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THE VAST OF NIGHT, Somptueuse expérience nocturne – Critique

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“Les années 1950 en noir et blanc. Nouveau Mexique, atterrissage d’OVNI”. Tels sont les mots qui ont été à l’origine de l’inspiration pour cette histoire…

Dans le monde du cinéma d’aujourd’hui, il y a notamment deux choses qui sont très difficiles à faire: un film au budget ridicule qui ne le soit pas, et un qui rend hommage à des œuvres très populaires tout en conservant une identité et en restant sincère et intelligent. Alors, quand un réalisateur tout droit sorti de nulle part nous sort un premier film réussissant les deux et même encore plus, c’est l’extase. Car THE VAST OF NIGHT, malgré son évidente modestie (~$700 000 et 3-4 semaines de tournage) parvient à déployer une élégance superbe dès ses premières secondes – qui représentent pourtant aussi en partie les rares défauts du film – où Andrew Patterson captive en déambulant collé aux basques de ses personnages parlant aussi vite qu’un Aaron Sorkin qui aurait avalé un Karim Debbache. Une élégance enveloppant tout le métrage, et visible dès son magnifique titre (traduisible par « vaste est la nuit »).

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L’équipe ne pouvait tourner qu’une fois la nuit tombée, mais ça les arrangeait bien, car la ville plongeait alors dans l’atmosphère qu’ils recherchaient. ©Amazon Prime

BIENVENUE DANS UN MONDE DE MYSTÈRE, OÙ L’INCONNU EST AUSSI VASTE QUE L’OBSCURITÉ

« Vous entrez dans un monde entre clandestinité et oubli, un signal entre deux canaux, le musée secret de l’humanité, la bibliothèque privée des ombres, où tout se joue sur une scène bâtie sur la mystère et qui n’existe qu’à une fréquence entre logique et mythe… Vous entrez dans le Cinéma Paradoxe ».

La voix introductive nous l’annonce, on entre dans un film s’inspirant de références majeures, mais surtout dans un film au charme et à l’identité propre. Un film se plaçant humblement dans le sillon de créateurs tels que, donc, Rod Serling et sa cultissime et majeure Quatrième Dimension (The Twilight Zone) ou plus récemment J.J Abrams, inspiré lui aussi par Serling et figure essentielle de la science-fiction actuelle, en ayant pourtant l’intention de tracer sa propre voie. Ce qu’Andrew Patterson va faire avec sa caméra fluide et souple par le biais de ses deux jeunes protagonistes, Fay et Everett, marchant à travers la petite ville de Cayuga (du nom de la boîte de production de Serling) et parlant avec un enthousiasme qu’on jurerait représentatif de celui du réalisateur et co-scénariste. Car c’est dans un monde d’atmosphère envoûtante que celui-ci nous invite à pénétrer, un monde de textures travaillées, de sons étranges et marquants à l’importance capitales, de plans longs, précis et majestueux, d’écrans noirs surgissant soudain pour nous rappeler le pouvoir de l’imagination… Dans un monde où se déploie un superbe geste de cinéma.

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Vous allez avoir envie de triturer des objets après ça. ©Amazon

IMAGINAIRE MON AMOUR
L’histoire est simple, pourtant: la nuit commence à Cayuga, petite ville (fictive) du Nouveau-Mexique enveloppée dans une atmosphère envoûtante des années 1950. En cette nuit de Novembre 1958 (on se croirait pourtant en plein été), l’équipe de basket locale joue à domicile et tout le monde va les encourager. Du coup, Fay Crocker et Everett Sloane, deux curieux au débit de parole élevé qui discutent magnétophone – Everett apprenant à Fay l’utilisation de cet objet qui la fascine – vont avoir la bourgade presque à eux seuls pour vivre ce qui va leur arriver. Ça discute donc nouvelles technologies à un rythme qui nous oblige à être actifs et à s’impliquer, alors que les deux se dirigent vers leurs lieux de travail respectifs. Radio locale pour Everett, standard téléphonique pour Fay. Là où se déclenchera l’intrigue par le biais de fréquences sonores et d’appels bien étranges…

