Photo du film LA CHAIR ET LE SANG
Crédit : Carlotta Films

LA CHAIR ET LE SANG, Verhoeven de cape et d’épée – Analyse

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Longtemps décrié en raison de sa violence, de sa cruauté et de ses contenus sexuels, LA CHAIR ET LE SANG a fini par acquérir un statut culte.

Dernière réalisation de la période néerlandaise de Paul Verhoeven, LA CHAIR ET LE SANG fut longtemps un film mal-aimé. Par son réalisateur lui-même, qui ne l’estimait qu’« à moitié réussi ». Également par le public, car le long-métrage n’obtint qu’un faible succès à sa sortie en 1985. Après le hit mondial surprise Le Choix du destin en 1977, la carrière de Paul Verhoeven s’enlise quelque peu aux Pays-Bas, son pays natal. Malgré une reconnaissance internationale, le metteur en scène peine toujours à obtenir subventions publiques et autres soutiens financiers pour réaliser ses projets. Sortis en 1980 et 1983, Spetters et Le Quatrième homme ne parviennent pas à renouveler l’exploit du Choix du destin. Les deux films ne connaîtront, en effet, qu’une faible renommée au-delà des frontières.

Un tournage compliqué

Désireux de s’orienter vers une carrière internationale, Paul Verhoeven effectue alors une transition et choisit d’accepter de réaliser une grosse production pour la société Orion pictures. Le tournage de LA CHAIR ET LE SANG a lieu en Espagne… dans la douleur. Il s’avère effectivement compliqué, tant sur le plan technique que personnel. Peu habitué aux productions de cet acabit, Verhoeven peine à trouver ses marques. Il éprouve également des difficultés avec la langue anglaise, qui transparaissent par ailleurs dans les dialogues du film. De plus, un conflit éclate avec Rutger Hauer, l’un des principaux rôles masculins et jusqu’à présent, acteur fétiche du réalisateur.

Photo du film LA CHAIR ET LE SANG
Crédit : Carlotta Films

Le comédien se révèle effectivement peu à l’aise avec son rôle, celui d’un pillard, violeur et assassin. De surcroît, il trouve Jennifer Jason Leigh, de 18 ans sa cadette, trop jeune pour interpréter son amante. Or, LA CHAIR ET LE SANG a pour intérêt de dépeindre les rapports humains de l’époque médiévale de façon réaliste. Et le 16e siècle n’avait que faire des grands écarts d’âge. Rutger Hauer adresse ici au film les mêmes reproches que lui adressera le public. En effet, LA CHAIR ET LE SANG témoigne d’une violence extrême, d’une réalité crue et présente, dans le même temps, des personnages excessifs et des anachronismes difficilement compréhensibles dans la logique hyperréaliste du projet.

Violent et irrévérencieux

Pourtant, si on lui concède quelques faiblesses, LA CHAIR ET LE SANG se distingue justement par cette volonté de teinter le réel d’une dimension romantique. Aussi pour déstabiliser son spectateur, à une époque où le film de cape et d’épée est encore synonyme de roman à l’eau de rose. Ainsi, la romance si évidente entre la belle Agnès et le vertueux Stephen se voit perturbée, lorsque la demoiselle s’entiche de Martin, son ravisseur. Car Agnès n’est pas, à proprement parler, un personnage sympathique. Il s’agit d’une femme de son siècle – une période, rappelons-le, profondément misogyne et violente. Afin de sauver sa peau, elle se range sciemment à l’homme fort et, pour y parvenir, exploite intelligemment son corps et ses charmes.

Photo du film LA CHAIR ET LE SANG
Crédit : Carlotta Films

Parmi les obsessions de Verhoeven, le film évoque également l’obscurantisme religieux. Là où le spectateur lambda aimerait voir un héros guidé par des signes divins, LA CHAIR ET LE SANG offre le spectacle d’une bande de pillards, balourds et opportunistes, qui tiennent en une statue de Saint-Martin un prétexte pour semer le chaos. De même lorsque le personnage de Stephen, censé porter la voix de la connaissance, est sans arrêt contredit par l’unique argument de la morale chrétienne. En 1985, LA CHAIR ET LE SANG se révèle d’autant plus troublant qu’il n’épargne rien à son spectateur : viol, enfant mort-né, sexe, sang, maladie… Sûr que la représentation du Moyen-Âge tardif n’y est pas aussi romantisée que dans Excalibur ou Fanfan la Tulipe.

Du mépris à la postérité

Le film sort, de plus, au cours d’une décennie où le genre tombe quelque peu en désuétude, après une longue période prospère dans les années 60 et 70. Or, avec le temps, LA CHAIR ET LE SANG est peu à peu redécouvert. Il devient même une influence majeure – autant esthétique que thématique. Désormais considéré comme précurseur, ce long-métrage maudit a finalement trouvé une place particulière dans la filmographie de son auteur. D’autant qu’il marque le départ de Verhoeven vers le continent américain, où il se tournera ensuite vers des productions plus inattendues, telles que RoboCop, Total Recall ou encore Basic Instinct

La version intégrale non censurée de LA CHAIR ET LE SANG ressort en vidéo chez Carlotta films dans un master HD, disponible en BluRay et DVD. Accompagné d’un livre de 160 pages dans un coffret ultra collector, le film est publié en édition limitée et numérotée à 2 500 exemplaires. Carlotta films propose également LA CHAIR ET LE SANG en éditions BluRay et DVD simples.

Lily Nelson

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