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alexandre aja - Alexandre Aja, l'ex-prodige du cinéma d'horreur français - Portrait
Crédits : Maxppp / Alexandre MARCHI

Alexandre Aja, l’ex-prodige du cinéma d’horreur français – Portrait

A l’occasion de la sortie de La 9ème Vie de Louis Drax, on revient sur la filmographie du français Alexandre Aja qui a réussi à imposer son cinéma aux États-Unis.

Il y a eu, au début des années 2000, un sursaut pour le cinéma de genres. Une flopée de réalisateurs prometteurs débarquent les uns après les autres avec des films (souvent leur premier) qui dynamitent le cinéma d’horreur. Tous arrivent avec la même détermination, l’envie d’y aller franco en proposant des essais furieux, sanglants, irrévérencieux. Cette bande de sales gosses laisse entrevoir un renouveau, une nouvelle armée prête à succéder à John Carpenter et Wes Craven – qui vont se retrouver dépassés par les nouveaux codes. Il est judicieusement intéressant, d’ailleurs, de constater que ces deux monstres du cinéma de genres auront du mal à survivre à la nouvelle génération, engendrant une sécheresse dans leur filmographie et une baisse drastique de qualité. Désormais il faudra se tourner vers Neil Marshall, Rob Zombie, Eli Roth, James Wan, Zack Snyder et… Alexandre Aja.

Fils du réalisateur Alexandre Arcady et de la critique Marie Joe-Jouan, Alexandre Aja ne réussit pas, comme ses camarades cités plus haut, un coup d’éclat dès sa première tentative, Furia. Certainement beaucoup trop ambitieux par rapport au budget alloué et au manque d’expérience du jeune homme, ce film de science-fiction démontre pourtant, malgré l’échec, toute l’attirance qu’éprouve Aja pour un cinéma de genres négligé à tort dans nos contrées. Alors retour à la case départ, à du cinéma plus modeste. Haute Tension est l’exemple même de ce que doit être un premier long-métrage : un scénario direct, une durée raisonnable, peu de personnages et de lieux. Et surtout, le plus important, une mise en scène travaillée sachant témoigner d’une réelle gestion du suspense. Véritable slasher qui n’a pas peur de faire couler du sang, Haute Tension raconte comment deux étudiantes sont traquées par un tueur alors qu’elles avaient décidé de réviser dans la maison familiale d’une des deux. Rien de plus simple et il en faut peu pour faire un vrai bon film. Imparfait mais débordant de qualités, Haute Tension reste à ce jour probablement une des plus belles réussites du cinéma d’horreur français post-2000 –avec Martyrs. Quiconque l’a vu se souvient encore de l’intrusion du tueur dans la maison , un carnage mené avec maestria où la tension se marie à merveille avec des effets gores percutants. En exceptant le très discutable twist final made in Luc Besson (producteur du film, oui oui), Haute Tension est un pur film brutal de bonne facture qui permet à Alexandre Aja de se faire un nom pour accéder au graal : tourner à Hollywood.

La Fox flaire le bon coup et fait appelle à l’étoile montante du cinéma français pour participer à la vague de remakes horrifiques qui a lieu durant les années 2000. En perte d’inventivité, les studios américains ressuscitent un tas de licences plus ou moins cultes en les revitaminant pour les rendre davantage accessibles à une nouvelle génération. Une grosse partie du catalogue y passe, avec des résultats très variables allant du meilleur (L’Armée des Morts, Halloween) au moyen (Massacre à la Tronçonneuse) en passant par une flopée de ratages (Fog, Vendredi 13, Amityville, Freddy). C’est dans ce contexte qu’Alexandre Aja pénètre dans la machine américaine, en ayant pour objectif de rafraîchir La Colline a des Yeux, réalisé en 1977 par Wes Craven. Parler de la nouvelle version inclue indubitablement que l’on se prête au jeu de la comparaison avec l’originale. Et c’est sur ce terrain que la version de 2006 gagne, puisqu’elle reprend le squelette initial pour l’améliorer par petites touches. Plus sanglante et politique, La Colline a des Yeux à la sauce Aja est un vrai bon film d’horreur qui garde un état d’esprit très 70’s (le dernier acte sous forme de revenge movie est excellent) en incorporant des pistes réflectives plus modernes, notamment des piques savoureuses à l’encontre d’un gouvernement américain ayant fabriqué ses propres monstres contre lesquels les républicains bas du front ne sauront lutter. En livrant un tel remake, on se dit à cette époque qu’Alexandre Aja possède les armes pour perdurer à Hollywood.

