Les liens familiaux sont un thème de prédilection pour Kore-Eda qui, après Tel Père, tel fils, Notre petite sœur ou encore Une affaire de famille, est de retour avec un nouveau long métrage, LES BONNES ÉTOILES. Une œuvre poétique et sincère où la gravité du propos est nuancée par une légère touche d’humour et une douceur d’interprétation.
Busan, une nuit pluvieuse. So-young, une jeune maman, vient abandonner son bébé devant la baby-box de l’église. Il sera récupéré illégalement par deux hommes : Sang-huyn, propriétaire d’un pressing qui peine à fonctionner et Dong-soo, tous deux impliqués dans le trafic d’enfants et qui se chargeront de lui trouver une nouvelle famille contre de l’argent. Mais So-Young décide de revenir et propose aux deux hommes de recevoir la moitié des gains pour la future vente de son enfant. S’entame ensuite un road-movie où les trois protagonistes vont aller à la rencontre de familles intéressées par cet enfant.
Au travers d’un périple en Corée du Sud, nous allons suivre Sang-hyun, Dong-soo et So-Young, rejoint très rapidement par Hee-Jin, un jeune orphelin, et suivi de très près par Sue-Jin, policière en charge d’arrêter le trafic et de résoudre un meurtre impliquant la jeune maman. Il émanera de ce voyage une dualité constante entre la volonté déshumanisée de vendre un enfant et la sincérité de ces personnages se révélant faire part d’une gentillesse considérable envers les chérubins. Cette confrontation émotionnelle et éthique se ressent par les mots et par les actes. Des mots durs relayant l’enfant au statut de simple marchandise, à contrario d’actes de tendresse et de bienveillance.
Le film met un point d’honneur au développement intérieur des personnages au détriment du scénario qui laisse la place aux complexités psychologiques vécues par des protagonistes qui s’incorporent dans une problématique globale sur la famille.
Si les relations familiales sont autant abordées par le réalisateur Hirokazu Kore-Eda, c’est aussi pour dénoncer un phénomène très présent en Corée du Sud, les baby-box.
Il faut savoir qu’en Corée, le nombre d’abandons a considérablement augmenté ces dernières années (plus d’un millier de Sud-Coréen ont abandonné leur enfant depuis 2010). La Baby-box permet de recueillir les enfants qui seront ensuite envoyer dans un orphelinat. Une méthode culturellement inacceptable en Occident, mais qui répond à un vrai problème sur le continent Asiatique.
Le film met en lumière cette réalité qui nous est inconnue, et s’attarde à la fois sur le ressenti d’une mère, qui n’adressera jamais la parole à son bébé par peur de développer de l’amour pour lui, mais aussi sur un trafic d’enfant, dérive d’un fait sociétal gravissime.
La force majeure d’un réalisateur comme Kore-Eda est de de réussir à redonner de l’humanité au fil de l’œuvre, à un personnage qu’on aurait détesté dès le départ. Si l’acte d’abandonner son enfant aurait pu entraîner pour le spectateur un rejet de So-young (interprété par Ji-eun Lee), son évolution et son développement créent un sentiment tout autre. On s’attache particulièrement à cette femme qui navigue dans les eaux troubles de son esprit indécis. Sang-huyn, interprété par Song Kang-Ho que l’on avait déjà apprécié dans Parasite, est aussi touchant dans son interprétation que dans son évolution psychologique, où l’on prend conscience d’un homme tourmenté, marqué par une vie difficile.
La prestation la plus troublante est sans nulle doute celle de Su-jin, la policière interprétée par Doona Bae. Sensiblement classique au départ, son évolution est telle qu’on comprend ses motivations à travers le reflet de sa vie personnelle. Son dégout pour les personnes abandonnant leurs enfants, elle-même ne pouvant en avoir, nous permet de comprendre son intention d’arrêter ce trafic, et sa volonté de justice dans une société qui l’est de moins en moins. La tristesse est visible par son interprétation sans faille.
Cela donnera d’ailleurs lieu à une des scènes les plus sincère du film entre cette dernière et la jeune mère Soo-young, où la question de l’abandon et l’incompréhension face à cet acte seront abordés. Faut-il tuer un enfant avant qu’il ne naisse ou l’abandonner pour le laisser vivre sa vie ? Le laisser vivre ainsi peut-il être une source de souffrance encore plus abondante ?
LES BONNES ÉTOILES est un film qui brille par sa beauté et sa tendresse, en opposition constante avec un fait sociétal dramatique en Corée du Sud. La grandeur de l’interprétation et l’émotion ruisselante de cette histoire font de ce road-movie une œuvre touchante et agréable.
Amaury Dumontet
• Réalisation : Hirokazu Kore-eda
• Scénario : Hirokazu Kore-eda
• Acteurs principaux : Song Kang-Ho, Dong-won Gang, Doona Bae
• Date de sortie : 7 décembre 2022
• Durée : 2h09min