[interview] Christophe Perie (Citizen Hero (B-Side)) + Vidéo intégrale et exclusive du court-métrage

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Voici en exclusivité et en intégralité sur Internet – pour Le Blog Du Cinéma – le court métrage Citizen Hero (B-Side), suivies des interviews de Christophe Perie, réalisateur et Aurélie Le Roc’h, actrice et co-scénariste, afin de mieux comprendre l’univers du film…


Crédit photo @ Eric Gandois – Direction artistique @ Jones.fr

On vous présente donc le dernier court métrage du réalisateur Christophe Perie, Citizen Hero (B-Side), avec Richard Keep, Aurélie Le Roc’h, Yvette Petit, Diouc Koma, Sophie Desvallons et Constantine Attia.
Le film a été écrit par Christophe Perie et Thomas Gunzig avec la participation de Jan Kounen et Aurélie Le Roc’h. Yucca Films s’est chargé de la production en association avec Sony Playstation et Shorts International.

Le pitch : Explorant la frontière fragile entre héros et anti-héros, une équipe de reporters filme la vie d’un homme paumé qui ne trouve pas d’emploi, amoureux transi d’Anna Rodriguez Pereira, la fille qui travaille au vidéo club, fils abandonné par son père et en charge d’une mère réduite à l’état végétal. Horizon noir pour ce grand gamin trop vite grandi qui se rêve en super-héros, avec pour seules références les films de Bruce Lee.


Citizen Hero (B-Side) / HD
envoyé par LeBlogDuCinema. – Regardez plus de films, séries et bandes annonces.

Interview de Chritophe Perie
Réalisateur / Scénariste

Salut Christophe. L’univers de la pub – d’où tu viens en partie – est-il semblable du monde du cinéma en termes de réalisation ? Quelles sont les principales ressemblances et différences ?
Salut Yannick. Cela dépend où tu te situe dans l’univers de la publicité et comment tu l’aborde. Lorsque tu es réalisateur, tu travaille pour une société de production dont le but est avant tout de faire un film, de raconter une histoire, de véhiculer des émotions, en cela ce n’est pas très différent du cinéma. Comment vendre le produit aux consommateurs ? Ça c’est le travail des créatifs et des commerciaux des agences de publicité, pas le miens. La principale différence c’est la source du projet. Un film de publicité est un film de commande qui ne m’appartient pas, je n’en suis pas l’auteur, et il est difficile d’y apporter quelque chose de personnel. Parfois, certains réalisateurs y arrivent, mais généralement ceux là choisissent de faire carrière dans la publicité. Moi ce n’est pas mon cas. Je privilégie mes projets de cinéma. Mais, il y a aussi d’autres cas de figures. Le vidéoclip, par exemple, est un objet plus personnel, que j’aurais plus de facilité à revendiquer car je serais l’auteur du script, même si la maison de disque et l’artiste ont leur mot à dire. Au cinéma, je suis parfois agréablement surpris de voir à quel point des metteurs en scènes parviennent à s’approprier des histoires qui ne sont pas les leurs. Quand je regarde 99F de Jan Kounen, par exemple, j’y vois son univers, sa patte, ses obsessions, et même sa quête de spiritualité, alors qu’il s’agit d’une commande.

J’imagine que ces différentes réalisations dans la pub ont su t’apporter des expériences pour celle-ci ?
Ce sont plutôt les rencontres qui m’ont apportés les meilleures expériences. Lorsque j’ai commencé à travailler dans la publicité comme directeur artistique, j’ai eu la chance de collaborer avec Rémy Belvaux. Rapidement, nous nous sommes liés d’amitié, et Rémy est devenu peu à peu mon « parrain » de cinéma. Il m’a redonné le goût de la liberté et du rire à un moment de ma vie et à une étape de mon parcours ou je me sentais triste et mélancolique car les portent ne s’ouvraient pas, j’avais du mal à trouver la lumière.

