Dolan signe certainement le film le plus esthétisant et exalté de sa filmographie. Doté de son talent fou et de sa créativité exacerbée il se lance une fois de plus avec perspicacité et finesse dans l’exploration des affres existentielles des jeunes de sa génération.  Et c’est cette fois, à travers un charmant et savant triangle amoureux incarné par Monia Chokri, Niels Schneider et Xavier Dolan lui même, que LES AMOURS IMAGINAIRES nous invite aux doux-amers questionnements de l’amour, du flirt, du désir et de l’amitié. Et si le film a des allures adolescentes analogues à celles de son réalisateur, il n’en possède bel et bien que les courbes, car malgré son évanescence apparente il est un condensé de créativité, un bonbon esthétique duquel on aimerait ne jamais venir à bout. Coup de cœur !

Marie et Francis sont amis. Ils sont inséparables. Ils sont beaux , intelligents et cultivés. Entre sorties au théâtres, discutions littéraires et shopping dans les friperies, ils incarnent une jeunesse québecoise bourgeoise-bohème. Tous deux tombent sous le charme de Nicolas. Qu’adviendra t-il de leur amitié au gré de cette quête amoureuse?

Photo du film LES AMOURS IMAGINAIRES
Nicolas se tient entre Marie et Francis… Un objet de désir qui les sépare inéluctablement © MK2 Diffusion

De l’illusion amoureuse de la jeunesse

Marie et Francis sont dans la cuisine, dans leurs dos les invités; et Nicolas. Un magnifique éphèbes aux boucles d’or dont la ressemblance avec le Dieu Apollon illumine la pièce pleine d’amis. « Qui est ce bellâtre parfaitement à l’aise ? » demande Marie dont le ton méprisant traduit déjà son attirance irrépressible et fragilisante. « C’est Nico. » répond Francis optant quant à lui pour un air détaché feignant l’indifférence. L’instant se fige. Ralenti. L’un et l’autre lancent un regard discret dans la direction de l’objet du désir : NI-CO-LAS. Le triangle amoureux démarre ici.

Qui est-il ? De qui Nicolas peut tomber amoureux ? Quelle est sa préférence ?

Tout l’enjeu de LES AMOURS IMAGINAIRES est là. Marie et Francis chercheront imperturbablement « les signes » de l’amour, d’un choix tant espéré de leur bel ami. Ils laisseront ainsi peu à peu, leur amitié complice se muter en une compétition fourbe et silencieuse. Dans la première partie du film les scènes de rendez-vous à 2 et à 3 se succèdent dans une ambiguïté perpétuelle où Dolan filme avec précision les gestes et les regards de l’emballement du cœur, l’attente romanesque mais aussi l’angoisse de ne pas être assez « bon » et séduisant. Xavier Dolan se révèle parfaitement juste, dans l’analyse puis la restitution des divers comportements amoureux et de leurs enjeux intimes. Il parvient à restituer, avec une acuité époustouflante, la post-adolescence – période aux sentiments encore excessifs, entre théâtralisation de soi et autoflagellation. Aussi Marie et Francis incarnent tous deux un type d’hystérie qui se meut dans une affectivité immature. Le balai de la séduction a commencé: alors que Marie s’apprête démesurément pour une partie de cache-cache dans la forêt sous le regard narquois de Francis, ce dernier guette des heures durant l’arrivée de Nicolas sur un trottoir lui faisant pourtant croire à’une rencontre fortuite. Les deux prétendants offrent et s’offrent en cadeaux à leur amoureux imaginé, sans retenue ni conscience. Dans LES AMOURS IMAGINAIRES tout est palpitations, excitation, mélodie et ivresse. On chavire face à la danse langoureuse des âmes éprises, mais peu à peu le rose au cœur se transforme en bleu à l’âme. Aimer sans retour est cruel et Marie s’insulte lorsqu’elle croit ne pas avoir su saisir sa chance avec Nicolas. Francis, lui, multiplie les mimiques de l’angoisse. Le jeu de l’amour se joue bien ici entre doutes, espoirs et désespoir où la conquête de l’autre est une conquête de soi. Saurais-je me faire aimer ?

