Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?

QU’EST CE QUE J’AI FAIT POUR MÉRITER ÇA ? – Critique

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Mise en scène
8
Scénario
7
Casting
9
Photographie
7
Musique
7
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0
8
Note du rédacteur

L’histoire : Gloria a une vie pourrie. Un boulot épuisant de femme de ménage qui enchaîne une fois à la maison, avec une vie de  famille horrible. Un mari qui la traite comme de la fiente, un fils qui deale, un autre qui « découche », une belle mère pingre, des problèmes d’argent, pas de temps pour elle, pas de plaisirs… VDM.
Pourtant, ce résumé n’est qu’une apparence. Les personnages et cette histoire masquent une liberté insoupçonnée : on est chez Almodóvar !

Tout est dit dès l’intro : Il s’y passe quelque chose, de suffisamment débridé pour nous rappeler que nous sommes bien chez le réalisateur de Pepi, Luci, Bom… La différence, c’est que cet événement s’inscrit dans un lieu, résonne avec les sons et la musique, épouse le cadrage et les mouvements de caméra… Bref, cela est filmé de fort belle manière !
Dans Pepi, Luci, Bom Almodóvar posait sa caméra ou bon lui semblait, filmait en apparence sans but ni précision (ce qui se révélait inédit et extrêmement plaisant). Ici, tout est bien plus réfléchi.

Le ton est donc immédiatement donné. À la folie du précédent film se substitue un drame intense mais aussi beaucoup plus dirigiste. À la liberté de ton, succède rapidement l’auscultation autobiographique, Aux digressions, la linéarité… Comme une volonté de prouver quelque chose. Pedro Almodóvar n’est pas qu’un malin provoc, il a également des préoccupations plus profondes, des ambitions esthétiques. Tout cela se traduit par un classicisme certain, passée l’intro.
A la différence de Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier,  QU’EST-CE QUE J’AI FAIT POUR MÉRITER ÇA ? se veut plus intellectuel qu’instinctif.
Pour le mieux ? Bien sur. Mais le film perd du coup en accessibilité ce qu’il gagne en maîtrise formelle, en profondeur et en précision ; précision du jeu des acteurs, canalisation des émotions, fluidité narrative, symbolisme plus significatif, références trop personnelles, sens et portée moins immédiats.

QU’EST-CE QUE J’AI FAIT POUR MÉRITER ÇA ? raconte une histoire, celle de Gloria. Ses aventures plus ou moins spectaculaires sont systématiquement traduisibles par deux niveaux de lecture. Le film est à la fois documentaire et ultra-cynique, intellectuel et métaphoriquement sexuel (et vice-versa), cinématographique et autobiographique, etc.
L’enchaînement rapide et logique des situations permet de changer constamment de point de vue, ce qui autorise une vision presque globale de la vie Madrilène ; de l’adolescence en perdition, à la misère sociale et affective, à la débrouille du quotidien, aux aspirations de richesse…. Tout cela, teinté d’une certaine distance qui amène un peu d’humour (noir) aux situation les plus pesantes.
Idem pour les comportement des nombreux personnages, généralement imprévisibles. D’où parfois, de fortes surprises visuelles et/ou narratives qui s’impriment immédiatement comme scènes cultes !
Pedro Almodóvar
 est, cela dit, moins identifiable en tant que réalisateur, que dans Pepi, Luci, Bom… ;
Au delà de sa personnalité propre, le réalisateur semble se chercher un ton cinématographique : Intello ? Politique ? Controversable ? Esthète ? Classique ? Cette recherche heureusement, se traduit à l’image par une impression de mélange de genres, d’exhaustivité. Puis, même s’il ne s’agit que de deux trois scènes, sa personnalité éclabousse l’écran, et contribue à l’impression de perfection qui se dégage du film.
Deux-trois scènes ( l’intro, la parodie de pub…) ainsi que certains thèmes inédits – l’ « interdit » montré non pas comme tabou mais comme logique de vie (l’homosexualité, la prostitution) suffisent à rappeler qui est derrière la caméra.
Le film est donc beaucoup plus « bon élève » que Pepi… ne l’était. Un défaut à nuancer car il s’agit tout de même, d’un film d’ Almodóvar !

”Une nouvelle ode aux femmes, qui compense son léger classicisme, son coté « bon élève », par la personnalité forte d’Almodóvar.”

Carmen Maura montre quant à elle une nouvelle facette, un jeu beaucoup plus précis qu’expressif. Une passionnante actrice, à l’aise apparemment sur chaque registre émotionnel. Elle est une vraie muse pour Almodóvar, c’est évident. De manière générale, le constat s’applique à toutes les femmes du film, chacune magnifique dans son style. De la grand mère illettrée mais cultivée, radine mais douce ; à la pute magnifique et narcissique mais délicate envers tous… Les personnages féminins font preuve d’un traitement qui leur donne systématiquement un background d’une complexité psychologique passionnante. Ce qui n’est pas vraiment le cas des mâles ; machistes, narcissiques, cupides… Ces émotions personnifiées sont systématiquement doublées d’impuissance face au « sexe faible ». Almodóvar règle leur compte aux hommes lorsqu’il magnifie presque malgré lui les Femmes. C’est beau, mais également parfois trop palpable.

En bref, QU’EST-CE QUE J’AI FAIT POUR MÉRITER ÇA ? est, sur pas mal de points plus abouti que le précédent Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier.
Pedro Almodóvar nous propose un film de lui, c’est clair. Un film multi-genre, aux nombreuses qualités techniques, stimulant et intelligent… Mais qui paradoxalement, se révèle moins immédiat, trop classique.

Georgeslechameau

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Rédacteur

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Mise en scène
Scénario
Casting
Photographie
Musique
Note finale

  1. Un détail certes, mais lorsque vous dites : « De la grand mère illettrée mais CULTIVEE ». Justement non. A la question du petit-fils (Lesquels de ces écrivains appartenaient au mouvement réaliste ou romantique ?), elle se trompe systématiquement. Almodóvar semble plutôt se moquer de son esprit présomptueux !

    Plus globalement, vous semblez oublier que « Qu’est ce que j’ai fait pour mériter ça ? » est en fait le quatrième long-métrage du cinéaste manchego. Entre ce dernier et « Pepi, Lucie, Bom… » viennent s’intercaler deux films. Ce qui explique d’autant mieux l’écart de maturité entre les deux oeuvres en question.