La suite des aventures de Diana Prince, disponible en VOD, n’a pas bénéficié d’une sortie au cinéma. On comprend vite pourquoi : dénué d’enjeux et dépourvu de rythme, Wonder Woman 1984 est un long récit insipide et au sous-texte bien maladroit.
1984 : Diana Prince s’est pleinement intégrée à la société, où elle exerce le métier d’archéologue. Confrontée à un mania du pétrole, elle va pourtant devoir endosser à nouveau le costume de Wonder Woman pour éviter la fin du monde. Déjà-vu, dites-vous ? Oui, et bien plus encore. En voguant sur la hype 80’s entrevue dans la saison 3 de Stranger Things, Patty Jenkins opte pour le Washington des années Reagan comme point d’ancrage narratif. Ainsi, le film débute dans un centre commercial, à l’heure de l’accomplissement du capitalisme, et l’on suppose le récit comme vecteur satirique de la figure du consumériste moyen.
Que nenni : Jenkins semble étonnement éprouver une forme de fascination malsaine et déplacée pour la culture d’une époque à la naïveté pourtant indéniable. Surtout, elle occulte complètement une potentielle part d’ombre dissimulée derrière ce tapage sonore et visuel, maladroitement orchestré.
Les années 2010, nostalgies hollywoodiennes
Il est regrettable que les antagonistes s’inscrivent dans la continuité de ce cadre mièvre et écœurant. Là où l’histoire aurait dû être un pied d’appui pour explorer la psyché d’une héroïne complexe, le manque d’enjeux devient préjudiciable. Surtout, on n’y explore jamais ce qui rend l’amazone exceptionnelle. Personne parmi les protagonistes gravitant autour d’elle ne semble réfléchir par un autre biais que celui de l’obsession visuelle engendrée par son indéfectible charme. Gal Gadot n’a sûrement pas eu à forcer ses talents tant son personnage se suffit à son propre statut de sex-symbol contemporain. Les tourments au contact d’une société polymorphe ne sont jamais abordés, la quête initiatique de l’héroïne est éclipsée.
La régression est totale, lorsque, dénuée d’idées, Jenkins opère une pirouette narrative afin que Steve, amour défunt, prenne part au récit. En 2021, le constat est implacable : l’héroïne ne peut s’accomplir qu’au contact de son homologue masculin. Décevant, surtout quand il s’agit de Chris Pine, se contentant de faire le cabotin tout sourire, sans vraiment savoir ce qu’il est venu faire ici.
Marie Kirschen, dans Herstory, décrivait l’héroïne du comics des années 70 en ces termes : « Diana Prince perd un temps de ses pouvoirs. Complètement énamourée de son fiancé, elle retombe dans l’exaspérant cliché de « la demoiselle en détresse » ». Difficile de ne pas calquer cette analyse sur la version du personnage en 2021. Vidée d’enjeux tragiques, Wonder Woman ne s’impose jamais par ses qualités d’enquêtrice ou de guerrière. Bien loin des ruses entrevues dans la séquence d’introduction, elle n’est reconnue que pour son charme et traduit en cela les obsessions d’une époque où les apparences priment.
Barbara a pour principal souhait d’être attrayante aux yeux des hommes, à l’image de Diana. Maxwell Lord n’obéit qu’à une logique mercantile. On en vient à douter des intentions de Patty Jenkins tant son film bascule malgré lui vers la parodie. En cela, le récit s’inscrit aux antipodes de Wandavision, récente série du concurrent Marvel. Le personnage de Wanda Maximoff s’y imposait avec brio et créativité : en construisant son propre microcosme, un monde parallèle utopique où, bercée par la culture des sitcoms, elle parvenait à éviter le destin tragique auquel la réalité la vouait.
En une séquence, le récent Snyder’s cut de Justice League avait au moins le mérite de restituer ses lettres de noblesse à l’héroïne moderne. Confrontée à une armée froide et radicale, elle empêchait, non sans mal, le braquage d’un palais en plein centre de Paris. La séquence, rythmée et riche en intensité, comporte plus de plans iconiques et symboliques de l’accomplissement de Wonder Woman en tant qu’emblème de la modernité que les deux heures trente d’un film qui lui est consacré. L’affrontement final de cette suite restera sûrement dans les annales du grotesque. Confrontée à un chat, il est pourtant sous-entendu que Diana Prince acquiert un nouveau statut. Celui de l’héroïne réduite à une simple effigie, sans saveur, simple corps inapte à la réflexion, jamais reconnue pour ses qualités humaines. Un ratage en bonne et due forme, qui achève définitivement les espoirs d’assister à une résurrection du DC Cinématic Universe.
Emeric