Virtuose de l’horreur, Alexandre Aja explore pour la première fois le registre de la science-fiction dans OXYGÈNE. Sorti sur Netflix le 12 mai dernier, le film met en scène l’actrice Mélanie Laurent, séquestrée sans espoir de survie dans une capsule médicale futuriste.
Le scénario écrit par Christie Leblanc en 2016 attendait patiemment son heure de gloire. Et c’est à l’aune de la crise sanitaire mondiale qu’Alexandre Aja en flaira tout le potentiel. Remarquable fable d’anticipation, OXYGÈNE confine son héroïne dans un caisson de cryogénisation. Amnésique, elle tente de recouvrer la mémoire pour s’extirper de ce piège mortel, où les réserves d’oxygène viennent à manquer. Surviennent alors des flashbacks. Des murs d’hôpital, des masques, des quintes de toux. Quelque chose de désagréablement familier. Toutefois, alors que tout semble converger vers l’évidence, le fil du récit se tort et se noue pour nous jouer inlassablement des tours.
On ne peut le nier, ce scénario se révèle effectivement brillant. D’une écriture intelligente et rigoureuse, dont manquait cruellement le cinéma de science-fiction grand public ces dernières années. Rien n’est laissé au hasard, le moindre détail trouve son importance et tout s’imbrique pour faire sens. Du travail d’orfèvre qui intensifie sans cesse un postulat de base pourtant simpliste : survivre. De par son titre même, OXYGÈNE file une métaphore de la survie à l’état brut. Car, de l’individu au corps sociétal tout entier, le souffle demeure de toute évidence l’essence absolue de la vie.
Le souffle. Un motif qu’Aja avait déjà brillamment illustré en 2019 dans le décomplexé Crawl où, pour survivre à une attaque d’alligators dans le bayou de la Louisiane, l’héroïne principale plongeait en apnée dans des eaux marécageuses. Un souffle incarné ici par Mélanie Laurent, cernée au plus près par la caméra d’Alexandre Aja. Si proche, que l’on étouffe avec elle, recroquevillés dans une semi-obscurité. La lumière tient en effet des néons bleuâtres, pâles et froids, caractéristiques des équipements hospitaliers. Quelque chose d’antinaturel, d’inadapté à la plénitude de l’être humain. Quelque chose de viscéralement étouffant.
Toutefois, si la mise en scène se concentre essentiellement sur la sensation d’enfermement, Alexandre Aja redonne à voir sa maîtrise du suspense, qu’il distille cependant avec une certaine élégance. Loin d’être ennuyeuses, les péripéties se révèlent au contraire palpitantes. L’ouvrage n’est d’ailleurs pas sans rappeler les expérimentations du réalisateur sur le Mirrors de 2008. On notera également que, comme Crawl avant lui, OXYGÈNE se centre sur un personnage féminin, avant tout caractérisé par son talent et ses capacités dans un domaine – la natation pour l’une, la biochimie pour l’autre. Et l’on concèdera à Aja le bon goût de ne jamais appuyer leur féminité outre mesure. Un raffinement devenu un peu trop rare à Hollywood par les temps qui courent.
Avec OXYGÈNE, le réalisateur expatrié aux États-Unis renoue avec le cinéma français. De manière contrainte, puisque la pandémie mondiale a poussé toute la production du film à délocaliser en terres gauloises. Néanmoins, qu’elle soit imputable au contexte ou non, l’œuvre porte en son sein une french touch savoureuse et bien sentie. Une science-fiction à l’esthétique so frenchy, presque hallucinée dans une scène finale, que l’on jurerait sortie d’une planche de Claude Mézières ou d’Enki Bilal. Réel happy ending ou délire ultime d’un cerveau résolument en panne d’oxygène ? Selon votre degré d’optimisme sur le devenir de l’Humanité… À vous d’en juger.
Lily Nelson
• Réalisation : Alexandre Aja
• Scénario : Christie LeBlanc
• Acteurs principaux : Mélanie Laurent, Mathieu Amalric, Malik Zidi
• Date de sortie : 12 mai 2021
• Durée : 1h40min