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Photo du film JASON BOURNE
Copyright Universal Studio

JASON BOURNE, thriller ludique – Critique

Officiellement quatrième volet de la saga JASON BOURNE, ce nouveau film au titre éponyme est officieusement le cinquième.

Raison à cela, l’élaboration en 2012 de Jason Bourne – L’Héritage écrit et réalisé par Tony Gilroy avec en tête d’affiche Jeremy Renner pour suppléer à Matt Damon. Résultat, un film malade, étrange par moments, incapable de se soustraire de l’ombre omniprésente de la première trilogie, de son comédien et de la mise en scène de son réalisateur, Paul Greengrass. Le film ne rencontre que partiellement son public ce qui à Hollywood n’inaugure rien de bon.

Conséquence immédiate, la préparation d’un nouveau JASON BOURNE avec le retour programmé de Greengrass et Damon qui ont par ailleurs longtemps été réticents à l’idée de rempiler pour les aventures du personnage crée par Robert Ludlum. L’existence de ce volet n’a pour ainsi dire pas d’existence en-soi, de raison d’être bien particulière, si ce n’est peut-être l’envie candide d’un duo (Greengrass et Damon) à prolonger le plaisir et d’un studio (Universal) à pérenniser sur sa saga. Une mécanique sérialesque inspirée de celle orchestrée par Paramount avec sa saga Mission Impossible et son personnage fictif indissociable de sa star, Tom Cruise.

Photo du film JASON BOURNE

La grande force de la première trilogie repose sur une dialectique restée très prégnante dans le cinéma d’action : l’épuration du scénario réduit à une longue cavale – la quête interminable des origines à laquelle le héros s’astreint depuis trois films (ici c’est le flashback traumatique de la mort du père) – s’opposant aux intentions baroques de la mise en scène, toujours exponentielles. Après une salle de bain de Tanger et la gare de Waterloo, l’éternel combat de Bourne se déroule dorénavant dans les rues surpeuplées de grandes villes (Athènes et Las Vegas). L’exploration de nouvelles potentialités figuratives de Greengrass reste passionnante, tant dans son histoire le cinéma américain figure et emblématise plus qu’il ne raconte.

Le réalisateur britannique inverse cette logique de perception par la vitesse de son montage et du mouvement des objets filmés, qui déstabilisent la composition de chaque plan et en particulier dans les scènes d’action. Notre vision n’est plus attirée vers le centre de l’image mais se perd sur l’écran, ne captant plus que des couleurs, des matières et du mouvement – ce qui reste la grande force optique du médium. Un principe de mise en scène expérimentale à l’opposé de celui pratiqué par exemple par Michael Mann dans son Hacker, sorti l’année dernière. Alors que Greengrass travaille le montage et le raccord d’un plan furtif à un autre calqué sur un hyperréalisme télévisuel, Mann lui, confronte les potentialités de l’image à un montage classique, basé davantage sur le champ-contrechamp. Deux écoles pour ainsi dire qui aboutissent chez l’américain Mann à la déshumanisation (ou désincarnation), chez le britannique Greengrass à l’humanisation.

Ce qui intéresse Greengrass, c’est le froissement de vrais corps, entre eux, mais également avec la matière solide d’un monde inconsistant (vitre, carlingue, métaux, murs…).

La trajectoire de Bourne est alors symptomatique de la sensibilité du cinéaste : il ne veut plus être cette machine de guerre invincible. Rarement Greengrass ne se sera autant attardé sur le corps nu de son acteur, un retour aux muscles en-soi, meurtri par les balles, fatigué par les coups. Les gros plans sur son visage vieillissant trahissent, par voie de contraste avec ceux plus juvéniles des photos de passeport, une véritable réhabilitation du corps humain portant les traces de chacune des décisions tragiques qu’il a dû prendre. Ce qui intéresse Greengrass, c’est le froissement de vrais corps, entre eux évidemment mais également avec la matière solide d’un monde inconsistant (vitres, carlingues, métaux, murs…). Des actes violents qui dévoilent un des aspects les plus fascinants de la saga : leur possible déterminisme. Bourne est-il le produit d’un programme d’entraînement de la CIA ou est-ce simplement sa vraie nature ? Peut-il alors être un homme entièrement libre ? Son bonheur est-il envisageable ?

Le début du film le montre à un stade de non-retour édifiant : exclu du monde (en Grèce), il vit de combats clandestins. La question du dédoublement de personnalités est inhérente à la saga : entre Jason Bourne et David Webb, l’ombre et la lumière, l’humain et la machine, la distinction reste longtemps trouble. Le film s’amuse alors à inverser ce dualisme, à le redéployer indéfiniment. Finalement, sa vraie nature n’aurait-elle pas plus à voir avec celle de Bourne plutôt que celle de Webb ?

