C’est l’été, et quoi qu’on fasse, quel que soit le temps, l’actu ou les résultats des J.O., l’occasion est toujours bonne pour aller au cinéma, surtout quand des bons films ressortent comme ça, sans prévenir. Et en ce moment, alors que la première bande annonce du troisième opus a été dévoilée récemment, c’est le cas avec deux films parmi ce qui a été fait de mieux dans le genre dernièrement : PADDINGTON et PADDINGTON 2. Le premier étant visible jusqu’au mardi 6 août, et le second à partir du mercredi 7 août.
Londres. Gare de Paddington. 20h30 environ. L’endroit est vide. Un petit ours attend, le regard triste, assit sous un panneau indiquant: Lost. Puis un train arrive. Au milieu des gens qui sortent, une famille passe devant l‘ours qui les salue avec son chapeau. Le père, méfiant et un peu trop protecteur, pousse sa famille vers la sortie. Mais la mère, touchée, s’approche de l’ours et tombe sous le charme de ce petit être qui cherche un foyer. Au-dessus, le panneau lumineux se complète en laissant désormais afficher: Lost & Found.
Londres et marmelade
En 2014, sortait sur les écrans la transposition d’un univers british très populaire chez nos amis anglais : les aventures de l’Ours Paddington. Paddington Bear a été créé par l’auteur anglais Michael Bond (rien à voir avec l’agent secret) et imaginé selon ses dires un soir de Noël 1956 ou le monsieur passa devant une devanture de magasin dans laquelle se trouvait un ours en peluche seul. Touché par le jouet solitaire, Bond l’offrit à sa femme, et aurait imaginé le contexte de l’univers de son personnage en lien avec le statut d’enfants juifs réfugiés pendant la Seconde Guerre Mondiale et d’enfants londoniens qu’on évacuait vers la campagne pour échapper aux bombardements : « Ils avaient tous une étiquette autour de leur cou avec leurs noms et leurs adresses, et une petite valise ou un bagage contenant leurs biens les plus précieux. Donc Paddington, en un sens, était un réfugié, et j’estime qu’il n’y a pas de spectacle plus triste que celui d’un réfugié ». Et si, rassurez-vous, les films sont d’une grande légèreté et conçu pour un public jeune (mais pas que), c’est avec une vision réellement tendre portée sur l’enfance que naquit un univers à la délicatesse et à l’élégance rare pour le genre. Car, à la base livre pour enfants, l’ours est venu poser ses pattes sur d’autres supports (jusqu’à bien sûr envahir les étalages de magasins sous forme de peluche) et après multitudes de dessins animés, a investi le grand écran. Pour une qualité qu’on attendait pas.
Et c’est un inconnu à l’époque qui, après avoir fait ses armes à la télévision, se charge du premier long consacré à l’ours péruvien en 2014: Paul King avec donc PADDINGTON. Suivant les aventures d’un ours débarquant à Londres depuis le Pérou après la perte de son foyer (son nom vient de la gare éponyme, à côté de laquelle vivaient l’auteur et sa femme), le film explore le sous-genre du film familial avec un style qui lui est propre en ne ménageant jamais ses efforts. Mélange d’animation (bluffante) et d’action live, les deux PADDINGTON sont en effet à l’opposé de ce que sont souvent ce genre de productions destinées à nos chères têtes blondes : intelligents, réellement drôles, fins et touchants. Dès les premières secondes et sa séquences en noir et blanc et format 4/3, King déploie tout un savoir-faire et un goût certain pour proposer des aventures à la direction artistique inspirée de bout en bout, que ce soit par l’image, le son, le montage ou le jeu d’acteur, chaque séquence se montre imparable et très agréable à suivre. Et si les thématiques sont assez classiques, la mise en scène pour donner vie à ces belles histoires est toujours exigeante et élégante. Les idées visuelles (le côté maladroit de l’ours est particulièrement bien utilisé et son corps souvent source de gag), sonores (la scène où Paddington marche au son de I Feel Good dans le métro) de montage (la blague sur l’orphelinat) ou narratives se multiplient et offrent un spectacle constamment inventif, au milieu d’un Londres plein de charme sous la caméra du futur réalisateur de Wonka.
Inventivité et acteurs délicieux
Inspirés notamment de Pixar bien sûr, mais aussi de Mister Bean, du Kid de Chaplin (1921) ou encore de Mr. Smith au Sénat (F. Capra, 1940) et produit par David Heyman, l’homme derrière les Harry Potter, la saga Paddington constitue un authentique et très joli voyage haut en couleurs. Ils sont aussi l’occasion pour King et son co-scénariste Simon Farnaby (également acteur) d’explorer les habituelles thématiques du genre sous un regard nouveau, le tout étant emmené par la maladresse pas possible de l’ours cherchant une famille et un foyer, le charme du personnage emportant tout avec lui. A l’image d’une magnifique séquence tout en image de synthèse dans laquelle on plonge directement dans un livre pop up (que King voulait dès le premier film mais sans succès faute de budget), les PADDINGTON prouvent qu’il est possible de faire des films « enfantins » mais avec élégance et sans prendre son public pour un idiot – contrairement, par exemple à la sympathique (et impeccable d’un point de vue technique certes) mais fainéante saga Moi, Moche et Méchant avec son quatrième opus actuellement en salles, qui continue de « proposer » des histoires vraiment très simplistes, pour ne pas dire poussives.
Les films peuvent en plus se reposer sur leurs brochettes d’acteurs impeccables, que ce soit Ben Wishaw pour Paddington (Guillaume Galienne chez nous), les immenses Nicole Kidman, Hugh Grant ou encore la trogne impayable de Brendan Gleeson. Et, les comédiens étant très bien castés et dirigés, c’est aussi l’occasion de profiter de visages (souvent anglais et vu par exemple dans la saga Harry Potter) moins connus du très grand publics mais tout aussi talentueux et irrésistibles tels Sally Hawkins, Julie Waters, Hugh Bonneville, Jim Broadbent et même Einstein en personne (Tom Conti dans Oppenheimer).
Bref, en attendant la sortie du troisième film, PADDINGTON AU PÉROU (qui ne sera cette fois pas réalisé par King mais Dougal Wilson dont c’est le premier long) prévu pour début 2025, et alors que Michael Bond nous a malheureusement quitté en 2017 à l’âge de 91 ans, l’occasion est toute trouvée pour profiter des mésaventures de l’ours londonien sur grand écran. Elégance, joie et marmelade.