J’imagine que de travailler aux côtés de pointures comme Luc Besson, M. Night Shyamalan, Ron Howard ou Gus Van Sant fait tout d’abord rêver. Un rêve de gamin pour toi ?
J’ai eu l’opportunité de travailler comme assistant-réalisateur adjoint ou assistant-régisseur sur les plateaux de ces grands cinéastes américains. J’ai pu observer et comprendre leur façon de travailler pendant quelques semaines, et me rendre compte, tout d’abord, que nous faisons le même métier en France et aux USA, avec, il est vrai, une différence de moyens. Les cinéastes que tu cite sont tous des mecs qui abordent le cinéma d’une manière différente. Ron Howard est un très bon « faiseur », plus ou moins engagé dans les sujets qu’il traite. Il représente l’industrie du cinéma américain, Hollywood, les projets à grand spectacle, avec un peu de chance classes et intelligents, mais toujours calibrés pour un public très large, et donc relativement consensuel et politiquement correct. Tandis que Gus Van Sant et Shyamalan sont à peu près l’opposé… des indépendant plus engagé et politiquement moins correct, dont je me sens déjà un peu plus proche par la liberté. Pour Besson, j’ai travaillé comme directeur artistique sur de la publicité, mais je respecte le metteur en scène qu’il est et qui a donné beaucoup d’espoir dans les années quatre vingt et quatre vingt dix. D’une manière générale, j’aime les cinéastes qui ont une démarche sincère, quelque soit le genre de leurs films, où les moyens dont ils disposent. Pour moi, l’ambition d’un film ne se mesure pas à la hauteur de son budget, ni aux nombre de « stars » qui y sont présents, mais à son engagement vis-à-vis de son sujet, et à sa qualité artistique.


Crédit photo © Eric Gandois

Qu’as-tu retenu / appris de « Cuisine américaine », ton premier court, afin de réaliser Citizen Hero ?
Sur mon premier court-métrage, j’ai plus appris humainement que techniquement. La technique, finalement, ce n’est qu’une question d’apprentissage, et c’est peut être ce qui m’intéresse le moins dans la réalisation d’un film, bien que je sois très exigeant en matière de direction artistique et d’image. En revanche, je me suis découvert un véritable amour pour les comédiens, et un plaisir presque jouissif à les diriger et à les filmer. Construire un personnage à l’écriture du film, lui donner chair avec le comédien ou la comédienne que vous avez choisis, et le voir évoluer et grandir avec le travail des lectures, des répétitions, et lors du tournage est la plus grande satisfaction et la plus belle expérience humaine que m’a apporté mes courts-métrages. Je ne comprends pas ces cinéastes qui s’intéressent plus à la précision du mouvement de leur caméra qu’à la qualité du jeu de leurs comédiens et de l’émotion qui va s’en dégager à l’image.

Pourquoi ce titre de Citizen Hero au juste ? Hommage à Citizen Kane ou j’ai tout faux ? Car il y a également une narration tout au long du film ainsi que des flashbacks.
Oui, il y a un peu de ça. Je souhaitais un titre court, en deux mots, comme pour mon premier court-métrage. Mon personnage avait une double facette : citoyen lambda le jour et héro déluré la nuit, et comme il y avait un affiche de « Citizen Kane » à côté de mon bureau, à la maison, j’ai décidé de l’appeler « Citizen Hero ». Ca serait très prétentieux de ma part de déclarer que mon film est un hommage à celui d’Orson Welles, mais disons que je l’avais en tête lorsque j’écrivais. A chaque fois que j’écris j’ai toujours beaucoup de références de films, de scènes, de dialogues, et d’ambiances dans la tête, que je digère petit à petit en me les réappropriant. Et, finalement je personnalise tellement ces influences qu’elles ne finissent plus qu’à être de vague toiles de fonds parfois indécelables dans mes films.

Comment s’est passée la rencontre avec Jan Kounen et qu’a-t-il apporté à la construction de Citizen Hero ?
Dès lors qu’il avait accepté d’être le parrain de « Citizen Hero », Jan m’a dit qu’il ne serait présent qu’à l’écriture du film, et au montage. Il ne souhaitait pas intervenir dans les autres phases de la fabrication du film, et je l’en remercie. C’était une façon pour lui de dire aux gens de Sony Playstation -qui au départ préconisaient une plus grande implication du parrain dans le processus artistique et technique- que c’était MON film, et que je devais le faire tel que j’en avais envie. C’est aussi la meilleure façon d’apprendre et de tirer une leçon de ses erreurs. Je pense que c’est ça le travail d’un bon producteur exécutif, il va vous dire « fait attention à ceci », « fait attention à cela », mais « c’est ton film, c’est toi qui prend la décision finale. »


