LA TÊTE HAUTE
© WILD BUNCH

LA TÊTE HAUTE – Critique

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En tant que critique, j’aime défendre l’idée qu’un film vaille pour la sensibilité de son réalisateur, malgré les influences qu’il met exagérément en avant… À ce jeu, on peut citer Mommy, de Xavier Dolan, It Follows, de John Cameron Mitchell, ou Lost River de Ryan Gosling
Ceux-ci adaptaient le génie d’autres (Wong Kar Wai, Carpenter, Malick, etc.) pour illustrer leurs propres histoires, et construisaient un film hybride, fonctionnant parce qu’en tant que cinéphile, on pouvait les raccrocher à quelque chose de précis même s’il se dirigeaient vers des voies différentes en termes de sensibilité.

Mon feeling est exactement le même avec LA TÊTE HAUTE – j’y perçois une réalisatrice, Emmanuelle Bercot, influencée consciemment ou non par des films récents, imprégnant sa réalisation de sa propre sensibilité, et reconstruisant ainsi un film au langage unique… Sauf que pour moi, cela ne fonctionne pas.

Dès les premières minutes (lorsque l’on entend Cut Killer précisément), dès même la bande-annonce,  je savais à quoi j’aurais affaire – a une relecture auteurisante d’une histoire maintes fois exploitée, celle du jeune énervé provoquant autant la bienveillance que l’agacement et l’incompréhension chez ceux qui l’entourent/cherchent a l’aider.
Une histoire carburant à l’intensité, à l’instabilité, mais malgré tout, finissant sur une note d’espoir… Exactement la base de trois films récents, Dog Pound de Kim Shapiron, Les poings contre les murs, de David Mackenzie puis Mommy, déjà cité. Ces films m’ont paru plus convaincants que LA TÊTE HAUTE: question surtout, de canalisation d’énergie, puis de mise-en-scène.

LA TÊTE HAUTE
Crédits : Les Films du Kiosque

Les auteurs précités parvenaient à diriger l’énergie démentielle de leurs acteurs, lorsque Emmanuelle Bercot laisse son film se faire bouffer par le jeune Rod Paradot… Petit à petit, on s’aperçoit que la subtilité ne parvient pas à trouver de place dans son jeu – à l’inverse d’un Jack O’Connell (qui fixait lui-même des règles de dominant/dominé avec ceux qui l’entouraient !) ou d’un Marc Olivier Pilon, pour qui Dolan contrebalançait la furie par sa relation avec sa mère et Kyla. En résulte un manque de surprise assez épuisant dès lors que l’on a compris comment fonctionne le film.

Dans LA TÊTE HAUTE, un certain schéma s’installe: effort social / catalyseur de drame / colère / recommencement. Le scénario aurait pu, par la variété des situations, bousculer cette répétitivité et créer un minimum d’empathie envers Malony – il n’en est rien. Tout ce qu’il reste, ce sont les images fortes de colère et leur contre-coup. Ce genre d’énergie est évidemment impressionnant: quoi de plus efficace que de capter l’incontrôlable ? Cela ne rend pas pour autant le film mémorable.

Un défaut qui en entraîne d’autres: pour reprendre l’exemple de Xavier Dolan, le sujet de LA TÊTE HAUTE n’apparaît pas comme personnel pour Emmanuelle Bercot… Comme si elle imprimait sa sensibilité sur un sujet qui ne lui tenait pas à cœur. Cet aspect « film de commande » n’est pas toujours un problème, lorsque l’on à affaire à un réalisateur possédant un style, une esthétique, une mise-en-scène racée… Ce qui n’est pas le cas ici non-plus. L’acteur est ici, celui qui dirige le film… et non l’inverse.

Il manque à LA TÊTE HAUTE une bonne mise en scène, une canalisation scénaristique ou émotionnelle de l’énergie des acteurs…

Ce qui nous amène aux qualités que j’ai trouvé au film; l’énergie, indéniable… Quoique les vociférations constantes de Rod Paradot manquent parfois de précision et de subtilité. On excepte Sara Forestier, très juste, mais véritable erreur de casting.

Par contre, Magimel et Deneuve, quoi.

Les deux acteurs maîtrisent tellement leurs personnages, qu’ils finissent par faire en sorte que le film soit centré sur leurs ressentis. Les deux moments ou ils interagissent l’un avec l’autre paraissent ainsi, être les véritables climax du film… Cela implique qu’en termes d’empathie, c’est autour d’eux et de ces deux échanges, que s’est façonné LA TÊTE HAUTE. Assez paradoxal; cela incite du coup, à se demander qui, quel est le sujet du film.

Ne s’agirait t-il pas de constater l’empathie destructrice qui peut se manifester malgré tout professionnalisme – empathie re-jaillisant à travers le vécu, ou la sensibilité de l’autre ? C’est finalement cette interprétation et l’émotion transitant via ces deux scènes de 3 minutes qui me font reconsidérer un peu plus positivement le film.

Georgelechameau

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