There Will Be Blood

THERE WILL BE BLOOD, le chef d’œuvre de Paul Thomas Anderson – Critique

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Œuvre immense et dense, There Will Be Blood a permis à Daniel-Day Lewis de remporter l’Oscar du meilleur acteur en 2008.

THERE WILL BE BLOOD s’ouvre sur quinze minutes muettes. Tous grognent, gémissent, se roulent dans les flaques de pétrole qui les submergent quotidiennement. Au milieu de cet océan d’or noir, de sueur et de sang, d’ambitions et de billets verts, un homme adopte un orphelin. Non pas par pitié, non pas par compassion, mais par commodité. Cette action nous questionne sur notre propre socle, mais pourtant, avant même d’être une fresque incroyable sur la nature humaine, THERE WILL BE BLOOD est une véritable leçon de cinéma.

Paul Thomas Anderson enchaîne les tours de force techniques. Chaque plan est un tableau, le paysage californien devient une vaste scène de théâtre pour le cinéaste. Tout semble inné chez lui : de la captation d’un symbole jusqu’à celle d’une émotion. Ce sens fascinant du champ et du hors-champ, la photographie hallucinante de beauté d’Elswit, la bande-originale de Jonny Greenwood, la direction d’acteurs parfaite – Daniel Day-Lewis, évidemment, mais aussi Paul Dano, qui tient ici le meilleur rôle de sa carrière – forment une sublime équation. Arriver à contenir Day-Lewis tout en lui permettant d’étaler tout son talent, très peu y sont parvenus : il ne semble n’y avoir aucun obstacle au souffle artistique dont fait preuve Anderson. Le rythme est parfait – l’ennui ne pointe jamais son nez malgré la durée du long-métrage –, la dynamique de l’ensemble est telle que chaque plan semble être le rouage d’une machine parfaitement huilée. Anderson ne fait, en plus de cela, pas seulement preuve d’un talent incroyable quand il s’agit d’alimenter l’immense majesté de son œuvre, mais aussi lorsqu’il retrace avec un profond pessimisme la grande et sanglante histoire de la cupidité humaine.

Tout fait écho au pouvoir dans cet American Dream proche du cauchemar. Chacun sert ses intérêts, et c’est dans l’innocence des plus jeunes qu’on peut encore trouver un semblant – éphémère – d’humanité. Qu’il s’agisse de pétrole, de religion ou de domination, tous n’aspirent qu’à la puissance : dans quel but ? Ça, on ne le saura jamais. Et c’est ici le plus grand coup de génie de THERE WILL BE BLOOD : évoquer les finalités en conservant le voile sur la ligne de départ.

Terrifiant, mais magnifique, désenchanté, mais passionnant, c’est tant de contradictions lexicales qui composent ce chef d’œuvre moderne, point de chute et film somme de l’œuvre admirable d’Anderson.

Il n’est jamais question de justice, de valeurs ou d’honneur – loin de là. Anderson ne s’intéresse qu’aux péchés et aux craintes, des trahisons jusqu’aux mensonges. Contribution incroyable et presque unique à la construction d’un Eldorado sans lois, boucherie humaine où l’empathie est une faiblesse, THERE WILL BE BLOOD s’argumente comme une véritable réflexion. C’est dans cette logique macabre que le réalisateur transporte son cinéma vers d’autres contrées : si HARD EIGHT et BOOGIE NIGHTS évoquaient déjà l’illusion du rêve américain, au travers de thèmes très différents, THERE WILL BE BLOOD agit presque comme un film somme : fresque grandiose de presque trois heures, son final mémorable et définitif fait entrer le cinquième film d’Anderson dans la légende.

THERE WILL BE BLOOD n’est pas seulement l’un des meilleurs films de la décennie passée, il est aussi l’accomplissement incroyable d’un grand cinéaste contemporain. C’est presque le roman de l’humanité qui s’étale devant nous, spectacle barbare où se rencontre des hommes monstrueux et des hommes innocents. Terrifiant mais magnifique, désenchanté mais passionnant, c’est tant de contradictions lexicales qui composent ce chef d’œuvre moderne, point de chute et film somme de l’œuvre admirable de Paul Thomas Anderson.
C’est comme si, dans un élan égoïste – mais vertueux – le réalisateur nous susurrait sur un ton monotone : « I’m finished. »

Kamarade Fifien

Note des lecteurs7 Notes
Titre original :There Will Be Blood
Réalisation : Paul Thomas Anderson
Scénario : Paul Thomas Anderson d'après Upton Sinclair
Acteurs principaux :Daniel Day-Lewis, Paul Dano, Dillon Freasier
Date de sortie : 27 février 2008
Durée : 2h38min
4.5

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