Crédit photo © Eric Gandois

Le choix du casting s’est fait naturellement ? Pourquoi Aurélie Le Roc’h par exemple ?
C’est le personnage de Stéphane -le héro- qui nous a posé le plus de problèmes. J’ai vu beaucoup de comédiens pour le rôle. Il y en avait des très connus, certains ont refusés à cause d’une scène du film que je ne voulais pas retirer du scénario, il la jugeait choquante, ou nonsensique par rapport au personnage et à l’histoire. Moi je pensais tout le contraire. D’autres comédiens ont acceptés, mais n’ont pas pu honorer leur engagement pour des raisons professionnelles ou personnelles. En tout cas je les remercie pour ce qu’ils ont apportés au personnage, et pour le temps et l’implication qu’ils ont donnés au film. Et puis, l’un des producteurs du film, Sylvain N’Guyen, m’a appelé un jour et m’a dit qu’il y avait ce comédien anglais, Richard Keep, qu’il connaissait, et que ça serait peut être intéressant de le rencontrer. J’ai appelé Richard et lui ai demandé de m’envoyer des photos de lui. Lorsque je les aie reçu, j’ai été séduit, bien que son type physique ne correspondait pas du tout à ce que j’avais en tête jusque là. Je l’ai rappelé et nous nous sommes fixés un rendez-vous à Paris dans l’heure. Nous avons discuté, autour d’un verre, pendant deux heures, et je dois dire que l’homme m’avait convaincu. Il m’a raconté sa vie, son passé, ses douleurs, ses joies, et il était très proche du personnage. J’ai alors passé un coup de fil à Meriem Amari, la directrice de casting du film. Elle faisait justement passer un casting à deux pas du café ou nous étions avec Richard, et m’a dit qu’elle pouvait nous organiser un petit essai improvisé. Le pauvre Richard devrait passer un bout d’essai pour le rôle alors qu’il venait à peine de découvrir le scénario du film et le personnage. Je lui ai donné deux scènes à préparer en une demi-heure, en lui précisant que s’il n’avait pas le texte sur le bout des doigts ce n’était pas grave, car l’on pourrait improviser. Lorsqu’il a passé les deux scènes il nous a fait rire et il nous a émus. J’avais trouvé mon acteur. Le reste du casting n’a pas été très compliqué, ça s’est joué plus sur les rencontres humaines et que sur des essais, je connaissais déjà le travail de certains comédiens et je savais que je pouvais leur faire confiance.
Pour Aurélie Le Roc’h, c’est un autre cas de figure. Nous nous étions rencontrés un an auparavant et malgré qu’elle n’avait encore jamais interprété un premier rôle au cinéma, elle avait déjà beaucoup d’expérience dans le jeu, et j’étais certains qu’elle serait la bonne comédienne pour ce personnage. Aurélie est une femme de caractère, une vraie femme espagnole dans l’âme et dans le sang, elle me fait penser aux personnages féminins d’Almodovar. Cette comédienne a un potentiel de jeu et d’émotion très fort, je trouve qu’elle aborde ses personnages de manière intelligente et subtile, et ce qu’il y a de formidable avec elle c’est qu’elle vous donne toujours plus que vous n’en avez besoin, du coup il suffit de lui demander de lever un peu le pied pour obtenir l’émotion juste. Je ne comprends pas que les réalisateurs de cinéma et directeur de casting ne l’aient pas encore révélé au grand public. Nous avons un projet de long métrage en commun, et j’espère que ça sera l’occasion pour le public de la découvrir.

Combien de temps a duré le tournage ? A-t’il été éprouvant ou difficile ?
Nous avons tournés pendant quatre jours intenses, sans pratiquement jamais avoir dépassé l’horaire de fin de journée prévue à chaque fois. Je tiens beaucoup au respect des horaires et du temps imparti de travail. Ce fût également le cas sur mon premier court-métrage. Tout d’abord il faut dire que le tournage de « Citizen Hero » a été très ludique et drôle. Nous nous sommes beaucoup amusés, car à mesure que l’on tournait les scènes, j’essayais toujours d’y apporter une touche d’humour, de burlesque, et de décalage qui n’était pas toujours présent au scénario que l’on avait coécrit avec Thomas Gunzig, avec la participation d’Aurélie Le Roc’h et de Jan Kounen. Les acteurs, et en particulier, Richard et Aurélie ont acceptés de me suivre dans cette direction qui aurait pu leur paraître un peu déroutant, et je les en remercie. Le côté éprouvant d’un tournage comme celui de « Citizen Hero » c’est que l’on n’a jamais les moyens d’aller au bout de ses idées comme on les envisage au départ (le budget du film est assez modeste), et donc il faut en permanence trouver des solutions, et des idées alternatives qui fonctionnent, qui vont dans le sens du film, et qui ne coûtent pas cher. Moi, quand j’écris et quand je me fais le film dans la tête, je pars toujours des idées les plus démesurés pour revenir sur Terre au fur et à mesure du processus de création. J’aime aussi que mes collaborateurs, artistiques et techniques, me proposent beaucoup d’idées, même si l’on sait par avance que l’on en gardera qu’une, peut-être deux. Ma pensée créative, c’est ma liberté, on ne pourra pas me l’enlever.


