Imprégné de fantastique pour évoquer les abus parentaux, LONGLEGS se caractérise comme un polar étrange. À mi-chemin entre Le Silence des Agneaux et Twin Peaks, Oz Perkins distille ses références et livre un film sensible, à la poésie macabre.
Polar sur fond de drame familial
Le réalisateur Oz Perkins a pénétré le monde du cinéma dès son plus jeune âge, avec une apparition dans le rôle du jeune Norman Bates aux côtés de son père, Anthony Perkins, dans l’injustement méprisé Psychose 2 de Richard Franklin en 1983. De cette première expérience, il conservera le goût du fantastique. Un goût nourri par la noirceur de ses jeunes années, où il dut affronter la longue dépression de son père, bisexuel forcé à rester dans le placard, et la disparition de sa mère, décédée lors des attentats du 11 septembre 2001. Deux drames qui viendront émailler son cinéma de thématiques familiales fortes.
En effet, dès February en 2015, Oz Perkins évoque l’abandon parental, puis les fantômes d’un passé traumatique dans I Am the Pretty Thing That Lives in the House en 2016. LONGLEGS enfonce à présent le clou, sous couvert d’une enquête policière aux pendants ésotériques. Car, si le film s’inspire de manière appuyée du Silence des Agneaux de Jonathan Demme, il y ajoute une couche de fantastique arty, dans la lignée de Twin Peaks, pour évoquer les abus parentaux et les non-dits nuisibles aux relations familiales. “Le film porte sur la question de savoir qui sont nos parents, et sur le fait de ne chercher à obtenir des réponses qu’une fois qu’ils sont partis”, précise le réalisateur.
Psychopathe sataniste
LONGLEGS sert cependant ce propos familial en s’éloignant du canevas imposé par son hommage à peine dissimulé au Silence des Agneaux. En effet, là où le film de Jonathan Demme se concentrait sur un lien tangible entre le psychopathe et la jeune enquêtrice du FBI, ici ce lien s’avère brumeux et énigmatique. Preuve en est : le criminel n’occupe que peu de temps d’écran. Et fort heureusement, car il s’agit certainement de l’un des points faibles du long-métrage. Si Nicolas Cage n’en reste pas moins magnétique, à trop en faire, son jeu exalté frôle – encore une fois – le ridicule. Toutefois, l’ingrédient s’avère justement dosé et parvient à signifier joliment l’étrange.
De plus, comme dans Le Silence des Agneaux, le véritable rôle central reste celui de la jeune enquêtrice, Lee Harker, incarnée par Maika Monroe, à la fois d’un génie sidérant et d’une fragilité dissimulée. La magie sataniste, qui la lie elle-même et les autres victimes à l’antagoniste, reflète d’ailleurs cette failure enfuie, intrinsèque aux secrets de famille. Abus, inceste ou regrets, il appartient au spectateur d’y projeter sa propre interprétation. En effet, le film d’Oz Perkins fait partie de ces œuvres aux grilles de lecture multiples, bien qu’il puisse paraître simpliste par rapport à son référentiel – Twin Peaks en tête.
Étouffant, jamais rassurant
À ce titre, nul doute que beaucoup verront dans LONGLEGS un film prétentieux, peu accessible, avec une ancienne gloire du cinéma en quête d’un nouvel éclat. Nonobstant, il bénéficie de belles trouvailles visuelles d’une poésie macabre, à l’image de ces poupées artisanales à la frontière de la vallée dérangeante. En ressort une atmosphère lourde et mystique, peu commune dans l’univers du polar. D’autant plus que la direction d’acteurs tend à rendre l’autre étranger et inquiétant, alors même qu’il revêt des aspects sympathiques. Tout est suspect, étouffant, jamais rassurant. Nul doute que Oz Perkins sait construire une ambiance, comme en témoignait déjà ses précédents films.
LONGLEGS constitue ainsi une belle expérience de cinéma, avec ce qu’il faut d’arty pour ravir la rétine, et un scénario tout de même lisible, malgré sa métaphore alambiquée sur la rupture familiale. Si certains cherchaient encore un miracle du côté de Nicolas Cage, contrairement à Anthony Hopkins dans Le Silence des Agneaux, sa prestation se révèle sans grande saveur, car dans la lignée de ce qu’il a pu proposer par le passé. Il laisse à Maika Monroe tout le champ libre pour briller, avec une performance sensible et un personnage féminin complexe – bien loin de l’archétype de la victime qu’on pourrait lui attribuer de prime abord.
Lilyy Nelson