Dans sa volonté de restaurer ses classiques, Disney tombe dans la facilité en n’agrémentant La Belle et La Bête que par de trop petites touches.
Après Le Livre de la Jungle, la plus grande firme de divertissement au monde se penche sur son chef d’œuvre LA BELLE ET LA BÊTE pour en faire un film en prises de vues réelles, vingt-six ans après la sortie du dessin animé qui compte parmi les meilleures adaptations cinématographiques du conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. En rajoutant une poignée de nouveautés, cette sorte de copier-coller live a pour but principal de dépoussiérer la relecture Disney de 1991 et surtout, de remettre un bon coup de projecteur sur ce classique qui a tendance à s’effacer avec l’arrivée des nouveaux venus. Malin, le studio aux grandes oreilles ne permet donc pas à ceux qui ont grandi avec le film d’animation de rager sur une probable déconstruction de cette intouchable histoire, mais trouve les moyens de rameuter efficacement la nouvelle génération.
Dans cette modernisation qui ne trahit pas sa propre version, Disney évite quand même de prendre trop de risques, le « tout public » (commercial ?) oblige. En ce sens, l’enrichissement de cette histoire n’est pas total. Le poids du dessin animé et carrément celui du studio sont si forts qu’ils ne donnent en fait que très peu de libertés au réalisateur Bill Condon, dont la tâche se résume finalement à ne faire de LA BELLE ET LA BÊTE qu’un remake rempli d’une abondante masse de déjà-vu. Ainsi, les chansons restent les mêmes malgré quelques nouvelles, tout comme la trame scénaristique qui se juxtapose à celle du dessin animé : on sait déjà par cœur ce qui va arriver à tel moment et à la minute près, ce qui fait que les personnages que l’on connaît déjà évoluent dans un environnement certes enchanteur, mais que l’on a déjà visité.
L’arrivée, quant à elle, de personnages noirs ou homosexuels (ce qui a par ailleurs valu quelques polémiques, notamment en Russie où le film est interdit aux moins de 16 ans !) aurait pu approfondir le message de tolérance développé dans le film. Mais l’univers Disney, encore assez conservateur et puritain, ne permet pas d’aller trop loin, seulement de jouer dans l’implicite. Et les agréments qui rajoutent de la profondeur aux personnages ne sont en fait que de toutes petites touches. Pourtant, c’est dans ces éléments, qui permettent de sortir enfin du dessin animé, que ce film ennuyeux aurait pu réellement devenir intéressant.
[bctt tweet= »« La version live 2017 de La Belle et la Bête est une pâle copie du dessin animé de 1991 » » username= »LeBlogDuCinema »]
Ce qui fonctionne dans un film d’animation ne fonctionne pas forcément dans une version live, car celle-ci demande automatiquement plus de crédibilité et de réalisme. En ce sens, on attend un peu plus de férocité ou d’agressivité dans l’apparence de la Bête (incarnée par Dan Stevens, avec un mélange de divers effets spéciaux) qui n’en impose pas autant qu’elle le devrait, car trop ressemblante à celle du dessin animé. Quant au mobilier, les moyens pour le rendre « réel » sont certes louables, mais rien ne vaut la force du dessin pour lui donner la drôlerie et la fantaisie qu’il lui faut dans cette appropriation Disney du conte. Même les moments chansonnés, dont on pourrait dire qu’ils s’inscrivent dans la vieille tradition des comédies musicales disneyennes, ne fonctionnent pas si bien que cela, tant ils empruntent un peu trop les codes du dessin animé. Ainsi, ce qui est mignon, voire original, dans le film d’animation, peut très vite tourner à la naïveté ou même à la niaiserie dans la version en prises de vues réelles.
Il va de soi cependant que la façon dont Disney raconte cette histoire vieille de plusieurs siècles a encore un petit effet sur nous. Sur ce critère, ce qui fut efficace en 1991 l’est encore en 2017 : la magique scène du bal – sur le thème original Beauty And The Beast – en est le plus bel exemple. Quant à l’actrice vedette du film, Emma Watson, bien que le jeu de celle qui est étiquetée pour encore longtemps comme la Hermione Granger du cinéma soit assez pauvre, son choix reste astucieux parce qu’elle est, physiquement, LA réincarnation en chair et en os de la princesse Disney. Mais cela ne permet en rien à la version de 2017 de LA BELLE ET LA BÊTE de surpasser celle de 1991, seulement de jouer sur les ressemblances. Et il est bien là le souci majeur de la version live. À tel point que l’on s’interroge finalement sur sa réelle utilité, tant son faible apport à cette magnifique histoire ne fait qu’affirmer l’idée, une fois plus, que le dessin animé se suffit à lui-même.
Yohann Sed
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• Réalisation : Bill Condon
• Scénario : Stephen Chbosky, Evan Spiliotopoulos
• Acteurs principaux : Emma Watson, Dan Stevens, Luke Evans
• Date de sortie : 22 mars 2017
• Durée : 2h09min