Dans Désobéissance, Sebastián Lelio triomphe du passage à l’anglais avec éclat, et sublime plus que jamais ces femmes qu’il aime tant depuis toujours.
L’amour interdit, sujet parmi les sujets, renaît. Si les relations homosexuelles connaissent un éclairage bienvenu ces derniers temps, il y a chez le réalisateur cette étincelle qui lui permet de se distinguer des autres films ayant été récemment portés aux nues par un plus large public. Il semble plus honnête, plus sensible que Call me by your name de Luca Guadagnino ou que Carol de Todd Haynes avant lui, toutes deux œuvres honorables mais qui à côté de celle-ci perdent en authenticité. Le couple n’est pas un prétexte à l’art mais est artistique lui-même, involontairement et par essence. Du roman de Naomi Alderman qu’il restitue avec fidélité, il ne conserve pas tant l’idée de rébellion que celle d’attraction, il installe une langueur qui fait de chaque baiser un apogée romantique. Les protagonistes sont avant tout des gens qui s’aiment avant d’être « la révoltée » ou « la coincée », elles sont toutes deux allégories du désir et se fondent l’une dans l’autre en un être platonicien. La puissance évocatrice n’est pas dans la pose, elle tisse l’attirance comme une toile sublime mais terriblement fragile. Il convient de louer dès à présent les prestations des deux Rachel, Weisz et McAdams, qui frôlent tellement le réel que la barrière de la fiction est parfois bien floue tant leur alchimie est épatante.

Le problème est ici plus vaste, il est celui du libre-arbitre, de sortir de la complaisance, de vivre les expériences dont on a viscéralement besoin. D’aucun pourrait trouver certains symboles lourds à l’instar de la chanson que la radio joue, en vérité l’envie est tellement débordante que tout apparaît pour ces amoureuses comme un signe. C’est de plus sans compter sur la simplicité extrême de toutes les scènes, qui permet volontiers quelques écarts plus tendres. La sobriété est en effet utilisée avec maestria au service d’un genre d’ultra-sensorialité, les respirations sont profondément sensuelles à l’instar de ces deux femmes dont les retrouvailles sont une longue synesthésie. Le bonheur d’entendre la voix de l’autre de nouveau, de la voir, de la sentir, de goûter sa bouche, de la toucher, tout y est. Les regards ont un poids absolument extraordinaire, même flou en arrière-plan chaque coup d’œil est une caresse.
Désobéir permet aux personnages d’exister enfin, et cette expression charnelle si brute et si pure est un moment riche, un bras tendu à la liberté.
Manon
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• Réalisation : Sebastián Lelio
• Scénario : Sebastián Lelio
• Acteurs principaux : Rachel Weisz, Daniel Craig, Lamar Johnson
• Date de sortie : 13 juin 2018
• Durée : 1h54min