Photo du film JASON BOURNE

Le film n’est pourtant pas exempt de défauts, bien que principalement scénaristiques. C’est en particulier le problème de la vengeance que l’on greffe à tous les personnages, censée leur donner une profondeur psychologique, alors que le filmage des corps blessés suffisait à traduire leur misère humaine. Au final, ce sont des figures qui n’ont aucun pouvoir, qui subissent les événements et survolent seulement les lieux les uns après les autres. Naît alors ce besoin inné chez ces figures de connaître leurs origines, de retracer le passé, de s’y confronter pour donner une légitimité à leurs vies. Dans son principe d’humanisation, Greengrass fait de l’Atout (Vincent Cassel succède aux non moins prestigieux Karl Urban, Clive Owen, Edgar Ramirez) un être humain doté de sentiments tels que celui de la vengeance. Avec Bourne, il se place donc du côté des vengeurs : une trouble histoire en Syrie les lie qui amena à la capture de l’Atout et à sa torture. À l’opposé des martyrs se trouvent les hommes en costume, les bureaucrates de la CIA. Les personnages de Tommy Lee Jones, directeur de la CIA, et d’Alicia Vikander, apprenti directeur, apparaissent beaucoup plus opaques. Le personnage de cette jeune carriériste, froide et calculatrice, inspire davantage la peur que le vieux modèle, forcément un peu paumé dans ce nouveau monde. C’est le conflit entre ancienne et nouvelle génération qui devient pertinent placé dans le contexte actuel, celui de la protection par surveillance technologique post-Snowden. Le film brasse très large quitte à surfer sur la vague des réseaux sociaux : la conspiration entre la CIA et un supergeek façon Mark Zuckerberg s’inscrit dans cette logique d’hyperréalisme éprouvée par le cinéaste.

Un futur dystopique, anxiogène, qui ne laisse que peu de doutes sur un monde de plus en plus globalisé : on continue à passer d’une ville à une autre en un seul raccord. Un monde épié par cette imposante régie de bureaucrates assis en train de scruter le moindre faits et gestes mais dont les failles restent néanmoins béantes (la corruption inhérente à ce type de pouvoir quasi divin). La superpuissance des moyens de recherche – comme le fait d’effacer des fichiers d’un ordinateur via un simple téléphone posé à côté – semble sans limite. Le montage alterné entre ces plans de bureaucrates qui surveillent (inefficacement) Bourne et ce théâtre de poche, de moins en moins limité, dans lequel le héros se débat constitue le principe « voyeuriste » de la mise en scène de Greengrass. Ses suivis en caméra portée façon faux plan séquence (retranscrire du temps réel), ses raccords sons et images, son hyperréalisme façon documentaire ou images d’actualité participent à ce principe qu’il étire sur une durée toujours plus exponentielle (la scène à Athènes reste la plus spectaculaire). Ainsi certaines chorégraphies semblent moins soignées que dans les précédents, plus chaotiques encore. Moins que du froissement des corps en mouvement, les chocs visuels naissent davantage des décors et de l’atmosphère électrique de villes comme Athènes (reconstitution impressionnante d’une manifestation la nuit) et Las Vegas (ces lampions criards et surréalistes) que le héros traverse à une vitesse folle, créant sa propre cartographie de la ville, esquisse d’une liberté retrouvée.

Thriller ludique – la manière dont le blindé du SWAT dégomme littéralement les véhicules sur son passage – JASON BOURNE incarne parfaitement cette idée d’un vieux cinéma d’action qui aurait parfaitement assimilé les nouvelles données (tant contextuelles que technologiques) afin d’offrir un spectacle tout à fait réjouissant et contemporain.

Antoine Gaudé

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3.5

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Note finale

  1. Les Trois premiers: superbes, le quatrième: bof, voir nul, Et le nouveau, alors? Eh bah il est plutôt pas mal. On retrouve Matt Damon, avec certes des années en plus, mais toujours ses réflexes avec lui, et on découvre Alicia Vikander appartenant à la CIA. Le résultat du quatrième film de la franchise?

    Réalisation: 9/10 On reconnait le Paul Greegrass des précédents films, et c’est une bonne nouvelle!
    Scénario: 8/10 Pas grand chose à reprocher aux deux scénaristes.
    Personnages: 5/5 Excellent, Tous géniaux. Donnent de l’effet à la notation du jeu des acteurs.
    Morale: 4/5 Toujours le même problème de la saga, toujours réussi!
    Décors: Costumes, Lieux: 3.5/5 De belles images!
    Jeu des acteurs: 9/10 Ils touchent à deux doigts la perfection. Mais bon, regardez le casting!
    Choix des musiques, ambiance sonore: 3.5/5 Sans plus, Sans moins!
    Total: 42/50 === 4,2/5

    Pour ce retour, Paul Greengrass n’a pas fait les choses à moitié!
    4,2/5
    Louis