[dropcap size=small]U[/dropcap]ne fois de plus, on relaie une bande-annonce non pas pour une oeuvre cinématographique, mais bel et bien pour un jeu-vidéo !
À l’instar de Silent Hills, réalisé par Hideo Kojima et Guillermo Del Toro, la vidéo ci-dessous a été réalisée par Peter Berg, le réalisateur à l’origine de Friday Night Lights, Hancock ou plus récemment Battleship et Du Sang Et Des Larmes. Un réalisateur capable d’alterner les genres, mais sans jamais exceller dans aucun…
Toutefois cette vidéo est particulièrement réussie : elle adopte la vue subjective typique du FPS (First Person Shooter), et rend compte du feeling propre à la série Call Of. :
Un déluge discontinu d’action qui troque toute vraisemblance pour un spectacle démesuré et épique. Avec en sus Taylor Kitsch (John Carter) et Emily Ratajkowski (la « fille aux seins énormes » dans Gone Girl). On rappelle que l’acteur Kevin Spacey (House Of Cards) est également « à l’affiche » de CALL OF DUTY ADVANCED WARFARE
https://www.youtube.com/watch?v=GccGbdLqTmQ#t=13
Ce trailer dément est également l’occasion de revenir sur un sujet qui nous tient à cœur : le rapprochement artistique entre jeu vidéo et cinéma.
Beaucoup catégorisent encore le jeu vidéo comme une activité exercée par des gamins forcément sales, moches, et asociaux… Et résument les jeux vidéo à Tetris, Mario ou à l’inverse, aux blockbusters World of Warcraft et Call Of Duty.
Nombreux sont ceux qui caractérisent le medium, l’assimilant à un passe temps décérébré et violent, à un simple produit de consommation…
Or, Candy Crush, Wii Fit, ou GTA – par ailleurs très réussis chacun dans leur genre – ne sont PAS représentatifs de la diversité du média.
Très récemment encore, Nagui et Laure Manaudou, dans « La bande originale » sur France Inter, illustraient avec virulence leur manque d’ouverture d’esprit et de connaissance vis à vis de ce média. La journaliste Leïla Kaddour avait alors tenté de leur expliquer que le jeu vidéo est un média d’importance culturelle, qu’ils l’acceptent ou non. En attestent les nombreux évènements (League of Legends par exemple), et le public toujours grandissant des œuvres ce ce média.
Leila Kaddour n’a jamais eu l’occasion de développer l’aspect artistique du média, ce que nous nous proposons de faire, humblement et sans exhaustivité.
Car si le jeu vidéo s’est largement inspiré du cinéma… Avec les évolutions technologiques, son développement économique, des concepts artistiques et vidéo-ludiques qui lui son propres, il a su s’affranchir petit à petit de ce lourd héritage.
Ainsi, de grandes œuvres et de grands auteurs ont progressivement émergé.
Comme pour le cinéma, ces artistes ont gagné en maturité avec le temps, et leur œuvres ont évolué du simple objet ludique à une adéquation entre technologie, mise en scène, histoire et émotions.
Shigeru Miyamoto (Mario, Zelda), Hideo Kojima (Metal Gear Solid), mais également Fumito Ueda (Shadow Of The Colossus, Ico), Tim Schafer (De l’époque Lucas Art à Broken Age en passant par Psychonauts)…
Également, les studios Rockstar (la série GTA, Red Dead Redemption…), ou encore Naughty Dog (Uncharted, The Last of Us), Thatgamecompany (Flow, Flower, Journey) etc.
A ces quelques exemples au succès public et critique certain, il faut rajouter les centaines d’œuvres au succès confidentiel, ou simplement méconnues chez nous.
On en arrive à définir artistiquement un média sachant fédérer ses joueurs (WoW, Starcraft), capable de renouveler constamment mécaniques et univers, (Braid, Fez), artistiquement en effervescence (Okami), n’hésitant pas à aborder des thèmes réservés au cinéma, comme la psychologie (Silent Hill encore, Catherine…) ou la poésie (Flower), et toujours motivé par cette interactivité qui le définit.
Le premier exemple de ce rapprochement est, bien sur, l’adaptation de jeux vidéo.
