La très attendue cinquantième Cérémonie des César du cinéma s’est tenue ce vendredi 28 février 2025 dans la salle mythique de l’Olympia et en direct sur Canal+. Trois films étaient grands favoris et se disputaient la statuette dans la quasi-totalité des catégories dont celle de la Meilleure réalisation. EMILIA PÉREZ, Palme d’Or à Cannes était nommé dans 12 catégories, juste derrière L’AMOUR OUF aux cinq millions d’entrées et LE COMTE DE MONTE-CRISTO, dix millions de spectateurs, nommés tous deux dans plus de 13 catégories. Autre immense succès public en lice dans la catégorie Meilleur premier film, UN P’TIT TRUC EN PLUS, était venu compléter un box-office français 2024, absolument hors norme !
Une cérémonie anniversaire sur le thème de la rédemption, de la seconde chance et de la résilience présidée par Catherine Deneuve qui semblait pliée d’avance mais…
Le cas Karla Sofía Gascón
Il n’aura pas attendu dix minutes Jean-Pascal Zadi en maître de Cérémonie ébouriffant, pour mettre les pieds dans le plat et féliciter l’équipe du film EMILIA PEREZ de ses nominations dans les catégories « Meilleur film, Meilleur actrices… et Meilleur tweet !». Sans aucun contre-champ sur la comédienne Karla Sofía Gascón au cœur du scandale depuis plusieurs semaines, mise en cause pour ses anciens tweets dégoté sur X. Blague courte mais le malaise aura plané tout long de la cérémonie puisque la comédienne sera totalement effacée, aucun plan sur elle si ce n’est dans sa catégorie… L’actrice espagnole devenue tricarde du film (voir du cinéma) duquel elle était le symbole alors qu’il y a encore quelques semaines à Cannes, elle était érigée figure absolue d’inclusion et promise à un Oscar radieux. Hier soir, tout semblait, de son destin jusqu’à son visage, abrogé, effacé, puni !
Un traitement passé sous silence mais qui en dit long sur le tribunal interne de l’académie et la dimension politico-médiatique que chaque année la cérémonie tord dans le sens du vent. Mais si Karla Sofía Gascón n’avait pas été une femme-trans, si elle avait été Roman Polanski, ou Woody Allen, sa récompense, sa place, son visage, lui auraient-elles été volées ? Le cinéma a su plus que longtemps séparer l’homme de l’artiste, alors pourquoi pas Karla Sofía Gascón ? Aussitôt encensée, aussitôt sur le bûcher.
La polémique et la glace ont donc fait leur entrée sans ménagement dans une cérémonie qui n’en finira plus de frapper là où ça fait mal entre quelques beaux moments de camaraderie.
Les premiers seront les derniers
Du côté du palmarès, rien ne s’est passé, ou presque comme prévu, là encore les votants ont tranchés et c’est d’abord, c’est le très humain VINGT DIEUX réalisé par Louise Courvoisier, une fiction mettant en scène le parcours d’un enfant du Jura qui décide de se lancer dans le concours du meilleur Comté de France afin de pouvoir s’occuper de sa petite sœur qui remporte le César du Meilleur premier film laissant les épaules tombantes à l’équipe d’UN P’TIT TRUC EN PLUS, le film d’Artus qui a pourtant été le demi-dieu du cinéma français tout au long de l’année du haut de ses 11 millions d’entrées. Du côté de L’AMOUR OUF ce sera aussi la débandade, les deux grands favoris dans la catégorie Révélations, Mallory Wanneck et Malick Frikah voient leur triomphe annoncé leur échapper et ce n’est que le début, le César de la Meilleure Réalisation ne sera pas pour Gilles Lellouche, le César du Meilleur acteur pas pour François Civil et celui de la Meilleure actrice échappera à Adèle Exarchopoulos. Le film aux 5 millions d’entrées ne repartira qu’avec une seule récompense (belle surprise, ou l’esprit Canal qui sait,) pour Alain Chabat dans la catégorie Meilleur acteur dans un second rôle.
