Photo du film AFTER LIFE
Crédits : D.R.

AFTER LIFE, l’importance de la mémoire | Analyse

Il fut un temps – chez Hirokazu Kore-eda – où les enfants n’étaient pas le sujet principal et laissaient place à une douce mélancolie sur les thèmes de la mort et du deuil. Et même si certaines passerelles se sont créées entre les deux – Still Walking ou Nobody Knows – il faut remonter dans une filmographie encore naissante pour trouver AFTER LIFE, où des personnages doivent choisir le souvenir qu’ils emporteront dans leur repos éternel.

Il suffit d’un seul plan pour expliquer ce contexte. Un surcadrage – jouant sur une porte extérieure – d’où sortent des personnages d’une lueur blanche sous un son de cloche. C’est une (re)naissance pour les personnages qui ont l’opportunité de se (re)mémorer leur vie, leur passé. Ce qu’ils font, enfermés dans une petite pièce avec un ou deux employés du lieu. Il ne reste alors que l’échange avec l’autre pour les caractériser, dans une succession de portraits.

Certaines différences entre les uns et les autres sont immanquables – d’un écart d’âge à un choix de vêtement –, tandis que d’autres subsistent par des détails – la voix, le geste. La vieille femme silencieuse et le sexagénaire agité et bavard, réunis par le dispositif et ce besoin de choisir un souvenir parmi tant d’instants innocents – seuls ou accompagnés –, apparaissent ainsi dans leur pleine unicité, comme ils sont. Inclus dans le procédé, on compatit à ces confessions. Chaque conversation devenant une histoire à part entière.

Il est intéressant de constater rétrospectivement que l’abstraction ici à l’œuvre annonce d’une certaine manière l’approche future de Kore-eda (L’innocence, Les bonnes étoiles), à la fois proche de la nature et de l’humain, donc de la réalité. Il tend même ici au documentaire : plans fixes, serrés sur les corps, qui rappellent un format d’entretien, un simple échange face caméra. On en vient à s’imaginer dans la même salle pour se poser la question : quel est le souvenir que j’emporterai avec moi ?

En se plaçant du point de vue des défunts, il encourage ces derniers à (re)penser chaque moment de leur vie pour mieux comprendre ce qu’ils ont vécu. L’idée est rendue palpable par des cassettes vidéo qu’un homme visionne sur une télévision. Il devient ainsi spectateur de sa propre vie et constate, impuissant, ses erreurs. Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il (re)découvre un souvenir, avec sa femme. C’est par une discussion sur un hobby commun – le cinéma – qu’ils se (re)connectent. Une direction aussi prise par le film, qui décide dans sa dernière partie de faire ce lien entre mémoire et cinéma, en rendant inoubliables les moments les plus importants d’une vie.

C’est en invitant les personnages à être les propres créateurs et acteurs des films de leur vie que la mise en scène de Kore-eda gagne en humanité, en vitalité. La caméra est plus mobile, se rapproche des uns et des autres en resserrant le cadre sur eux pour saisir, sur le vif, des émotions nouvelles. L’émerveillement, la joie se dévoilent sur ces visages. Entre les réminiscences d’un pique-nique dans une forêt et celles d’une danse enfantine, nous avons le temps de comprendre l’importance de leurs choix dans ces moments. La simple (re)production d’une scène devient un moment de partage et de transmission avec les employés du lieu. C’est ensuite unis, dans une salle de projection en regardant leur souvenir, que les personnages s’en vont et que le cours de la “vie” reprend, avec une dernière scène semblable à la première où des employés accueillent les nouveaux défunts.

Julien CSAK

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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