Un remake en appelle un autre et le voilà aux commandes de Piranha 3D. Dans ce cas, mieux vaut peut-être parler de relecture tant le film débarque avec sa propre identité et se démarque avec insistance de ce que Joe Dante avait fait en 1978. Au revoir le fleuve, bonjour la mer. L’avantage d’Alexandre Aja sur ce coup, à l’image de ce qui s’est produit juste avant avec La Colline a des Yeux, c’est qu’il profite d’un matériau d’origine ayant vieilli difficilement. Dépoussiérage oblige, Piranha 3D se déroule durant un spring-break et prend le parti de l’horreur fun décomplexée. Généreux et outrancier, le film est une récréation sanguinolente, qui ne cherche pas autre chose qu’une jouissance primitive. Piranha 3D est représentatif de ce que serait la véritable ligne de conduite du metteur en scène : chaque film cherche à donner du plaisir de façon indépendante. Au lieu de construire une filmographie où des motifs évolueraient de façon à s’inscrire dans une démarche d’auteur, Aja opte pour une continuité dans le genre tout en étant très diversifié. Il ne propose aucune marque de sa mise en scène, ne tisse pas de liens par ses thèmes. On parie aisément que si on regardait un de ses films de façon neutre, sans savoir qui est aux commandes, il serait compliqué d’affirmer catégoriquement que l’on déguste un Alexandre Aja.

Qu’il n’y ait pas mésentente : on ne reproche pas à Alexandre Aja de ne pas être un auteur. Il existe d’excellents réalisateurs qui font carrière sans forcément livrer une œuvre globale. Mais il exclut la possibilité d’ouvrir des variations dans la profondeur. Un bon film se suffit à lui-même et le plaisir qui en découle se termine au générique final sans aller au-delà. Certes, pourquoi pas. Sauf que sur la durée, malheureusement, Alexandre Aja n’arrive plus à tenir la cadence qualitativement. Mirrors, Horns et le récent La 9ème Vie de Louis Drax demeurent des films honnêtes, débordant de bonnes intentions tout en étant limités. Autant Piranha 3D compensait à l’aide de son énergie outrancière tous ses défauts, autant les films cités précédemment manquent de saveur, d’une touche qui les différencie de la masse pour les faire dépasser le statut de film dispensable. C’est précisément là que le mode opératoire d’Aja trouve ses limites lorsqu’au moment où la qualité baisse, rien en arrière-plan ne peut ouvrir un angle d’approche sous-jacent. On sent qu’avec des films comme Horns et La 9ème Vie de Louis Drax, il a tenté de réaliser des objets moins codifiés, jonglant avec les tons et les genres afin de se démarquer, de créer une nouvelle dynamique créative dans sa carrière. A l’inverse d’un Rob Zombie ayant réussi prodigieusement à se construire une pure cohérence de film en film en travaillant autour de thèmes et de figures qui lui tiennent à cœur, notre petit frenchy se cantonne à des exercices de style solitaires.

C’est sur ce point précis que se trouve le différence entre Rob Zombie et Alexandre Aja, et plus largement entre ce dernier et un réalisateur post-moderne à la Tarantino. Car sur toute la première partie de sa carrière, le réalisateur français est dans une démarche similaire à celle de Quentin Tarantino, dans cette optique de faire du cinéma qui découle lui-même de tout un pan du 7ème art auquel on fait référence, on cite ou on actualise. Soit exactement ce qui a été fait pour Haute Tension (un hommage évident aux slashers), les remakes modernisés de Piranha et La Colline A Des Yeux, et même celui de Maniac qu’Aja a produit. Et ça a marché, indéniablement. Puis Alexandre Aja a voulu s’émanciper en essayant pour la seconde partie de sa carrière de dévoiler du cinéma qui lui est plus propre intimement. C’est pourquoi il se tourne vers l’adaptation de deux romans (Horns et La 9ème Vie de Louis Drax), afin de s’écarter d’objets cinématographiques avec une base définie. Il a d’ailleurs souvent rappelé à quel point Horns est un livre qui l’avait profondément marqué, tant il reprenait une multitudes d’éléments en phase avec sa personnalité, ses goûts, sa sensibilité. A tel point que s’il avait écrit un livre, le résultat aurait pu ressembler à ça. En attendant de savoir si Alexandre Aja va réussir le défis de proposer un cinéma plus assimilable à sa personne, il faut se réjouir de voir un compatriote perdurer en terres américaines. L’exploit est encore plus beau lorsqu’on connaît la complexité et les vices de leur système de production. Là est probablement la plus grande réussite du bonhomme.

Maxime Bedini

Auteur·rice

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