« Dans LES AMOURS IMAGINAIRES, tout est palpitations, excitation, mélodie et ivresse. On chavire face à la danse langoureuse des âmes éprises, mais peu à peu le rose au cœur se transforme en bleu à l’âme. »

Mais Xavier Dolan va bien plus loin que le simple thème de la séduction amoureuse. Il dépeint en premier lieu les maux du manque de confiance en soi et de l’introspection. Il multiplie les scène de visages face miroir où ses personnages se toisent, se jugent et souvent se déçoivent, à l’exception de Nicolas qui se mire satisfait dans les yeux de ses deux prétendants. Son personnage n’est d’ailleurs pas sans suggérer une certaine perversité narcissique (et le mythe de Narcisse dont on connaît la fin). Pour autant Dolan laisse libre le spectateur de se faire juge de son comportement et maintient son personnage dans une ambivalence très habile. Nous non plus, spectateurs , ne saurons pas de quel côté penche la préférence de Nicolas.

Dans LES AMOURS IMAGINAIRE, Xavier Dolan oppose le vertige fiévreux de l’attachement sentimental à l’ennui terne de l’union purement sexuelle. Alors que les corps de Marie et Francis s’irisent à la simple pensée ou vision de Nicolas, (jusqu’à une scène-climax de masturbation où l’odeur du pull de Nicolas emporte Francis dans un désir irrépressible), ils restent froids et distants avec leurs amants qui les comblent pourtant d’un hygiénique mais néanmoins tendre coït régulier. Xavier Dolan nous rappelle comme l’écrivaine Anaïs Nin, dont LES AMOURS IMAGINAIRES aurait pu être inspiré, que « Seul le battement à l’unisson du sexe et du cœur peut créer l’extase ».

Photo du film LES AMOURS IMAGINAIRES
Marie essaie de marcher dans la foret , mais elle parait en dissonance avec la situation… © MK2 Diffusion

Si LES AMOURS IMAGINAIRES semble être la montée en puissance du triangle Nicolas, Marie et Francis, le réalisateur nous induit en erreur -et prouve par la même occasion sa maîtrise du scénario – puisque c’est en réalité au second plan qu’il a construit le réel enjeux du film : la mise à l’épreuve de l’amitié. C’est en effet la dégradation et la tension accumulée dans le couple d’amis Marie/Francis qui porte le film jusqu’à son paroxysme et déclenche le dernier acte. Une virée à la campagne, ultime rendez vous a trois, fait éclater leur duo amical et balaie le trio amoureux avec lui. A partir de ce moment Marie et Francis joueront seuls la partition de la conquête de l’énigmatique Nicolas et le film prendra une tournure plus tourmentée. Si les premières minutes nous enveloppaient d’un halo sucré, nous entrons dans la dimension de la chute, de la fébrilité et de la peur que présente le risque de « tomber en amour ».

