En compétition à Cannes. Ari Aster dresse le portrait d’une Amérique troublée, en pleine pandémie. Mais s’égare en embrassant trop de sujets à la fois, au risque de brouiller son propos.
Bienvenue à Eddington. Une petite ville du Nouveau-Mexique où l’on n’a pas vraiment envie d’habiter. Les habitations se sont construites sur des terres volées, la police et la municipalité se font la guerre, un projet de centre de données fait débat… Non, on se passerait sincèrement d’y faire un tour.
Encore moins en cette année 2020, qui donne du fil à retordre au shérif Joe Cross (Joaquin Phoenix). La ville est confinée, le masque est de rigueur – une règle qu’il a lui-même du mal à respecter. Sans compter les émeutes qui secouent les rues, déclenchées par la mort de George Floyd.
Portrait d’une Amérique troublée
EDDINGTON est un enfant du confinement. Ou plutôt, du lockdown américain. Aux yeux du réalisateur, cette période a brisé ce qui tenait encore les habitants debout : le lien social. L’enfermement a séparé les citoyens, aussi bien physiquement que mentalement, les isolant dans leurs croyances. Ajoutez à cela la montée de l’ultraconservatisme : le décor est planté.
« Le film parle de ce qu’il se passe quand des personnes enfermées dans leurs bulles se confrontent », a expliqué Ari Aster lors de la conférence de presse. Et comme toujours dans son cinéma, cela finit mal. Très mal, même.
À ses yeux, une seule issue : « On doit se retrouver les uns les autres. » Justement pour éviter l’éclatement montré dans son film, où la société se fracture en deux.
Pas de ligne directrice
La dualité est omniprésente. Deux figures principales, deux camps opposés… et deux tonalités bien distinctes. Car d’une heure à l’autre, le film bascule dans des registres radicalement différents. Quitte à devenir inégal, aussi bien dans sa proposition que dans sa qualité.
D’abord, un portrait de l’Amérique contemporaine : dans sa première heure, EDDINGTON ausculte les maux d’aujourd’hui. Beaucoup de problèmes, beaucoup d’idées… à peine effleurées. À force d’accumuler les sujets, Ari Aster perd en cohérence narrative.
Il faut attendre la seconde moitié pour basculer vers une ambiance bien plus sombre et violente. Peut-être ce que l’on attendait du réalisateur de Midsommar, en fin de compte. 90 minutes, donc, au bout desquelles le film finit enfin par prendre son envol.
Où est donc passé Pedro Pascal ?
Dans cette fresque de 2h20, Ari Aster déploie une galerie de personnages déjantés, chacun incarnant un pan de la société américaine. Souvent réduits à un archétype, ils peinent toutefois à exister au-delà de leur rôle social.
Joaquin Phoenix en shérif aux penchants conservateurs, Emma Stone attirée par les théories du complot, Austin Butler en gourou de pacotille, Pedro Pascal en maire populaire… Ce dernier apparaît d’ailleurs comme peu exploité. Une présence en retrait qui risque de frustrer ses admirateurs.
Vous aviez débattu pendant des heures après Beau is Afraid ? Préparez le café pour EDDINGTON ! Comme son prédécesseur, sa disparité risque de ne pas faire l’unanimité. De quoi animer vos prochains apéros…
Lisa FAROU