Ni complètement bon, ni complètement raté, HERETIC repose essentiellement sur la performance de Hugh Grant, parfait en psychopathe agnostique. Entre philosophie de comptoir et symbolisme simpliste, le film de Scott Beck et Bryan Woods demeure effectivement timide et manque parfois de saveur.
Un psychopathe agnostique
Après avoir co-scénarisé Sans un bruit, au sous-texte religieux proéminent, Scott Beck et Bryan Woods reviennent à ces thématiques de manière on ne peut plus frontale. En effet, HERETIC met en scène deux jeunes missionnaires mormones, employées à convaincre un homme soixantenaire du bien-fondé de leur sacerdoce. Jusqu’à une inversion des rôles, où le flegmatique M. Reed entreprend de mettre leur foi à l’épreuve. Les pieds dans le plat jusqu’aux genoux, le scénario de Beck et Woods prend effectivement assez peu de pincettes, mais se limite à une démonstration polie de tolérance religieuse.
Malgré un propos quelque peu lissé, le questionnement apposé aux deux victimes de ce psychopathe agnostique ne manque néanmoins pas d’intérêt, pour peu que l’on tolère la parlotte pseudo philosophique qui occupe tout le premier tiers du film. Parlotte menée non sans talent par un Hugh Grant à contre-emploi, brillant dans son rôle, parfait avec son léger accent et sa distinction toute britannique. En effet, l’ancien ambassadeur de la romcom constitue l’attraction principale du long-métrage et réussit sa transition professionnelle, bien que sa performance repose sur sa palette de jeu habituelle.
Prometteur bien que timide
Le rôle semble effectivement écrit sur-mesure pour Hugh Grant, puisqu’il met à profit ses talents de charmeur, mais les transpose dans un contexte différent de la séduction. Ce point de bascule où les sourires et les politesses virent à l’inquiétant. En face, Chloe East et Sophie Thatcher donnent le change, malheureusement à l’ombre du géant. Car HERETIC compte parmi ces films où l’antagoniste demeure le principal attrait du récit. Cependant, après un premier chapitre un brin longuet, le piège se referme avec fracas sur les deux héroïnes dans une seconde partie tantôt intrigante, tantôt rushée.
Après sa longue diatribe sur la foi et les grands cultes monothéistes, HERETIC se réveille enfin dans son dernier quart, et tente de nous en mettre plein la vue dans un final qu’il entend spectaculaire, mais qui manque encore de piquant. Frustrant, dans la mesure où le film égrène non seulement des thématiques intéressantes, mais offre aussi quelques idées visuelles dont on peine à bien saisir le sens. Malgré tout, le décor de la maison de M. Reed laisse un goût étrange, si bien que l’on ne peut nier un certain talent de mise en scène. En d’autres termes, le film de Scott Beck et Bryan Woods reste prometteur, bien que timide.
Reste Hugh Grant
Attendu en raison de Hugh Grant au casting et d’A24 à la production, HERETIC s’inscrit dans cette nouvelle vague de films auteurisants, qui déferle depuis environ six ans sur le cinéma de genre. Cependant, il peine à trouver sa place parmi les Midsommar, Mise à mort du cerf sacré ou The Lighthouse. On le rangera plus volontiers sur l’étagère à côté de Bodies, Bodies, Bodies ou I Saw the TV glow, parmi ces films qui “ont un truc”, mais ne parviennent pas vraiment à transformer l’essai. Car si HERETIC ne se révèle pas complètement bon, il n’en demeure pas pour autant mauvais.
En effet, on se plaît à suivre le calvaire des deux sœurs mormones, et la réalisation nous offre de quoi manger et de quoi boire. Et ce, malgré un propos un peu creux, et une seconde partie faussement irrévérencieuse. Reste Hugh Grant, qui tient l’essentiel du long-métrage sur ses épaules, et que l’on apprécie bien plus en psychopathe que Nicolas Cage dans Longlegs. HERETIC constitue donc une petite curiosité agréable à voir, mais ne s’avère que bien peu mémorable. Et l’on s’en souviendra certainement avant tout pour le tournant qu’il constitue dans la carrière de son acteur principal.
Lilyy Nelson