Crédit photo © Eric Gandois

Le film fait référence à un seul et unique héros : Bruce Lee. Pourquoi lui ?
C’est un élément important de mon enfance. C’était mon héros. Il m’a donné envie de faire des arts-martiaux, jusqu’à ce que je comprenne que je n’avais ni ses capacités, ni son endurance physique ! (rires), j’ai alors abandonné l’idée de faire carrière dans les arts-martiaux et j’ai compris que c’est le héro de cinéma que j’aimais, pas l’homme, car je ne connaissais presque rien de lui, à part ce que je pouvais lire dans des revues spécialisées. C’est peut-être là que j’ai commencé à désacraliser mes héros et que j’ai pris mon envol. Je me suis débarrassé du père spirituel … On à tous besoin d’un héro, d’un modèle qui nous permet d’y croire, mais il faut s’avoir lui lâcher la main pour grandir et évoluer seul.

On peut voir des extraits de films de Jan Kounen dans le film, comme Vibroboy ou son documentaire Other Worlds. Un genre de remerciement sous forme de clin d’oeil ?
Tout à fait. D’abord ce sont des films qui comptent pour moi, Vibroboy était un objet non identifié qui s’est posé dans l’univers du court métrage en 1995 et qui a ouvert la voie, et Other Worlds est le témoignage courageux d’un homme qui veut atteindre une autre spiritualité. Car il fallait le faire un documentaire à travers lequel on se révèle de façon si personnelle quand on est un cinéaste reconnu et que l’on s’appelle Jan Kounen. Ce n’est pas comme si il avait fait un documentaire sur la fabrication du Kouign Amann breton par exemple ! Il a pris un risque, et cela m’a plu.

On sent Stéphane, le personnage principal, totalement désorienté, voire à la frontière de l’état psychotique. Cela a-t’il été difficile de retranscrire ce genre de caractères ?
Pour moi ce n’était pas difficile car c’était dans ma tête, et parce que le personnage porte des souffrances et des douleurs qui ont étés les miennes à une époque passé. Le plus difficile c’était de transmettre cet état à Richard, jusque dans les moindres détails de son comportement physique, et nous avons passé des heures à en discuter. Cela devait transpirer dans son jeu et à l’image. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui m’a poussé à filmer la plupart des scènes caméra à l’épaule, car c’est un mode de tournage peu contraignant pour les acteurs, cela leur permet une plus grande liberté d’interprétation. Réussir à interpréter un tel personnage pour un acteur dépend aussi beaucoup des partenaires de jeu que vous mettez en face de lui. Sans Aurélie Le Roc’h, Yvette Petit, Diouc Koma, ou encore Sophie Desvallons, Richard n’aurait pas été aussi convaincant dans le rôle.


Crédit photo © Eric Gandois

Cela montre aussi un peu la réalité de certaines personnes dans le monde réel. J’imagine que des tas de gens sont plus ou moins désorientées et surtout totalement perdus quant à l’avenir de leur vie.
En tout cas c’était ma réalité, et comme le personnage, je me suis réfugié dans l’univers de la fiction, dans les salles de cinéma, dans les films en vidéo que l’on passait des soirées et des week-ends entiers à regarder avec mon frère Laurent. Ma vocation est née de ces moments là. Je me suis d’abord identifié aux héros des films, aux histoires, et puis lorsque j’ai compris comment ces films étaient fabriqués, que j’ai pénétrer dans les coulisses, je m’y suis sentie bien, et je n’ai pas voulu repartir. Lorsque nous avons projeté le film pour la première fois en salles, beaucoup de personnes, d’âges et d’origines totalement différentes, sont venus me voir et m’ont dit qu’elles avaient été très touchées par le film. Mon plus beau souvenir, c’est une dame âgée qui est sortie de la salle et m’a dit qu’elle avait pleuré.

