Cinquième long-métrage du français Alain Guiraudie, RESTER VERTICAL s’inscrit totalement dans la continuité de son précédent, L’inconnu du lac (2013), récompensé à Cannes dans la sélection Un certain regard par le Prix de la mise en scène. Désormais, quel que soit le palmarès de ce festival, le cinéaste atteint une forme de consécration en étant simplement sélectionné pour la compétition officielle.
Il est dommage de constater que la renommée n’égale pas forcément la qualité. Si j’avais pu être moyennement convaincu par L’inconnu du lac, sa tension dramatique et sa rigueur esthétique en faisait un film intrigant à défaut d’être parfait. RESTER VERTICAL reprend les obsessions du précédent film, mais sans être porté par les mêmes qualités. L’œuvre recourt à des registres totalement antagonistes (comédie, drame, porno, fantastique, etc.) sans trouver sa cohérence. Comme beaucoup de films français, le sens doit être décrypté uniquement à partir des dialogues, souvent trop littéraires pour donner aux acteurs une chance d’y croire (un écho pas très bien maîtrisé à la filmographie de Rohmer). La mise en scène elle, botte en touche, invoquant tour-à-tour une iconographie poétique (assez réussie) et porno (j’y inclus les scènes de sexe et celle de l’accouchement). Le sexe, omniprésent à l’image et pourtant artificiel en regard de l’histoire qui nous est racontée, se comprend comme le fantôme des précédents films de Guiraudie, une de ses obsessions dont il n’arrive pas à se débarrasser.
A partir du moment où l’auteur entre dans une sorte d’auto-psychanalyse, le spectateur est gentiment prié de sortir de la salle. Je ne crois pas que Guiraudie désire choquer, mais par une imagerie crue, frontale et sans avertissement, il ne fait que transposer l’équivalent de traumas sans filtre artistique. Un sexe turgescent apparaît en gros plan, sans que l’idée de sexualité ne soit forcément amenée pour nous faire accepter la possibilité de ce gros plan. Quelle que soit sa pudeur, on sursaute ; le raccord est trop brutal. L’érotisme fait la place à un sursaut cardiaque, comme ces mauvais films d’horreur qui sur-exploitent les occasions de surprendre le public à l’aide d’artifices éculés (« bouh » c’était une blague de la meilleure amie cachée dans le noir…).
Cette vision angoissante d’une sexualité, dont la dominante est homosexuelle, était cohérente avec son précédent film. L’inconnu du lac traitait très exactement d’une menace planante sur une communauté homosexuelle d’une plage nudiste. Le monstre ou le tueur pouvaient s’apparenter au sentiment de culpabilité ou au risque de SIDA qui plongeaient ces personnages dans un état d’excitation mêlée de crainte. Ici, le loup n’est qu’une excuse à une série d’effets collatéraux qui forment vaguement une intrigue. Sa figure est davantage métaphorique qu’incarnée en une menace concrète. On est loin de l’intelligence d’un film comme Béliers, qui mêlait adroitement préoccupations concrètes d’éleveurs avec un thème plus grand, dans ce cas celui des liens fraternels. Non, RESTER VERTICAL est à l’image de son personnage principal, un scénariste bohème héritier d’une culture bourgeoise qui traverse la campagne en touriste paumé. Sa barbe de trois kilomètres qu’il a acquise entre le début et la fin du film est là pour en témoigner : vouloir vivre comme un berger, c’est un trip de hipster.
[bctt tweet= »Rester Vertical donne une sensation de gâchis » username= »LeBlogDuCinema »]
Dans ce voyage picaresque, le monde paysan est caricatural, contaminé par l’obsession homosexuelle d’un Guiraudie qui a semble-t-il eu du mal à se contenter d’observer la réalité. Les incursions dans le méta et dans la poésie sont des sketchs en soi réussis, mais n’apportent rien à l’ensemble du film. Le producteur du personnage-scénariste le harcèle jusqu’à ce qu’il écrive un brouillon qu’il trouve génial, alors que le protagoniste lui, est gêné par la nullité du résultat. Serait-ce un écho du difficile accouchement de ce scénario ? On imagine bien un Guiraudie propulsé par l’aura de son précédent film bien en mal d’en écrire un autre, malgré l’insistance de son producteur. Le sentiment qui domine à la fin de la séance est celui d’avoir assisté à un premier jet, dont la prétention est rattrapée, par moments, grâce à une forme d’humour second degré.
Absent jusqu’ici de cette critique, il faut bien évidemment parler de la place que prend la paternité. Car l’argument du film est de nous montrer le « combat » d’un homme seul pour élever un enfant qu’il n’a pas forcément souhaité. L’idée en soit est des plus originales, et imaginer élever un enfant seul alors que les loups rôdent autour de la bergerie aurait du accoucher d’un film palpitant. Mais entre cette idée et le film final, sont venues s’interposer toutes ces digressions ennuyeuses et inutiles (l’imagerie porno et l’incursion dans le méta). Impossible alors de retirer une quelconque scène marquante qui témoignerait de la relation entre le personnage principal et ce bébé.
Alors oui, on trouvera de-ci de-là quelques beaux moments de poésie, mais tout de même, quelle sensation de gâchis…
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