yannick - YANNICK, totalement hilarant, franchement inquiétant, vraiment percutant - Critique 
Crédits : Chi-Fou-Mi Productions

YANNICK, totalement hilarant, franchement inquiétant, vraiment percutant – Critique 

On a tous déjà été traversé par une pensée intrusive, hors de propos, plus au moins morbide. Cela peut arriver, de fumer une cigarette sur un balcon lors d’une soirée, en se demandant furtivement ce que cela fera si l’on se jetait, d’un coup, par-dessus la balustrade, avant de balayer cette idée et de retourner danser. Dans YANNICK, de Quentin Dupieux, cette folle pensée intrusive et dangereuse s’impose au personnage principal, comme une compulsion qu’il ne cherche absolument pas à chasser. L’idée de départ est géniale, et sa réalisation est remarquable.

Le huit-clos se passe dans un théâtre parisien où se joue une mauvaise pièce de boulevard, « Le cocu », avec trois acteurs au jeu approximatif et réactions surjouées, desservis par une mise en scène très ordinaire, accompagnée d’un texte tristement cliché. Yannick, gardien de parking de nuit présent dans la salle, a payé, posé un congé et fait une heure de trajet pour cette sortie ratée, alors pour une fois, il n’accepte pas cette situation. Il se lève subitement et exige à rencontrer le metteur en scène, pour le confronter à la médiocrité de son travail. Quand les acteurs commencent à se moquer de lui, Yannick, dont le nom veut dire “Dieu fait grâce” en hébreu, comme il le rappelle, prend tout le monde en otage avec son arme, le temps d’une soirée sans fin. Cela donne un film totalement hilarant, franchement inquiétant, vraiment percutant.

Photo du film YANNICK
Crédits : Chi-Fou-Mi Productions

Hilarant, grâce à l’humour absurde, les répliques décalées, les conversations surréalistes et la mise en scène corrosive. Aucune improvisation, tous les dialogues ont été écrits. Les acteurs sont très bons, Pio Marmai est particulièrement déjanté, Sébastien Chassagne et Blanche Gardin, sincères et vifs. Surtout, Raphaël Quenard livre une prestation phénoménale. Son regard angoissant, son jeu prodigieux, sa diction particulière et son vocabulaire soutenu rendent le personnage absolument incroyable. Quentin Dupieux a imaginé ce long-métrage pour lui offrir ce rôle et celui-ci est à sa hauteur. L’acteur brillait déjà cette année dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand.

Mention spéciale pour cet instant hors du temps, particulièrement drôle, cette réinterprétation de l’art du stand-up lorsque le preneur d’otage prend à parti et blague avec les autres spectateurs, sur lesquels il a l’air de rôder son prochain spectacle, contre leur gré.

Inquiétant, parce que Quentin Dupieux maîtrise à la perfection l’installation d’un climat de malaise et la montée en puissance de la tension. D’autant plus quand on connaît son travail, qui frôle parfois le genre du cinéma d’horreur, on sait que tout est possible, comme le dit d’ailleurs Yannick au début de la prise d’otage : « Ça peut partir en sucette à n’importe quel moment cette histoire-là ». Oui, on sait. Et on attend.

La folie est un des thèmes favoris du réalisateur. Il nous en parlait d’ailleurs dans un entretien à l’occasion de la sortie de Le Daim. YANNICK aussi est un film sur les fous, les perturbés, les snobés. Il aborde le sujet de la solitude, avec humour, tendresse et pitié. Le anti-héros est touchant, parce que malgré sa crise brutale, ses métaphores absurdes et ses justifications lunaires, il fait en même temps diablement sens dans ses propos. Finalement, qui est le fou de qui ?

Percutant, puisque derrière les répliques drôles et le suspens, il y aussi de vraies questions sur l’Art, le rôle du spectacle et la subjectivité d’une réussite. Est-ce que l’Art, c’est fait pour faire du bien, divertir et soulager le spectateur ? Est-ce normal de faire une différence entre les métiers artistiques et ceux non artistiques ? Est-ce que n’importe qui peut s’essayer à l’écriture ? En une heure de film, toutes ces questions fondamentales sont abordées. On s’interroge aussi sur la nature humaine, et ce qui se réveille sous la menace (notamment l’égo, la faiblesse et la colère).

Photo du film YANNICK
Crédits : Chi-Fou-Mi Productions

Quentin Dupieux signe avec Yannick un de ses meilleurs films, de loin, grâce à l’ingéniosité de l’écriture, la finesse des personnages et la solide direction d’acteurs. Une performance à saluer, d’autant plus qu’il l’a réalisé en seulement six jours, entre trois long-métrages, ceux sortis en 2022 (Fumer fait tousser, et Incroyable mais vrai) et Daaaali ! prévu courant 2023, pour lequel on a très hâte de revenir au cinéma.

Agathe ROSA

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yannick affiche film - YANNICK, totalement hilarant, franchement inquiétant, vraiment percutant - Critique 
Titre original : Yannick
Réalisation : Quentin Dupieux
Scénario : Quentin Dupieux
Acteurs principaux : Raphaël Quenard, Blanche Gardin, Pio Marmaï
Date de sortie : 2 août 2023
Durée : 1h07min
4.5

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