En fait, c’est l’histoire d’un super héros qui souhaite tout bien faire mais qui fait tout mal ou maladroitement ? Jusqu’au moment où – dans la scène de la boîte de nuit – il se rend compte qu’il est en fait un humain et non un héros.
Oui, c’est l’histoire d’un homme en quête d’identité et d’amour, qui se prend pour un super héro, mais qui ne l’est pas.

Pour quoi une version B du film ?
Le film existe en deux versions. La version A est un film de commande, fait à la hâte, dans des délais imposées par Sony Playstation mais impossible à tenir. Sa narration est beaucoup plus linéaire que celle de la version B, et cela ne me convenait pas. Le film, dans sa version A, avait perdu son caractère atypique que Jan Kounen qualifie par « objet non-identifié » sur l’affiche du film. « Citizen Hero » était un film très difficile à monter pour moi. Lors de la première phase de postproduction, je n’arrivais pas à lui donner la forme que je souhaitais, c’était assez confus dans ma tête, car je n’avais pas eu le temps de prendre du recul sur ce que j’avais tourné et sur les émotions que j’avais exprimé. Nous avons tout de même terminé le film pour Sony. Deux mois plus tard, j’ai décidé de reprendre le flambeau et de faire ma version de « Citizen Hero », la ‘B-side’, celle que j’avais dans la tête, ou en tout cas de m’en rapprocher le plus possible. J’ai alors travaillé avec une nouvelle équipe de postproduction, et surtout avec un formidable monteur, Frédéric Baudet. Cette nouvelle postproduction m’a aussi permis de découvrir des artistes que je connaissais peu, mais à qui j’avais décidé de faire appel, Olivier Manganelli et Thomas Soymié au design son, Fabrice Smadja et Pascal Ebony qui ont composé la musique du générique de fin. Ce sont des gens talentueux avec qui j’ai envie de retravailler à l’avenir.

Si je peux me permettre, qui est cette Lili à qui tu dédies – « A Lili avec amour » – ce film en début de générique de fin ?
A vous de deviner.

Interview de Aurélie Le Roc’h
Actrice / Co-scénariste

Bonjour Aurélie. Tu es issue de plusieurs mondes : théâtre, danse, publicité, télévision, cinéma. Qu’est-ce qui t’a donné envie dans le projet de Christophe ?
Oui, petite précision au sujet des multiples univers que j’ai traversé : j’ai voulu sortie de ma licence de philosophie option cinéma et de mes trois années de cours d’art dramatique voir l’étendu du métier de comédien. En effet on ne peut pas se rendre compte à quel point cette capacité à jouer ouvre les possibles. Entre un travail de plateau de cinéma, de clip, de pub, de théâtre contemporain, classique ou itinérant, clown, masque etc.…il y a de grandes différences. Cette première phase a té pour moi très enrichissante, formatrice et passionnante, avec toutes les galères que ça comporte…qui m’ont énormément servies. Tu fais des erreurs de débutant que tu ne refais pas ensuite, tu trouve aussi ton univers. Je me suis petit à petit rapprochée des réalisateurs et des metteurs en scène de théâtre qui me correspondent : des directeurs d’acteur hors paire, indépendants, à l’humour décalé, et travaillant avec jubilation le sens ou l’absurde comme la forme. Des auteurs de théâtre ou de cinéma singuliers, non-formatés, allumés de l’intérieur, qui n’ont pas froid aux yeux. Des gens qui ont un vrai univers et des choses à dire, c’est ça qui m’intéresse. Je ne suis pas contre le divertissement au contraire, il n’y a aucune contradiction entre le cinéma d’auteur et le divertissement, le divertissement c’est la cerise sur le gâteau, la main tendue au spectateur pour qu’il vienne prendre du plaisir avec nous. Et tout ça Christophe Perie l’a. Son scenario, écrit avec la collaboration du belge Thomas Gunzig était déjà très attirant (un super-héro de banlieue qui n’arrive pas à sortir ses super-pouvoirs) mais Christophe en a fait quelque chose de très personnel, c’est courageux, j’aime ça. Au sujet de la fin, je n’étais pas emballée, j’ai donc proposé des alternatives qui ont été retenue. Jan Kounen lui a su conseillé Christophe sans dénaturer la singularité de son univers. On l’en remercie. J’ai été aussi beaucoup touchée par le rôle qu’on m’a offert : une fille perdue entre un amour violent, destructeur pour caïd indifférent très mâle (l’excellent Diouc Koma) et notre super-héro féminin-looser (Richard Keep). Et puis ça a été un honneur de bosser aux côtés d’Yvette petit, qui a elle-même travaillé avec Michel Gondry, Claude Berri…


