À l’occasion de la sortie de I Feel Good, on revient sur la symbolique du peignoir au cinéma et son utilisation symbolique dans l’histoire du cinéma.
« Si t’as pas un peignoir et des mules à cinquante ans, t’as pas réussi ta vie. » Ce mauvais pastiche de Jacques Séguéla dans I Feel Good, le dernier film de Benoît Délépine et Gustave Kervern en a fait rigoler plus d’un. Et à raison. Quand Jacques, interprété par Jean Dujardin, débarque dans un village Emmaüs dirigé par sa sœur avec le rêve de devenir riche et célèbre, il a une vision très particulière du luxe et du succès. Neuf ans après l’intervention du publicitaire sur France 2, le peignoir serait-il devenu la nouvelle Rolex ?
Véritable ancêtre du jogging, le peignoir n’a pas toujours été ce vêtement symbole de luxe et d’exubérance. Au départ, les peignoirs ont été utilisés par les boxeurs comme celui noir et jaune porté par Sylvester Stallone avant de monter sur le ring dans la série des Rocky ou encore celui imprimé de Tyler Durden (Brad Pitt) dans Fight Club. Par la suite, le vêtement est devenu le symbole d’une décontraction assumée plus cool qu’une sophistication excessive. Mode de vie voire manifeste politique, le peignoir a gagné ses lettres de noblesse grâce au « Dude » (Jeff Bridges), le personnage le plus flegmatique des frères Coen (The Big Lebowski). Personnage culte, The Dude est l’archétype de l’homme qui n’a d’autre raison d’être que celle de fumer des joints, aller au bowling ou boire des White Russian. Avec lui, le peignoir est devenu l’incarnation de la détente absolue.Mais The Dude n’est pas le seul loser cool et attachant à avoir fait de ce vêtement sa tenue de combat. Dans Les Bronzés, Jean-Claude Dusse (Michel Blanc) se pavane également sur la plage en peignoir, draguant en vain Gigi (Marie-Anne Chazel) et Christiane (Dominique Lavanant) avant de se faire humilier par deux animateurs du camp vacances. De même, Kirk Douglass se tourne vers un modèle bleu ciel dans The Arrangement pour tourner la scène de piscine la plus dépressive au monde avec le même air neurasthénique que Bill Murray dans Lost in Translation, également en peignoir mais sur son lit. Le vêtement incarne tellement leur état d’esprit que les personnages semblent finir par ne faire plus qu’un avec leur habit. Tant et si bien que Tim Curry (Nigel St. Nigel) et Corbin Bernsen (Henry Spencer) sont à deux doigts d’en venir aux mains quand le premier refuse d’enlever son peignoir dans le premier épisode de Psych : Enquêteur malgré lui :
Henry Spencer : C’est bon, enlèves ce peignoir ! Le porter est un privilège et toi mon ami, tu n’y as plus droit ! (…)
Nigel St. Nigel : Non. Je me sens comme un ange emmailloté dans un cocon de barbe-à-papa.
Selon Corbin Bernsen (Henry Spencer), porter un peignoir est un honneur. Et un honneur qui se mérite. Après avoir symbolisé pendant des années la détente, ce vêtement est devenu l’incarnation du sexy, de la richesse et de la réussite. Jean-Charles Leuvrey, fondateur de la webradio parisienne Hotel Radio avait ainsi confié au Nouvel Observateur que « pour [les] personnes issues de milieux particulièrement défavorisés, le vêtement d’intérieur est le synonyme du luxe absolu : celui consistant à vivre à l’hôtel à l’année, avec grosses voitures, chaînes en or, larges baignoires et alcool fort. » Ainsi, le peignoir est la tenue de choix de nombreux personnages riches qui n’hésite pas à extérioriser leur succès. Version soie pour Leonardo Di Caprio dans Gatsby le Magnifique, en rouge pour Al Pacino dans Le Parrain et Jean-Paul Belmondo dans Stavisky ou encore couleur pêche pour Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé. Le peignoir est ainsi l’incarnation de la réussite, le vêtement de choix de ces individus qui n’ont plus besoin de travailler et qui peuvent se prélasser chez soi toute la journée. Son port devient donc un rite de passage pour certains à l’instar de Vivian Ward (Julia Roberts) qui se détend dans son peignoir d’hôtel après son bain moussant dans Pretty Woman.
Si le peignoir était à l’origine un vêtement principalement féminin, dérivé de la robe de nuit, il est devenu un symbole de virilité avec les acteurs qui l’ont adoptés sur le grand écran. De James Bond contre Dr. No à Spectre en passant par OSS 117 : Rio ne répond plus et sans oublier le peignoir violet qui « mitraille sec » de Jean-Pierre Marielle dans Comme la Lune, nombreux sont ceux qui ont mis en valeur leur image et leur potentiel de séduction pour arriver à leur fin. Le peignoir a également été associé aux hommes et plus en particulier à ceux qui volaient le vêtement de leur maîtresse avant de se cacher comme Jean Rochefort sur son balcon dans Un éléphant ça trompe énormément.
Au final, le peignoir a incarné de nombreux aspects de la vie humaine : la détente, la luxure, le travail, le succès, la richesse, la séduction, la sexualité… Tant et si bien que pour certains il est devenu l’incarnation de la nature humaine. Dans Les évadés de la planète des singes, le Dr Cornélius (Roddy McDowall) finit par lui aussi adopter le symbolique vêtement afin de démontrer son appartenance au monde des hommes. Mais si le peignoir est l’apanage de l’homme et marque sa dissociation du monde animal, comment expliquer qu’un lapin (Hugh Hefner) l’ait si bien porté ? Aujourd’hui encore, le mystère reste entier.
Sarah Cerange
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