On connaissait le caractère timide, voire frileux de l’Académie des César à récompenser le cinéma populaire et les succès publics mais quand Pierre Niney ne remporte pas le César du Meilleur acteur pour LE COMTE DE MONTE-CRISTO, grand favori de la cérémonie (qui ne repart d’ailleurs qu’avec deux César techniques, costumes et décors), là, on se dit que quelque chose ne tourne décidément pas rond…
Mines déçues, plans coupés, heureusement l’Académie a su jouer la carte de l’autodérision dans un happening plutôt réussi orchestré par Jean-Pascal Zadi où le maître de cérémonie remet un César dans la catégorie de celui qui n’a jamais eu de César, et entre autres les nominations de François Damiens, ou Géraldine Nakache, c’est Franck Dubosc qui remporte cette récompense où il a pu plaidé sa cause « Les César ne récompensent pas les comédies… mais j’ai tourné dans des comédies qui n’étaient pas drôles. ».
L’HISTOIRE DE SOULEYMANE, EMILIA PÉREZ et la joie !
Des perdants, des déçus et des questions, oui il y en a eu, mais les César c’est aussi de vibrants gagnants, des émotions et de grands moments suspendus.
C’est Abou Sangare qui ouvrira les cœurs avec son César de la Révélation Masculine pour L’HISTOIRE DE SOULEYMANE, rejoint plus tard par Xavier Sirven, César du Meilleur montage pour le même film, qui dans un discours poignant, face caméra nous ont offert les moments phare de cette cérémonie. L’HISTOIRE DE SOULEYMANE qui repartira avec quatre César sur huit (dont celui du meilleur scénario) retrace le parcours d’un homme sans papier livreur à vélo et si le film est largement inspiré de l’esthétique documentaire, ce sont ces acteurs-amateurs dont l’histoire intime se mêle à celle du scénario qui ont plongé le film dans une dimension réelle profondément politique et poignante.
Mais le grand gagnant de la soirée c’était le très attendu Jacques Audiard pour EMILIA PÉREZ qui remporte les César les plus prestigieux, Meilleur film, Meilleure réalisation, Meilleure adaptation, Meilleurs effets visuels, Meilleur son et Meilleure musique originale. Le cinéaste s’est attaché à des remerciements sobres sans faire allusion aux polémiques entourant son film notamment au Mexique et son actrice, tentant de ramener un peu de calme à la veille des Oscars, Audiard et sa classe semblent survoler le jeu.
La cérémonie nous a également réservé des moments plus légers, notamment le « C’est pas normal ! » lancé par Karim Leklou en venant recevoir son César du Meilleur acteur pour LE ROMAN DE JIM, rappelant son amitié pour l’équipe du film de Gilles Lellouche et son admiration pour ses concurrents. La délicatesse d’Alain Chabat, la fraicheur de Julia Roberts qui recevait un César d’honneur tout comme Costa-Gavras avant une clôture de soirée tout en pudeur et en retenue avec Hafsia Herzi qui remporte le César de la Meilleurs actrice pour son rôle de flic prise dans la tourmente dans BORGO.
D’immenses succès publics donc, une ambiance bon enfant, une tricarde coupée à la réalisation, des revendications coupés par la musique, les César sont restés fidèle à leur ligne, c’est le cinéma social et qui ne se plaint pas qui remporte les distinctions.
À l’année prochaine les César !
