Flop retentissant dans la carrière de Dwayne Johnson, SMASHING MACHINE devait lui offrir un Oscar. Il n’empêche que, malgré son échec commercial, le film de Ben Safdie livre un portrait sobre, touchant et brillant de Mark Kerr, véritable pionnier du MMA à la fin des années 90.
The Rock en chute libre
Ex-catcheur devenu l’acteur le plus populaire (et le mieux payé) de la décennie passée, Dwayne “The Rock” Johnson voit sa carrière ralentir depuis quelques années. Baywatch en 2017, Jungle Cruise en 2021, Black Adam en 2022… Les flops s’accumulent et les rebonds au box-office deviennent rares. Malheureusement, SMASHING MACHINE s’annonce déjà, lui aussi, comme un échec commercial. En effet, le biopic de Mark Kerr, pionnier du MMA, n’a enregistré que 5,8 millions de dollars au box-office américain lors de son premier week-end d’exploitation — là où le studio A24 espérait entre 8 et 15 millions.
Avec 50 millions de dollars investis, SMASHING MACHINE peine à rentrer dans ses frais. Un méchant revers pour Johnson, qui entendait donner un second souffle à sa carrière d’acteur et visait même l’Oscar pour sa performance. Un coup à l’ego qui rend l’homme quelque peu acariâtre sur la promotion du film, bien qu’il relativise ses scores d’entrée : « On ne peut pas contrôler les résultats au box-office. Mais j’ai compris que l’on peut contrôler sa performance et sa capacité à disparaître complètement pour se réinventer ailleurs. » Autant dire que la course à l’Oscar n’est pas encore désespérée…
Une (double) performance
Car du point de vue de la critique, Johnson a effectivement convaincu. Dans le rôle de Mark Kerr, l’amuseur public a su s’effacer. Finies les mimiques aux sourcils rieurs, envolée la virilité impassible du super-héros. The Rock prouve à ses détracteurs qu’il sait jouer, et même bien jouer. Le retour à son imposante carrure de catcheur n’enlève rien à la sobriété du portrait qu’il dessine de Mark Kerr, bête humaine par son physique, homme faillible sous les muscles. Car si l’acteur, ancienne étoile du catch, apparaissait comme une évidence pour incarner un tel sportif, le voir interpréter les drames en coulisse relevait encore du pari.
À la réalisation et au scénario, Ben Safdie met le doigt sur ce paradoxe entre sportif testostéroné et fragilité manifeste. Déjà parvenu à obtenir le meilleur d’un Adam Sandler en bout de course dans Uncut Gems, il filme Dwayne Johnson comme rarement l’ancien sportif n’a été filmé. De même pour Emily Blunt, sublime dans le rôle de la Playmate Dawn Staples, compagne de Kerr de 1997 à 2015. Toute en faux ongles et combi moulante, Blunt évolue avec grâce dans l’univers de Safdie et révèle, elle aussi, la complexité émotionnelle de ces femmes dites “trophées”, qu’on abandonne souvent à leur solitude.
Un juste hommage à Mark Kerr
Car, comme toute épopée sportive qui se respecte, SMASHING MACHINE nous parle davantage de relations humaines que de sport. Plus il se rapproche de Dawn, plus Mark néglige le MMA. Plus il se reprend, plus il s’éloigne de Dawn. Dawn, dont l’univers entier semble tourner autour de Mark sans trouver de place dans sa vie. Au point que, lorsqu’il reprend l’entraînement après une cure de désintoxication, Dawn disparaît longuement du long-métrage – avant de réapparaître sous l’œil réprobateur du coach de son compagnon. Un procédé habile et déchirant pour illustrer le conflit qui ronge Mark de l’intérieur.
Sur la forme, Safdie parvient de nouveau à imposer son style personnel, entre kitsch bling-bling et grain vintage. Avec une sobriété respectueuse, pour ne pas porter atteinte à son sujet et rendre un juste hommage à Mark Kerr – et ce, qu’il nous montre son meilleur ou son pire visage. On reprochera cependant au film un sépia et une mélancolie vintage un peu trop estampillés A24. Néanmoins, même si SMASHING MACHINE ne remplit pas autant les tiroirs-caisses qu’espéré, nul doute qu’il s’agit de l’un des meilleurs biopics sportifs de ces dernières années – n’en déplaise aux amateurs du bien trop mièvre Iron Claw.
Lilyy NELSON




