Photo du film NIGHT CALL
© Paramount Pictures France

NIGHT CALL, rosé hybride et polyvalent – Critique

Nous souhaitons recueillir votre avis sur votre façon de nous lire. Merci de prendre 2 minutes de votre temps en cliquant ici !


Quand vient le moment de décrire NIGHT CALL, la simple phrase « Un journaliste indépendant enquête dans le milieu du crime à Los Angeles » suffit.

A la fois pitch et synopsis, elle vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir avant de vous engouffrer dans le nouveau délire complètement assumé de Dan Gilroy. Mais si, vous savez bien, le scénariste de The Fall et de Jason Bourne : L’Héritage (que son frère Tony a réalisé). Également scénariste de NIGHT CALL, Dan Gilroy réalise ici un film absolument cynique et jouissif. Explications.

Au premier abord, Louis Bloom, l’apprenti journaliste que Jake Gyllenhaal (Enemy, Prisoners) incarne avec brio, est une véritable plaie. Un boulet que l’on se tramballe et dont n’importe quel employeur aimerait se débarrasser. Notamment parce que ses méthodes sont peu légales et surtout, peu déontologiques. Mais voilà, au fil des 117 minutes qui compte NIGHT CALL, on réalise que, oui ce qu’il fait est mal, mais cela ne l’empêche pas de parvenir à ses fins. Et rien qu’avec cela, Louis Bloom nous vend du rêve, nous donne des frissons et encore plus, nous fait rire. Car le cynisme dont il fait preuve a beau déranger, il n’en fait pas moins mouche. Comme une version améliorée si je puis dire de nous-mêmes, dépourvue de remords et évitant à tout prix les regrets, les agissements de Louis (qui se fait aussi appeler Lou) font chaud au cœur et redonnent espoir. Non, on ne conseillera pas ses pratiques et je ne saurai que trop vous déconseiller de faire du chantage à votre employeur. Mais entre nous, n’est-ce pas génial de voir un homme qui n’a peur de rien, dire ce qu’il faut quand il faut, d’utiliser tous les atouts qu’il a à sa disposition et de ne jamais se sentir carriériste et opportuniste, comme c’était le cas avec Jordan Belfort dans Le Loup de Wall Street ?

Pendant 1h57, Dan Gilroy nous emmène ainsi dans les coulisses de l’information télévisuelle façon Los Angeles. Entre plans fixes de la vallée et de la ville et caméra portée quand il nous faut suivre Lou sur le terrain et pendant ses course-poursuites, le scénariste et réalisateur de 55 ans fait preuve d’une logique déconcertante et d’une maîtrise presque parfaite de son engin. Quand la tension monte, il relâche le tout en nous accordant une visite éclair de la ville ou une petite discussion entre Lou et Nina (Rene Russo, Thor : Le monde des ténèbres, Two for the Money), la supérieure de celui-ci. Leur relation est étrange, dérangeante voire carrément malsaine. Mais au bout du compte, elle devrait en faire fantasmer un grand nombre parmi nous…

Un vrai moment de cinéma !

En montrant comment l’information est mise en scène quotidiennement par les chaînes d’information, NIGHT CALL dresse un portrait sans fard du monde des médias. De ce fait, comment ne pas penser aux films Des hommes d’influence de Barry Levinson, Bob Roberts de Tim Robbins, Inside Job de Charles Ferguson ou aux séries The Hour, Dirt ou bien The Newsroom? En évitant de se lancer dans des explications peu ragoutantes, NIGHT CALL parle à tous, même aux moins connaisseurs et pointe le doigt sur la culture de l’instantané. Cette nécessite d’avoir l’information en premier. Et surtout, à notre époque, les images qui vont avec. Et si celles-ci peuvent être choquantes, ou comme dirait Nina en VO « graphic », c’est encore mieux !

Construit comme un roman d’éducation, le scénario de Dan Gilroy permet de voir l’évolution de Lou, comment il prend de l’assurance, comment il réagit face à la chute, à quel point il apprend vite et au final, à quel point il est inarrêtable. On le voit découvrir le métier de caméraman, mais également celui de journaliste, de monteur et de chef de projet. Petit à petit, il entre dans la cour des grands et nous fait la promesse de ne pas en sortir de sitôt. Son arrogance et son insolence en font un personnage unique, à la fois sympathique et détestable, qui gère comme il peut le stress et l’ennui. Notons tout de même la bonne idée d’introduire un assistant à Lou, en la personne de Rick (Riz Ahmed, L’intégriste malgré lui, Ill Manors). La figure qui est la sienne, celle d’opposition à Lou, permet au spectateur de s’identifier à quelqu’un et de baigner dans ce que nous qualifierons de « vrai L.A. », celui rempli de vrais gens, de vrais crimes, de vrais drames. Loin du showbiz et des paparazzi.

En mettant en avant les manipulations médiatiques, ainsi que la quête de déontologie de certains journalistes consciencieux et les tensions internes à toute rédaction, NIGHT CALL est à voir comme un rosé hybride et polyvalent. Fruité et savoureux au début, puis sec et choquant. Grâce un bande originale et une esthétique singulières mais pas toujours parfaites – en particulier la BO -, le film de Dan Gilroy n’est pas sans rappeler Drive. Même s’il repose uniquement sur l’énorme performance de Jake Gyllenhaal, NIGHT CALL est un vrai moment de cinéma, un film électrisant et excitant que l’on ne saurait trop vous recommander.

Wyzman

night call (nightcrawler)
• Sortie : 26 novembre 2014
• Réalisation : Dan Gilroy
• Acteurs principaux : Jake Gyllenhaal, Riz Ahmed, Rene Russo, Bill Paxton
• Durée : 1h57min
Note des lecteurs2 Notes
4
note du rédacteur

Nos dernières bandes-annonces