Sarah BENZAZON
Palmarès César 2025
Meilleur film
Emilia Pérez de Jacques Audiard, produit par Pascal Caucheteux, Jacques Audiard et Valérie Schermann
Le Comte de Monte-Cristo de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patelliere, produit par Dimitri Rassam et Jérôme Seydoux
En fanfare d’Emmanuel Courcol, produit par Marc Bordure et Robert Guédiguian
L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine, produit par Bruno Nahon
Miséricorde d’Alain Guiraudie, produit par Charles Gillibert
Meilleure réalisation
Jacques Audiard pour Emilia Pérez
Gilles Lellouche pour L’Amour ouf
Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière pour Le Comte de Monte-Cristo
Boris Lojkine pour L’Histoire de Souleymane
Alain Guiraudie pour Miséricorde
Meilleur acteur
Karim Leklou pour le rôle d’Aymeric dans Le Roman de Jim
François Civil pour le rôle de Clotaire dans L’Amour ouf
Benjamin Lavernhe pour le rôle de Thibaut Desormeaux dans En fanfare
Pierre Niney pour le rôle d’Edmond Dantès dans Le Comte de Monte-Cristo
Tahar Rahim pour le rôle de Charles Aznavour dans Monsieur Aznavour
Meilleure actrice
Hafsia Herzi pour le rôle de Mélissa dans Borgo
Adèle Exarchopoulos pour le rôle de Jackie dans L’Amour ouf
Karla Sofía Gascón pour le rôle d’Emilia Pérez dans Emilia Pérez
Zoé Saldaña pour le rôle de Rita Moro Castro dans Emilia Pérez
Hélène Vincent pour le rôle de Michelle Giraud dans Quand vient l’automne
Meilleur acteur dans un second rôle
Alain Chabat pour le rôle du père de Jackie dans L’Amour ouf
David Ayala pour le rôle de Walter dans Miséricorde
Bastien Bouillon pour le rôle de Fernand de Morcerf dans Le Comte de Monte-Cristo
Jacques Develay pour le rôle de l’abbé Philippe Griseul dans Miséricorde
Laurent Lafitte pour le rôle de Gérard de Villefort dans Le Comte de Monte-Cristo
Meilleure actrice dans un second rôle
Nina Meurisse pour le rôle de l’agente de l’OFPRA dans L’Histoire de Souleymane
Élodie Bouchez pour le rôle de mère de Clotaire dans L’Amour ouf
Anaïs Demoustier pour le rôle de Mercédès de Morcerf dans Le Comte de Monte-Cristo
Catherine Frot pour le rôle de Martine Rigal dans Miséricorde
Sarah Suco pour le rôle de Sabrina dans En fanfare
Meilleure révélation masculine
Abou Sangaré pour le rôle de Souleymane dans L’Histoire de Souleymane
Adam Bessa pour le rôle de Hamid dans Les Fantômes
Malik Frikah pour le rôle de Clotaire (à 17 ans) dans L’Amour ouf
Félix Kysyl pour le rôle de Jérémie Pastor dans Miséricorde
Pierre Lottin pour le rôle de Jimmy Lecocq dans En fanfare
Meilleure révélation féminine
Maïwène Barthelemy pour le rôle de Marie-Lise dans Vingt Dieux
Malou Khebizi pour le rôle de Liane dans Diamant Brut
Megan Northam pour le rôle de Rabia dans Rabia
Mallory Wanecque pour le rôle de Jackie (à 15 ans) dans L’Amour ouf
Souheila Yacoub pour le rôle de Nour dans Planète B
Meilleur scénario original
Boris Lojkine et Delphine Agut pour L’Histoire de Souleymane
Stéphane Demoustier pour Borgo
Emmanuel Courcol et Irène Muscari pour En fanfare
Alain Guiraudie pour Miséricorde
Louise Courvoisier et Théo Abadie pour Vingt Dieux
Meilleure adaptation
Jacques Audiard pour Emilia Pérez d’après le roman Écoute de Boris Razon
Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière pour Le Comte de Monte Cristo d’après le livre Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas
Michel Hazanavicius et Jean-Claude Grumberg pour La Plus Précieuse des marchandises d’après le livre La Plus Précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg
Meilleurs effets visuels
Cédric Fayolle pour Emilia Pérez
Cédric Fayolle, Hugues Namur et Émilien Lazaron pour La Bête
Olivier Cauwet pour Le Comte de Monte-Cristo
