PAPICHA
Crédits : Jour2fête

PAPICHA, des paillettes au hijab – Critique

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Le premier long métrage de Mounia Meddour, PAPICHA, avait remporté trois Valois au Festival du Film Francophone d’Angoulême : Valois du Public, Valois du scénario et Valois de l’actrice. On vous explique ici pourquoi c’était bien mérité.

La réalisatrice Mounia Meddour, journaliste- documentariste qu’on a rencontrée aux Vendanges du 7ème art, dit avoir eu « envie d’essayer une autre forme de narration, de faire ressentir des échappées d’espoir poétiques et de rendre cette thématique d’un parcours d’émancipation et de résistance d’une jeune femme plus universelle et moins rébarbative”. Et cette première immersion fictionnelle est très réussie.

Photo du film PAPICHA
Crédits : Jour2fête

On s’attache ainsi aux pas de Nedjma, jeune étudiante issue d’un milieu populaire. Lyna Khoudri, découverte dans Les Bienheureux, lui prête brillamment ses traits. Elle a opéré “un vrai travail d’incarnation pendant trois ans en amont du tournage avec la réalisatrice sur les dialogues et les costumes”. Nedjma vit dans une cité universitaire à Alger et n’hésite pas, pour rejoindre une boîte de nuit, à braver les interdits en se faufilant la nuit à travers les mailles du grillage avec ses meilleures amies. Elle y vend ses créations aux « papichas », jolies jeunes filles algéroises et arrondit ses fins de mois. La première scène dans laquelle on la voit se maquiller et se changer avec sa meilleure amie dans un taxi clandestin compréhensif, permet de saisir d’emblée à qui on a affaire.

Enthousiaste, passionnée par la vie et la couture, Nedjma vit intensément. Et la réalisatrice a tellement bien singularisé son héroïne qu’on ne peut que la prendre tout de suite en affection. Sa force de caractère lui permet d’encourager ses amies un peu plus timides, de se moquer sans vergogne de certaines autres, de dire tout ce qu’elle pense. Certains pourraient même la qualifier de grande gueule.

Malgré certains côtés un peu trop emphatiques, Papicha se révèle un film féministe puissant et nécessaire.

Mais c’est surtout une jeune femme pour qui l’entraide et la sororité ne sont pas de vains mots. Le souci, c’est l’époque dans laquelle vit Nedjma : on est au début des années 1990 en Algérie, prémices de la fameuse décennie noire. La jeune femme vit dans la dualité des traditions qui imprègnent son pays et la modernité de la musique et de la mode occidentales.

La réalisatrice s’est amplement inspirée de sa propre vie pour raconter tout ce que Nedjma et ses amies vont devoir affronter dans cette période, surtout la privation progressive des libertés des femmes, dont les discours fondamentalistes se saisissent toujours en premier.

Photo du film PAPICHA
Crédits : Jour2fête

Mounia Meddour a elle aussi connu « la montée graduelle de l’oppression et de la violence envers les femmes, la propagande des affiches et les interventions des femmes voilées dans les chambres pour intimider et interdire de célébrer la vie, la musique, la danse, la joie, les cigarettes”. La bande-son du film, tout autant que le silence qui entoure certaines scènes fondamentales, sont un bel écrin pour les émotions ressenties.

Car PAPICHA offre au spectateur emphatique le point de vue de Nedjma, son refus de voir son pays passer de la violence insidieuse à la violence effective envers les femmes, son indignation à sentir le regard accusateur que les hommes portent sur elle et ses amies. La caméra colle au plus près de Nedjma, ne la lâche pas d’une seconde, permettant, comme en réalité virtuelle, de vivre et de ressentir tout ce qu’elle vit et ressent.

L’attachement de Ndjema à sa terre natale est très fort et le film donne à voir de très belles scènes d’une grande sensorialité, comme lorsqu’elle arrache des betteraves du sol pour en extraire du jus et teinter le haïk. Cette étoffe blanche qu’on “trouve dans toutes les armoires, et qui est un élément symbolique des années 60 de résistance, de revendication et de combat du colonialisme français”. Car c’est bien de résistance dont Ndjema va faire preuve, à l’instar de ces femmes algériennes du passé, en osant créer un défilé de mode avec des vêtements cousus dans le haïk. Malgré certains côtés un peu trop emphatiques, PAPICHA se révèle un film féministe puissant et nécessaire. Il représentera l’Algérie aux Oscar 2020.

Sylvie-Noëlle

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Titre original : Papicha
Réalisation : Mounia Meddour
Scénario : Mounia Meddour, Fadette Drouard
Acteurs principaux : Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda
Date de sortie : 9 octobre 2019
Durée : 1h45min
3.5
Puissant

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Note finale