Photo du film UN PARFAIT INCONNU
Crédits : Searchlight Pictures

UN PARFAIT INCONNU, un solide artisan hollywoodien pour raconter une légende de la folk – Critique

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3.5
Les accords de la mélancolie

Comme le rappelait intelligemment Capture Mag, « élégant » ou « artisan solide » sont souvent les termes revenant pour qualifier James Mangold. Le cinéaste a touché à beaucoup de genres, et presque toujours avec réussite. On ne pouvait alors qu’être curieux de voir ce qu’il allait faire de la figure de Bob Dylan, icône populaire et artiste insaisissable ayant marqué son temps. Mais est-ce que la personnalité et le style du cinéaste allaient convenir pour raconter un tel personnage ? 

Élégance et pudeur contre les excès habituels

Et surtout, le film allait-il être capable de raconter quelque chose d’intéressant ? Le genre du biopic – et notamment musical – ayant tendance à en lasser plus d’un. L’auteur de ses lignes se doit de préciser qu’il n’est que très peu familier de Bob Dylan, mais était curieux de voir ce que Mangold et Chalamet allaient proposer. Habitués à traiter des mythes – réels et fictifs- américains, de Johnny Cash (Walk The Line, 2005), à Wolverine dans un road-movie crépusculaire (Logan, 2017), en passant par l’automobile et Ford (Le Mans 66, 2019) jusqu’à Indiana Jones (Indiana Jones et le cadran de la destinée, 2023), Mangold parvient une nouvelle fois à dégager une aura. Il installe un rythme posé en suivant son protagoniste arrivé silencieusement dans le New-York des années 60 puis venir chanter pour la première fois devant son idole Woody Guthrie alitée et mal en point. Mouvements de caméra lents et amples suivant un protagoniste mystérieux et taiseux débarquant avec juste sa guitare… Timothée Chalamet se met à entonner « Song to Woody » et le charme opère, l’acteur parvenant à faire des particularités vocales de son personnage un socle sur lequel déployer son jeu habité.

Il y a une forme de pudeur, comme si Mangold se contentait de placer sa caméra intelligemment et de laisser faire son comédien – tout en retenue, en intonations et en regards, le brun à la gueule d’ange se transformant pour embrasser cette prestance magnético-mélancolique et fuyante d’un artiste qui a l’air de s’en foutre de tout. Un artiste souvent égoïste, qui débarque dans la chambre d’hôtel de Joan Baez en pleine nuit avant de se faire virer par celle-ci sans protester, qui semble profiter des services des autres, qui retourne voir une ex sans prévenir… Une figure presque fantomatique, qui écrit et compose dans la nuit et prend le large sur sa moto, à la poursuite de réponses existentielles sans vraiment vouloir se l’avouer.

Une galerie d’acteurs impeccables pour porter Dylan

C’est probablement un des meilleurs aspects du film, qui ne verse pas dans les excès qu’on peut souvent trouver dans ce genre de productions – et ce n’est pas l’enchaînement de scènes assez clichées de Better Man qui diront le contraire, même si le film montre une vraie énergie et de bonnes idées lors des scènes chantées. Un cast solide est aussi de rigueur pour le genre, et UN PARFAIT INCONNU propose une galerie remarquable d’acteurs talentueux bien dirigés. Après Chalamet qui confirme toujours plus son talent, le charisme de Monica Barbaro et la chaleur d’Edward Norton font des merveilles quand Elle Fanning s’en sort bien avec un personnage peu présent et délicat. Boyd Holbrook, prêtant souvent sa trogne adaptée à des rôles de salauds, se fond dans la peau d’un Johnny Cash secondaire mais charismatique, et le grand public pourra même retrouver le toujours très bon Scoot McNairy et le Jacob Kowalski des Animaux Fantastiques en la personne de Dan Fogler

Mélancolie et caméra

A l’aise autant pour filmer les grands espaces que les visages de ses personnages, Mangold laisse le temps aux regards de s’exprimer et aux chansons de se déployer. A l’image d’un beau et long travelling qui pénètre doucement la chambre d’hôpital de l’icône mourante de la folk Woody Guthrie et vient capter délicatement cette belle scène d’un Dylan qui chante pour son idole. Régulièrement, plusieurs chansons du film sont laissées entières, filmées sans artifices, participant à imposer une ambiance de ressenti, Mangold ayant l’air de s’effacer pour laisser la lumière à son protagoniste et capter des moments qui l’ont fait rentrer dans le cœur de ceux qui le rejetteront ensuite. Le cinéaste de Walk the Line n’essaie pas non plus d’en rajouter lors des scènes de concerts impliquant parfois des centaines de figurants, et n’hésite pas à rester près de ses protagonistes qui se jaugent voire s’affrontent sur scène. Mais le film aurait peut-être pu avoir un avis plus tranché, et reste peut-être trop sage pour véritablement marquer, à l’image d’un climax qui semble un peu obligatoire pour un métrage voulant conclure avec une dose de spectacle. 

A voir avec le temps si la proposition de James Mangold saura marquer son art comme l’a fait son protagoniste avec sa voix et ses guitares.

Simon BEAUCHAMPS

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