L’homme ne s’écoute plus. C’est un constat de Guillaume Canet et le thème de son film. L’acteur-réalisateur a choisi d’illustrer cette opinion amère en concentrant sa caméra sur une histoire qu’il qualifie lui-même de personnelle (à ne pas confondre avec autobiographique).
Selon lui, notre nombrilisme culturel nous coupe des valeurs fondamentales telles que l’amour et l’amitié. Suffisants à force d’égoïsme, nous menons une vie irréelle, stérile, jusqu’au jour où le manque de sincérité de la mascarade finit par nous étouffer.
La vision de Canet est implacable mais elle touche au vrai. Son film, qui n’exclut pas la drôlerie, est avant tout un doux réquisitoire contre l’individualisme envahissant et ses terribles effets secondaires. Éclairage.
Max, Vincent, Eric, Marie, Antoine, Ludo sont les meilleurs potes du monde. Voilà bien une quinzaine d’années qu’ils partagent tout. Quand Ludo subit un grave coup du sort, le groupe est atteint sans être ébranlés et décide de maintenir ses vacances pendant que le blessé reste seul à Paris.
Sur les lieux traditionnels de leur détente, chacun y va de son affliction personnelle et accaparante. Et puis, bien sûr, le drame réunificateur survient. La grande douleur commune amoindrie les segments de la douleur.
Canet réussit son film grâce à deux facteurs essentiels : son choix de morale et son choix d’acteurs. En premier lieu, il ne s’agit aucunement pour lui de discréditer la vie personnelle au profit d’un communisme affectif qui n’aurait aucun sens. La vie personnelle compte puisqu’elle densifie la vie de groupe. Le problème ici désigné est le maintien de cette vie dans le secret, le mensonge ou la dénégation. On traite les dossiers avec beaucoup ou beaucoup trop peu d’égard sans jamais recevoir les conseils salutaires qui nous tireraient d’embarras. Les amis, acquis d’avance, sont les premières victimes de nos négligences et maladresses. Le mode d’emploi est crypté.
Au final, soi-même est le seul vrai confident, un confident impuissant face aux grands troubles. La morale est dure mais peut-on la contredire d’un claquement de doigt ? En deuxième lieu, Canet distribue les rôles à ses propres copains et obtient, dans le travail, une authenticité indéniable dans les comportements. Mention spéciale à François Cluzet qui joue un insupportable angoissé de la vie avec une solidité et une tendresse admirable. Mention spéciale à Benoît Magimel qui joue avec sensibilité un père de famille acculé devant ses propres penchants homosexuels. Une vraie émotion est au rendez-vous. On compatit à la peine de cette famille de mousquetaires égarés, miroir dérangeant mais pas grossissant de ce que nous sommes peut-être.
On se dit : Guillaume Canet est jeune mais il a le regard fin. Alors salut les copains ! A vos mouchoirs.
Ewan