Photo du film UNE BATAILLE APRES L'AUTRE
Crédits : Warner Bros.

UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE, du grand cinéma | Critique

Note des lecteurs22 Notes
5

Jusqu’à présent, j’avais une dizaine de phrases toutes prêtes pour les dîners où l’on s’indigne des films trop longs : « au bout de deux heures max, on tourne en rond », « c’est toujours prétentieux, jamais utile ». Et puis UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE est arrivé, et toutes mes certitudes se sont effondrées : trois heures qui filent sans pause, sans ennui, avec la sensation rare de voir du grand cinéma.

Le film s’ouvre là où la plupart des révolutions s’achèvent : après la chute. Dans l’Amérique du début des années 1980, un pays épuisé par ses fractures sociales et politiques, Leonardo DiCaprio incarne l’ancien leader fatigué des French 75, groupe de révolutionnaires traqués pour avoir tenu tête aux suprémacistes blancs.

Paul Thomas Anderson filme les marginaux comme d’autres filment les héros. Ceux qui sont bizarres, solitaires et cabossés. Dans Punch-Drunk Love, Adam Sandler portait déjà cette maladresse bouleversante, avec ses excès de violence envers les baies vitrées. Dans Licorice Pizza, c’était Gary Valentine, adolescent de quinze ans, qui avance dans la vie avec plus d’élan que de lucidité.

La mise en scène est nerveuse, vivante, inventive. Rien n’est figé. Les plans changent sans cesse de rythme et de texture. Même les scènes d’action les plus convenues, fusillades ou courses poursuites, deviennent des espaces d’expérimentation où Paul Thomas Anderson réinvente les codes du genre.

Visuellement, c’est sublime. Les lueurs bleutées des gyrophares, les feux orangés des émeutes, les fumigènes rouges : tout éclaire la nuit, peint le chaos ambiant. Et derrière cette beauté, il reste la parole. Chez Paul Thomas Anderson, la force vient aussi des dialogues : vifs, précis, acérés, mais toujours justes.

Réalisateur du décalage, Paul Thomas Anderson installe une gravité qu’il désamorce aussitôt, un tragique toujours traversé d’absurde, comme le fait que Leonardo DiCaprio, censé être un héros révolutionnaire, traverse tout le film en peignoir à carreaux.

Le casting est tout simplement une fête. Sean Penn est magistral en méchant absolu. Benicio Del Toro, calme et imprévisible, amuse à contre-temps. Teyana Taylor impose une intensité hypnotique en incarnant la rage et la résilience.

UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE tient à la fois du film politique, du récit humain et du pur cinéma d’action. C’est cette ingéniosité permanente, cette générosité assumée, qui le rendent jubilatoire. S’il n’y avait qu’un film à voir cette année, ce serait lui.

Agathe ROSA

Auteur·rice

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