Stéphane Dittoo pour Monsieur Aznavour
Meilleurs costumes
Thierry Delettre pour Le Comte de Monte-Cristo
Isabelle Pannetier pour L’Amour ouf
Virginie Montel pour Emilia Pérez
Isabelle Mathieu pour Monsieur Aznavour
Anaïs Romand pour Sarah Bernhardt, la Divine
Meilleurs décors
Stéphane Taillasson pour Le Comte de Monte-Cristo
Jean-Philippe Moreaux pour L’Amour ouf
Emannuelle Duplay pour Emilia Pérez
Stéphane Rozenbaum pour Monsieur Aznavour
Olivier Radot pour Sarah Bernhardt, la Divine
Meilleure photographie
Paul Guilhaume pour Emilia Pérez
Laurent Tangy pour L’Amour ouf
Nicolas Bolduc pour Le Comte de Monte-Cristo
Tristan Galand pour L’Histoire de Souleymane
Claire Mathon pour Miséricorde
Meilleur montage
Xavier Sirven pour L’Histoire de Souleymane
Simon Jacquet pour L’Amour ouf
Célia Lafitedupont pour Le Comte de Monte-Cristo
Juliette Welfling pour Emilia Pérez
Guerric Catala pour En fanfare
Meilleur son
Erwan Kerzanet, Aymeric Devoldère, Cyril Holtz et Niels Barletta pour Emilia Pérez
Cédric Deloche, Gwennolé Le Borgne, Jon Goc et Marc Doisne pour L’Amour ouf
David Rit, Gwennolé Le Borgne, Olivier Touche, Laure-Anne Darras, Marion Papinot, Marc Doisne et Samuel Delorme pour Le Comte de Monte-Cristo
Pascal Armant, Sandy Notarianni et Niels Barletta pour En fanfare
Marc-Olivier Brullé, Pierre Bariaud, Charlotte Butrak et Samuel Aichoun pour L’Histoire de Souleymane
Meilleure musique originale
Camille et Clément Ducol pour Emilia Pérez
Jon Brion pour L’Amour ouf
Jérôme Rebotier pour Le Comte de Monte-Cristo
Alexandre Desplat pour La Plus Précieuse des marchandises
Charlie et Linda Courvoisier pour Vingt Dieux
Meilleur premier film
Vingt Dieux de Louise Courvoisier
Diamant brut d’Agathe Riedinger
Les Fantômes de Jonathan Millet
Le Royaume de Julien Colonna
Un p’tit truc en plus d’Artus
Meilleur film d’animation
Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau de Gints Zilbalodis
La Plus Précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius
Sauvages ! de Claude Barras
Meilleur film documentaire
La Ferme des Bertrand de Gilles Perret, produit par Denis Carot et Ulysse Payet
La Belle de Gaza de Yolande Zauberman, produit par Bruno Nahon et Yolande Zauberman
Bye Bye Tibériade de Lina Soualem, produit par Jean-Marie Nizan
Dahomey de Mati Diop, produit par Ève Robin et Judith Lou Lévy
Ernest Cole, photographe de Raoul Peck, produit par Raoul Peck
Madame Hofmann de Sébastien Lifshitz, produit par Muriel Meynard
Meilleur film étranger
La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer
Anora de Sean Baker
Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof
The Apprentice d’Ali Abbasi
The Substance de Coralie Fargeat
Meilleur court métrage de fiction
L’Homme qui ne se taisait pas de Nebojša Slijepčević
Boucan de Salomé Da Souza
Ce qui appartient à César de Violette Gitton
Queen Size d’Avril Besson
Meilleur court métrage d’animation
Beurk ! de Loïc Espuche
GiGi de Cynthia Calvi
Papillon de Florence Miailhe
Meilleur court métrage documentaire
Les Fiancées du sud d’Elena López Riera
Petit Spartacus de Sara Ganem
Un cœur perdu et autres rêves de Beyrouth de Maya Abdul-Malak
César des lycéens
Le Comte de Monte-Cristo de Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, produit par Dimitri Rassam et Jérôme Seydoux
Emilia Pérez de Jacques Audiard, produit par Pascal Caucheteux, Jacques Audiard et Valérie Schermann
En fanfare d’Emmanuel Courcol, produit par Marc Bordure et Robert Guédiguian
L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine, produit par Bruno Nahon
Miséricorde d’Alain Guiraudie, produit par Charles Gillibert
César d’honneur
Julia Roberts
Costa-Gavras