Avec Fast And Furious 9, le réalisateur Justin Lin revient sur l’histoire de la franchise. Mais comment a-t-elle pu évoluer d’un simple vol de lecteurs DVD à un voyage dans l’espace ?
Après plusieurs années d’attente, le neuvième volet de la saga FAST AND FURIOUS est enfin sorti en salles. Mais pour bien en savourer l’atmosphère, il est nécessaire de revenir au tout premier film : Fast And Furious de Rob Cohen. Lors d’un aveu à Brian (Paul Walker), Dom (Vin Diesel) confie avoir commencé à faire des courses de rue illégales après avoir été banni des compétitions officielles lors desquelles il a presque tué l’homme qui avait causé l’accident de son père. À l’époque, cette histoire semblait principalement servir à nourrir la complicité qui se développait entre les deux héros. Pourtant, Justin Lin, le réalisateur, n’a pas oublié ce passage et en fait le cœur de ce neuvième volet, démontrant encore une fois la richesse de cet univers construit il y a plus de vingt ans.
Depuis 2001, les cinéastes qui se sont succédés derrière la caméra des différents FAST AND FURIOUS ont réussi à construire un Univers cinématographique dont le public se soucie réellement. Si les essais pour trouver la recette FAST AND FURIOUS ont été nombreux, chaque film a permis d’apporter un ingrédient indispensable. Ainsi, la bromance et la représentation complexe des personnages masculins sont déjà présents dans le premier volet (Fast and Furious, 2001). Même si ses dialogues sont limités, Dom incarne à lui seul un exemple de masculinité positive, assez rare dans le milieu automobile. Pourtant, c’est Brian qui sera mis à l’honneur de 2 Fast 2 Furious (2003) pour un résultat à double tranchant.
D’un côté, le film John Singleton définit la recette qui va assurer le succès de la saga : les cascades incroyables en voitures. Mais d’un autre côté, le long-métrage a aussi montré que seul, Paul Walker n’arriverait pas à être le leader de cette franchise. Avec Fast and Furious : Tokyo Drift, Justin Lin plonge dans les gouffres des cascades automobiles en oubliant au passage ces personnages. Plus de quinze ans après, le public essaie toujours de se souvenir du prénom du héros de ce troisième volet en se demandant pourquoi Han (Sung Kang) n’en était pas le personnage principal. Toujours devant la caméra de Justin Lin, le quatrième et le cinquième volet de la franchise vont enfin mettre en place la recette de la saga : des courses poursuites et des cascades automobiles, des personnages simples mais assez attachants pour qu’on les fasse revenir d’entre les morts et de l’impossible.
En cherchant à repousser les limites de l’inimaginable, les réalisateurs se sont essayés à différents genres allant de la course de voitures aux films de cambriolage en passant par des épopées héroïques à la Mission Impossible. Cette comparaison n’est pas innocente car les long-métrages de la franchise ont eux-aussi des personnages qui se font tirer dessus mais continuent d’avancer ainsi que des gadgets plutôt étranges qui n’existent pas (Fast and Furious : Hobbs and Shaw repoussant les limites de la technologie). Mais aussi, à l’instar d’Ethan Hunt qui ne sacrifie jamais la vie d’une personne pour en sauver des millions (c’est d’ailleurs le reproche qui lui sera fait tout au long du sixième opus), Dominic Toretto ne laisse personne toucher à sa famille.
Pourtant, cette famille est assez dysfonctionnelle. Et ce, dès le premier opus. D’ailleurs, le premier long-métrage installe une réflexion qui persiste jusque dans F8 and the Furious et qui pourrait se résumer à la question : comment est-il possible d’avoir des personnages féminins aussi forts tout en faisant des films résolument sexistes ? Cela peut sembler aberrant, mais F9 est le premier film de la franchise a avoir des scènes entre Letty (Michelle Rodriguez) et Mia (Jordana Brewster). Jusqu’à présent, ces deux personnages principaux féminins n’avaient jamais eu d’interactions à l’écran. Les actrice sont apparues dans des scènes en groupe mais n’ont jamais eu de scènes toutes les deux. Un bel exemple de l’échec que la franchise FAST AND FURIOUS récolterait si elle tentait de passer le test de Bechdel.
La disparition de la misogynie des films était d’ailleurs l’une des conditions du retour de Michelle Rodriguez pour ce dernier volet. Dans les pages du Hollywood Reporter, l’actrice a expliqué avoir demandé à ce qu’une autrice soit ajoutée à l’équipe après avoir vu les personnages masculins gagner en profondeur ces dernières années tandis que les personnages féminins ont stagné. Si F9 n’est pas encore au niveau du féminisme de Mad Max Fury Road, la franchise semble rompre définitivement avec le sexisme des premiers films.
En revenant sur l’histoire de la franchise et en reprenant un récit des origines pour en extraire un nouveau personnage, Justin Lin renoue avec les recettes traditionnelles de la franchise FAST AND FURIOUS. Qu’importe sa tentative de construire de façon rétroactive l’histoire d’un personnage avec F9, ce qui compte réellement ce sont les courses poursuites et les cascades impossibles qui ont fait la renommée de la saga. La narration n’a jamais été le point fort de cette franchise, et consciente de ce fait, elle n’en a jamais eu la prétention, promettant une légèreté dont Justin Lin a le secret. Le réalisateur sera également derrière la caméra des deux prochains films, promesse d’une fin exceptionnelle pour une franchise incroyable (avec, on l’espère, un meilleur traitement des personnages féminins).
Sarah Cerange