Maxime Govare abandonne l’équipe de water-polo gay qu’il avait formé avec Cédric Le Gallo dans Les Crevettes pailletées et sa suite pour rejoindre celle davantage cynique de Maxime Choay avec HEUREUX GAGNANTS. Ces nouveaux joueurs ne sont pas adeptes de la piscine, mais du jeu de hasard, un loisir auquel s’adonnent les réalisateurs par l’exercice compliqué du film à sketchs.
Un tirage malchanceux
HEUREUX GAGNANTS est une comédie noire grinçante qui n’est pas sans rappeler Les Nouveaux Sauvages de Damian Szifron. Effectivement, le film du duo Govare / Choay se laisse à certaines libertés bienvenues telles que la violence ou la nudité. Ces éléments embellissent le ticket que nous avons acheté, sauf qu’il nous délivre les mauvais numéros. Aller au cinéma est comme jouer au Loto : nous ne sommes jamais sûrs de gagner quelque chose en retour. Dans le cas d’un film à sketch comme HEUREUX GAGNANTS, les probabilités d’être déçu sont multipliés par quatre. Malheureusement, ça ne manque pas car il n’y a qu’un seul segment qui tire son épingle du jeu : celui de la famille qui débute et conclut le métrage. Porté par Fabrice Éboué et Audrey Lamy, ce sketch possède une énergie et une sincérité qui l’écarte des autres, du moins pour sa première partie. Le problème inhérent à tout ces segments est la prévisibilité. Pour celui avec la femme, nous savons au vu de la gigantesque affiche de Autant en emporte le vent qui trône chez elle qu’elle va tomber dans le panneau bien que le film tente de nous en faire douter, sans succès. Idem avec les terroristes ou pour le sketch de la « malédiction » : nous savons qu’il va leur arriver malheur. Cela dénote d’un manque cruel d’imagination. Nous sentons ce manque notamment dans la réalisation et le montage des dernières minutes de chaque sketch. Il n’y aucun choc, le métrage nous indiquant toujours maladroitement ce qui va arriver. Réaliser un film à sketchs est un jeu dangereux auquel HEUREUX GAGNANTS perd gros, avec la particularité de traiter d’argent sans en montrer.
Un luxe cinématographique bas de gamme
Les moyens, le film semble en manquer malgré un budget de 5,6 millions d’euros1Source : Siritz. Hormis les premières minutes prometteuses avec une course endiablée dans les rues de Marseille et la violence graphique, le métrage se déroule quasi essentiellement en huis clos. Dans une œuvre évoquant des sommes colossales, il est important de montrer les effusions de richesse, chose qu’elle ne fait pas, à l’exception du segment de la « malédiction ». C’est le seul sketch où les personnages utilisent ce qu’ils ont gagné et nous pouvons le voir par leurs vêtements, leurs maisons et de beaux paysages filmés en drone. En revanche, cette profusion d’opulence attendue depuis le début sert l’histoire la plus faible. Nous ne pouvons pas dire que les réalisateurs ont été aveuglés par l’argent, pourtant nous pourrions presque le croire étant donné qu’ils passent à côté de leur propos.
La misère est trop belle
Dans HEUREUX GAGNANTS sont dénoncés ceux qui achètent les tickets de Loto, et non le système qui les met en vente. Pour le film, ce n’est pas l’argent qui change les gens car il ne fait que révéler leur vrai visage : la jeune femme cherche un prince charmant, un désir qui augmente une fois riche ; les terroristes ont bon fond et ne font ça que par manque d’argent et d’attention ; l’infirmière qui ne voulait pas voler l’argent d’un patient est en fait quelqu’un de pécuniaire ; enfin, gagner au Loto a renforcé les liens de la famille. Pour une comédie se disant grinçante, elle ne l’est pas tellement car elle ne va pas assez loin. C’est pour cela que les trois quarts des sketchs sont moralisateurs, et même de mauvais goût pour certains. HEUREUX GAGNANTS est allé à la facilité avec des gens miséreux et une bonne dose de morale dont même le sketch le plus qualitatif se voit entaché. Le final de ce dernier est d’une niaiserie sans nom, un retour en arrière brutal à en manger son unique bon numéro.
Les coréalisateurs Govare et Choay ont osé l’obscénité chic sans assez d’obscène et de chic. HEUREUX GAGNANTS manque de variété, d’imagination et de sévérité envers la société. Le film n’est pas lisse, toutefois il n’est pas aussi graveleux qu’il ne le laisse penser.
Flavien CARRÉ
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- 1Source : Siritz