Pour le meilleur (Silent Hill de Christophe Gans, Final Fantasy Les Créatures de l’esprit… J’ai pas mieux) et surtout pour le pire : Super Mario Bros, Mortal Kombat, La série Résident Evil…
Ensuite, vient la migration d’auteurs et artistes divers du cinéma vers le jeu vidéo :
Ainsi, Steven Spielberg (Halo ; l’échec Boom blox est son idée – géniale), John Woo (le très fun Stranglehold – hommage narcissique), Michael Fassbender avec le projet un peu oublié d’Assassin’s Creed, ou récemment Guillermo Del Toro avec Silent Hills !
Puis des acteurs comme Kevin Spacey (CALL OF DUTY ADVANCED WARFARE), Andy Serkis (Heavenly Sword), Rockstar et ses castings efficaces (San Andreas avec Samuel L. Jackson ou James Woods, L.A. Noire piochait chez Mad Men)
Comme dans les années 2000 avec la série TV, de plus en plus de personnalités du septième art se tournent vers le jeu vidéo. Preuve de l’intérêt à la fois financier et artistique d’un média en constante évolution.
C’est dans ce contexte qu’intervient Peter Berg et ce fameux trailer de CALL OF DUTY ADVANCED WARFARE.
Trailer à la fois purement cinématographique et totalement vidéoludique. Un hybride assez commun dans le jeu vidéo, et notamment la série Call of Duty.
Il nous permet de faire le lien avec la dernière hypothèse, un peu taboue : le cinéma s’inspire parfois du jeu-vidéo !
Ainsi, certaines mécaniques de gameplay sont le cœur de films, comme [Rec], [Rec]² et leur FoundFootage/FPS – notez à propos de [Rec], que le final du film est un hommage à peine masqué à l’horreur psy de Silent Hill.
Le Die & Retry est également à l’honneur dans l’excellent Edge of Tomorrow…
Bien sur, on peut opposer l’argument que ces mécaniques proviennent du cinéma, Blair Witch pour le premier, GroundHog Day pour le second… Toutefois, ces différentes mécaniques ont depuis longtemps été absorbées par le jeu vidéo. À tel point que ces influences pourtant majeures, se sont noyées dans la réinvention perpétuelle, jusqu’à rejaillir sur pellicule, transcendées. Une passionnante boucle culturelle !
Puis comme je l’indiquais à propos de l’excellent The Rover, c’est aussi parfois, une question de sensibilité.
Là encore, il ne s’agit pas d’oublier les influences de chacun, Mad Max, etc. pour David Michôd, La Route, etc. pour Last of Us…
L’intérêt de faire ce rapprochement est de trouver une clé, un moyen d’apprécier pleinement une oeuvre par ailleurs peu accessible.
Dans le cas précis de The Rover, ce sont ces personnages aux motivations nihilistes, cette ambiance post-apo précise, ou la dérive de la conscience humaine ; également, une réalisation qui mise sur l’intelligence du spectateur pour reconstituer un background au film – comme c’est actuellement le cas dans les AAA, depuis Bioshock.
Ce rapprochement plus compliqué à définir peut s’expliquer ainsi : ces auteurs ont finalement la même culture que leur public, et certains réalisateurs ont été marqués par les mêmes chef d’œuvres vidéoludiques et/ou cinématographiques que nous !
Les années 2010 sont par ailleurs une sorte d’apogée en termes de création artistique. Concernant le cinéma, peu d’auteurs réussissent à proposer quelque chose de véritablement novateur et la culture dans son ensemble, préfère renouveler des idées issues de l’inconscient collectif… La nouveauté se résume souvent à l’exploitation des évolutions technologiques plus qu’à l’originalité artistique ou même conceptuelle comme en attestent Avatar ou Gravity.
Et à ce titre, le jeu vidéo, de même que la littérature, le cinéma, le théâtre ou la musique, fait partie de l’inconscient collectif. Donc pas étonnant de retrouver du Castlevania dans Dracula Untold, ou du Max Payne dans John Wick, du Portal (visuellement, hein !) dans X-Men DOFP, du (attention, sacrilège) Uncharted dans Tintin, (et, MAJ 05/02/15, dans FURIOUS 7) Etc.
Une sorte d’ouroboros qui, à l’instar de la série TV, permettra progressivement le développement d’œuvres importantes, et par là, une vraie reconnaissance.. Enfin on l’espère.
Retrouvez également notre dossier consacré aux
adaptation fantasmées de jeux vidéo au cinéma, par de grands réalisateurs.