Crédit photo © Eric Gandois

Toi aussi, tu as pu te mettre « derrière la caméra » si je puis dire avec la réalisation et la mise en scène d’une pièce de théâtre, « Soleil Noir ». Est-ce différent d’une réalisation cinématographique ?
Bien sur toute la technique optique, lumière etc. est différente, mais ce n’est pas si différent. Le point commun c’est qu’il faut tenir les rennes, toujours, border ou choquer sa voile, mais jamais quitter le navire, fédérer le groupe, rassurer les anxieux, ne pas laisser transparaître son angoisse, c’est un rôle très dur à tenir mais Christophe Perie est fait pour ça. Sa constance, son endurance sont telles qu’on ne sait plus trop ce qu’il se passe en lui, alors on peut se reposer sur son regard, la confiance est instantanée. C’est une main de fer dans un gant de velours. Pour ma part j’ai beaucoup souffert en mise en scène, à mon petit niveau, « Soleil noir » était un montage de texte de Marguerite Duras, C.Baudelaire, le philosophe Jankelevitch, A.Rimbaud, A.Cesaire, et C.Di Sanzio, Prévert. Un plaidoyer en faveur de la différence, une critique de la peur de l’altérité (une comédienne sourde Kheira Lamada jouait son propre rôle, il y avait aussi des rôles de prostituée, auteur, autiste, réfugié politique bref un grand cri de guerre). Ce qui était difficile c’était de tenir en haleine, de préserver la flamme…elle ne s’est pas éteinte. Ces difficultés me permettent d’imaginer mieux ce que le metteur en scène vit, je lui fous la paix, je fais mon travail très en amont pour être une comédienne très indépendante, avec une force de proposition maximale. Je n’attends plus qu’on me donne à manger dans le jeu. Mais comme Christophe est très à l’écoute des comédiens, et qu’il donne beaucoup, j’ai pris le « plus » qu’il m’a donné…et pour Citizen Hero, le plus était le moins, une simplicité, un naturel que je veux continuer d’explorer.

Pour parler actu, tu apparais dans le prochain film de Jan Kounen (encore lui), « Chanel & Stravinski », qui sort sur nos écrans le 6 janvier 2010. Comment est ce dernier sur un plateau de tournage ?
Au-delà d’être l’un des meilleurs voire le meilleur technicien français, Jan Kounen est un très bon directeur d’acteur. J’ai trouvé qu’iI avait une approche instinctive du jeu, il transmet aussi dans ses silences, par ses yeux incroyables. Je n’ai pas eu à trop demander ce qu’il y avait à faire, le simple fait de me sentir en confiance suffisait. On ne peut pas prendre de haut un créateur comme lui, on se laisse guider en silence et le reste suit. J’ai pu observer aussi qu’il ne laissait personne sur le côté, il a dirigé 400 figurants au théâtre des Champs-Élysées avec beaucoup de passion. Sa voix claire résonnait dans le théâtre, il s’adressait à tous. Sur son plateau chacun se sentait concerné. Tout le monde donnait le meilleur. Pour les plans rapprochés j’ai été impressionnée par son degré de concentration, il voit tout, entend tout, sait revenir sur son axe avec douceur, rien ne lui résiste, il ne lâche rien. Et puis, il cadre, ce qui est relativement rare, il y a donc un tête à tête fluide dans les regards caméra notamment, sans prise de pouvoir, on sent tout de suite ce qu’il cadre et le placement de sa caméra est déjà une direction d’acteur. J’ai pris beaucoup de plaisir à lâcher prise. On pourrait croire qu’il faut amener beaucoup de technique, moi j’ai eu envie de me mettre en écoute, et les émotions sont venues d’elles-mêmes, il y a une belle magie la dedans, c’est ce qu’il a à l’intérieur, sa détente, son fluide, sa confiance, sa bienveillance qui agit sur l’acteur.