Puis, au fil des minutes de plus en plus envoûtantes, on se laisse de plus en plus porter en oubliant qu’on regarde un film aux moyens ridicules, tant le talent transpire par toutes les textures et les recoins de cet univers que Patterson parvient à faire vivre devant nous et en nous avec pourtant si peu. Quarantenaire venu tout droit d’Oklahoma City, ville de l’état du même nom, Patterson y sera notamment projectionniste (son amour du cinéma, de la pellicule et des objets viendra notamment de ces moments passés à manipuler la pellicule) et crééra une boîte de production, GED Media, avec laquelle il réalisera des pubs pour l’équipe de basket locale, l’Oklahome City Thunder. C’est alors que, en 2016, le bon Andrew, alors qu’il ne connaissait personne dans l’industrie, concrétisera cette envie de cinéma, sur un scénario co-écrit (sous le pseudo de James Montague) avec Craig W. Sanger. L’équipe investit la petite ville de Withney, Texas, choisie notamment pour son gymnase correspondant aux attentes de la fine équipe qui accomplira dans les rues de la petite bourgade quelques trouvailles bien malines une fois la nuit tombée (l’équipe ne pouvant tourner de jour puisque le récit se déroule sur une seule nuit), telle l’installation de caméra et de lumières sur un kart conduit par un jeune de dix-huit ans pour réaliser le fameux plan-séquence du milieu de film qui traverse une bonne partie de la ville. Film que Patterson passera ensuite un an à monter seul, qui sera refusé par bon nombre de festivals avant d’atterrir en 2019 à celui de Slamdance, qui comptait cette année-là la présence d’un certain Steven Soderbergh qui, charmé, aura le nez fin et permettra au film de passer dans une autre dimension.

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« Allo ? Vous êtes là ? C’est votre imagination qui vous parle. » ©Amazon Prime.

VASTE EST LA NUIT
Il ne faut pas en dire plus, le reste est à découvrir. Néanmoins, il est vrai que le dispositif peut en laisser sur le carreau. Car si l’expérience – et le mot est important : ici on ne regarde pas d’un seul œil, avec l’autre sur le téléphone et la main dans le paquet de chips – développe donc un aspect fascinant, le réalisateur joue tout le long un jeu risqué et courageux, celui de ne rien nous offrir sur un plateau. Les regards, les intonations ou encore les silences encouragent à ressentir et à imaginer ce qui se joue à plus grande échelle, alors que l’essentiel de l’intrigue passe par l’utilisation des objets ainsi que par la parole. On pourra seulement regretter probablement un peu trop de dialogues c’est vrai, et l’aspect minimaliste du récit peut laisser penser qu’il aurait pu y avoir plus. 

Mais le rayon des défauts est bien maigre comparé à celui des qualités, tant le long-métrage, et c’est le plus impressionnant, respire la maîtrise. Avec malice, charme et inventivité, il parvient à nous rappeler le plaisir indescriptible des histoires et refait de nous des enfants fascinés par les mystères du monde et motivés pour les décoder et ce, dès ses premières secondes qui saura séduire ceux qui sont prêts à vivre une expérience. Comme le disait d’ailleurs Alexandre Astier, célèbre amateur de bons mots, qui estime que c’est leur objectif, et non celui d’expliquer : “[Quand on fait un spectacle ou un film] je ne crois pas qu’on puisse se passer de séduction. (…) Les comédiens ça se nourrit avant tout avec du texte1Interview de la Fabrique Universitaire du Cinéma.

Bref, THE VAST OF NIGHT est de ces histoires faisant renaître l’importance de l’imagination, du mystère, de la passion, de la sincérité ou encore du plaisir enfantin pour l’imagination, conçut avec tellement de passion qu’elles continuent de vivre en vous alors que vous acceptez ses manquements, réfléchissez à ses vides laissés exprès, et rêvez à propos des mystères cachés qui composent son univers. Vaste est la nuit, tout comme ce genre de cinéma…

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©Amazon Prime.

Simon Beauchamps

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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Titre original : The vast of night
Réalisation : Andrew Patterson
Scénario : James Montague, Craig W. Sanger
Acteurs principaux : Sierra McCormick, Jake Horowitz, Gail Cronauer
Date de sortie : 3 juillet 2020 sur Prime Video
Durée : 1h31min
3.5

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