Une direction artistique canonissime ! Quand le disciple égale ses maîtres…

LES AMOURS IMAGINAIRES est totalement ancré dans sa générations et le « way of life » des années 2000. Le film s’ouvre et marque ses trois actes grâce à des séquences « interview » dans lesquelles se succèdent en jump-cut des témoignages de toutes natures sur les tribulations amoureuses et sexuelles des « vingt-cinqnaire ». Homo, hétéro, bi, déçus ou jaloux, l’éventail des possibilités amoureuse est large et le film nous raconte l’histoire de tous. Mais le talent de Dolan ne se limite pas à la simple armature de tragédie Racinienne de son film. Pour LES AMOURS IMAGINAIRES le jeune cinéaste a opté pour le goût du beau et n’hésite pas à rendre un hommage exalté aux grands noms du Cinéma quitte à s’attirer les foudres de certains cinéphiles y voyant une imposture cuisante jusqu’au pure plagiat. Les images ont un goût de déjà vu certes, mais force est de constater que Xavier Dolan use et abuse de ce qui l’a inspiré, l’accommode et se l’approprie entièrement. Comme Wong Kar Wai, il manie avec élégance les ralentis lascifs qui fixent un instant, un visage, une démarche ou un souffle. On frissonne à la vue des gouttelettes de parfum caressant le cou de Francis, de la brosse qui parcoure les cheveux de Marie ou encore d’une bouche qui fume. Le désir est un temple que Dolan s’est promis de pénétrer; son film est visuellement gracieux, inspiré et une véritable ode à la sensualité. Et cela ne s’arrête pas là, beaucoup de scènes rappellent Pierrot le fou de Jean Luc Godard. Comme Anna Karina et Jean Paul Belmondo, les personnages de LES AMOURS IMAGINAIRES sont immergés dans l’esthétisme et les couleurs primaires des années 80. Dolan emprunte à Godard sa symbolique chromatique qui plonge les personnages dans une posture unique et invariable, il va jusqu’à filmer les scènes de coït sous filtres colorés pour mieux en montrer le caractère stérile et il pourvoit Marie de mimiques faciales « onomatopéisantes » à la façon de Jean Seberg dans A bout de souffle.

Malgré ces références manifestes, le réalisateur s’offre tout de même de belles originalités notamment en troquant la technique du champ/contre-champ par des plans séquences filmés caméra à l’ épaule, et en panoramique. Il crée une immersion dans l’image aux cotés de ses personnages, comme une conversation dans laquelle nous serions présents et silencieux. Il réitère, à l’image de son premier film, le goût du cadre décadré, extrêmement narratif, contenant toujours ses personnages dans une situation sans issue. Il n’y a pas de doute sur le fait que Xavier Dolan maîtrise ce qu’il donne a voir, par cinéphilie certainement, mais aussi ,indéniablement, par talent.

Photo du film LES AMOURS IMAGINAIRES
NI-CO-LAS…. © MK2 Diffusion

Une B.O jouissive et électrisante

Dolan ne laisse rien au hasard dans son entreprise de séduire son auditoire et nous embarque avec une bande originale tout simplement géniale ! Du Bang Bang version Dalida aux symphonies de Bach en passant par Indochine ou Vive la fête, Xavier Dolan fait le choix d’une musicalité omniprésente et sait l’utiliser comme véritable vecteur de rythme et de sous texte. Une séquence centrale esthétiquement jubilatoire condense sa panoplie de savoir faire créatif: Francis et Marie pénètrent dans l’appartement de Nicolas où se déroule sa fête d’anniversaire. Alors que Dolan filme les pieds de ses héros laissant deviner une tenue très sophistiquée, il inonde la pièce avec le morceaux de rap Kris Kross ironisant le décalage totale des deux invités avec leurs contexte. Puis retentit l’excellentissime Pass this on de The Knife et Dolan crée un feu d’artifice visuel ! Images ralenties sous stroboscope, représentations d’Apollon et autres lithographies suggestives en inserts, dialogues acerbes, Dolan nous met une claque ! Cette scène reste à l’heure actuelle un grand moment de cinéma qui compte dans la filmographie du réalisateur.

Avec LES AMOURS IMAGINAIRES , Xavier Dolan a su haut la main relever le défi du second long métrage. Il confirme non seulement son talent de réalisateur, mais excelle également à la direction artistique et à la comédie. Il bluffe une fois de plus par son jeune âge et l’étendue de son inventivité. La dimension autobiographique octroie au film un certain liant avec le spectateur laissé véritablement charmé par cette fable moderne et intemporelle. S’il s’inspire largement des grands du Cinéma; il n’a rien a leur envier. Bien sûr, Dolan commet quelques maladresses inhérentes à l’entièreté de sa fougue créative, la répétition des procédés stylistiques pourrait être par exemple plus modérée, mais il livre un film à l’esthétique envoûtante, à la thématique profonde et à la créativité folle. Dolan est talentueux de bout en bout de son processus de réalisation.

Sarah Benzazon

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