Crédit photo © Eric Gandois

Tu es co-scénariste de Citizen Hero, en plus d’y être comédienne. Comment alliez-tu les deux casquettes ?
J’ai travaillé en deux temps. Dans la phase d’écriture je me suis concentrée sur la philosophie générale du script notamment la fin, je n’ai pas écrit les dialogues. J’ai joué un rôle d’écoute, de conseil. Puis j’ai fait un break pour couper avec l’écriture. J’ai pris quelques jours pour aborder le rôle d’Anna Pereira Rodriguez. On avait des points communs, une sensibilité particulière, des expériences communes. Mais elle était plus liée à mon passé qu’à mon présent. J’ai donc travaillé à « l’américaine ». Le côté latin m’est venu après, j’ai tenté de puiser en moi ce qu’il y a de latin, j’ai fait ressortir le gros caractère d’Anna et en dessous la fragilité est remontée jusqu’à déborder sur le gros caractère. J’aime les filles de banlieue comme ça, qui se blindent pour résister au milieu et qui parfois pleurent sans même se rendre compte que les larmes coulent. Leur fragilité se sent à 4000 mètres à la ronde et plus elles se blindent, plus ça se voit. Une armature de guerrière sur une plaie béante. Lors du tournage la phase d’écriture m’est sortie de la tête, il n’y avait plus que le plaisir infini de jouer et d’apprendre.


Crédit photo © Eric Gandois

On peut voir une certaine Kamille Le Roc’h dans le générique de fin en tant que « Second Assistant Camera ». Un lien de famille j’imagine ?
Une précision concernant Kamille Le Roc’h, mon frère est un homme. Il a participé au film mais je n’y suis pour rien. C’est Christophe qui lui a proposé de travailler sur le film. Graphiste de formation Kamille est passionné par l’image. Il termine sa formation à L’Esra en section Image, parallèlement, il enchaîne les stages et les plateaux. Il m’a étonné d’ailleurs sur Citizen Hero. On l’a tous vu, précis, sur le coup, déroulant les câbles avec ses jambes de girafes et sa rapidité de Speedy Gonzales. Au-delà de l’affection que je lui porte et qui ne nous concerne pas ici, Kamille a su s’adapter avec professionnalisme et humour, confiance et humilité. Sur tous les plateaux j’observe le travail des techniciens. C’est fascinant de voir évoluer les techniciens consciencieux, investis, convaincus que le cinéma reste un des plus beau vecteur d’ouverture. Un plateau c’est un collectif, chacun est indispensable et les bons techniciens sont pour beaucoup dans la réussite du projet. Il arrive que les techniciens ne se sentent pas concernés par le projet en cours pour des raisons artistiques ou autre mais là, ils faisaient corps avec nous, c’est une vision que je trouve très saine, cet équipage.

Propos recueillis par Yannick

Voici les contacts de Christophe Perie et Aurélie Le Roc’h :

[email protected]www.facebook.com/periechristophe
[email protected]

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Christophe Perie
Christophe Perie
Invité.e
3 septembre 2009 15 h 51 min

Merci Wesley pour ton beau commentaire ;)
Malheureusement ce n’est pas moi qui ai réalisé les pub Free!

Le premier long métrage est sur les rails… il y a des projets en développement, dans des univers tout aussi délirants, et avec des histoires -j’espère- incroyable. Yannick sera le premier au courant quand il sera temps d’officialiser.

Amicalement.

Yannick
Yannick
Invité.e
Répondre à  Christophe Perie
3 septembre 2009 15 h 55 min

Merci à toi Christophe pour ta confiance et nous avoir permis cette première exclu qui en comprendra beaucoup d’autres je l’espère !
A savoir que Wesley fait également parti de la rédaction du blog ! ;-)

Wesley
Wesley
Invité.e
3 septembre 2009 14 h 20 min

Tout simplement délirant !

Un univers décalé pleinement assumé, une très belle luminosité, cette histoire de looser, qui me fait bizarrement penser à celui des publicités de Free, est succulente.

Dommage que la fin pointe le bout de son nez beaucoup trop rapidement (mais bon il s’agit d’un court-métrage ne l’oublions pas).

A quand un premier long-métrage monsieur Perie ?

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