Photo de la série COMMON SIDE EFFECTS
Crédits : Adult Swim

COMMON SIDE EFFECTS, perle d’animation entre satire et science-fiction psychédélique – Critique

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Le renouveau dans l’animation pour adultes est rare, et mérite d’être souligné. Depuis Scavengers Reign (Joseph Bennett & Charles Huettner, 2023), qui fusionnent influences moebusiennes et world building SF d’une richesse inédite, peu de séries ont su marquer le genre avec autant d’audace.

C’est pourquoi COMMON SIDE EFFECTS, la nouvelle production d’Adult Swim, attire l’attention. Diffusée à raison d’un épisode par semaine, la série s’appuie sur une équipe créative prometteuse : Joseph Bennett, dont on attendait avec impatience le retour pour confirmer que Scavengers Reign n’était pas un simple coup d’éclat, et Steve Hely, scénariste chevronné ayant œuvré sur The Office, Veep et American Dad! – autant de références qui laissent entrevoir un équilibre subtil entre comédie et satire sociale.

Mais pourquoi COMMON SIDE EFFECTS vaut-elle le détour ? Trois raisons s’imposent.

Une galerie de personnages atypiques

Au centre du récit, Marshall Cuso, un biologiste brillant, découvre un champignon aux propriétés révolutionnaires, capable de guérir toutes les maladies et même de ramener les morts à la vie. Une découverte qui, sans surprise, menace directement l’industrie pharmaceutique et fait de lui la cible des grandes entreprises, du FBI et d’autres forces aux intentions plus ou moins claires.

Là où la série innove, c’est dans le traitement de son protagoniste. Contrairement au stéréotype du génie asocial, enfermé dans sa bulle et dépourvu de compétences sociales (à la Rick Sanchez ou Walter White), Marshall est pleinement conscient de son environnement et réagit avec la même perplexité que le spectateur face aux absurdités du monde qui l’entoure, mais surtout avec empathie. Son attitude rafraîchissante rompt avec l’archétype usé du savant torturé, offrant une approche bienvenue et nécessaire. 

Les autres personnages adoptent une approche similaire : s’ils flirtent parfois avec la caricature, ce n’est jamais aux dépens de leur crédibilité. L’un des meilleurs exemples est le duo d’inspecteurs chargé de traquer Marshall. Leur dynamique oscille en permanence entre le grotesque et le sérieux, créant un équilibre subtil qui empêche la série de sombrer dans le pur cartoon.

Une écriture qui transcende la satire anticapitaliste

Le récit de COMMON SIDE EFFECTS repose sur une structure apparemment simple : une parabole écologiste dans laquelle un scientifique idéaliste se dresse contre des multinationales prêtes à sacrifier le bien commun pour préserver leurs profits. Ce schéma réactualise une fois de plus le mythe prométhéen, un thème récurrent et bien – trop – connu : une découverte capable de bouleverser l’humanité, mais accaparée et détournée au service d’intérêts capitalistes (par exemple, Jurassic Park, 1993, Steven Spielberg ou Avatar, 2009, James Cameron).

Mais au-delà de cette critique frontale du capitalisme, la série déploie une réflexion plus large sur l’absurdité des systèmes humains. Chaque institution agit de manière automatique, suivant des logiques prédéterminées : l’entreprise cherche à maximiser ses bénéfices, le CEO à accumuler du pouvoir, le FBI à faire respecter la loi, et le scientifique à poursuivre la vérité. Pourtant, derrière ces archétypes se cachent des personnages profondément humains, empêtrés dans des contradictions qui les rendent fascinants.

Ce traitement intelligent évite le piège du manichéisme et confère à la série une profondeur inattendue.

Une ambiance unique, entre SF hallucinée et comédie mordante

Visuellement et narrativement, COMMON SIDE EFFECTS se situe à la croisée des chemins entre la science-fiction expérimentale et la sitcom.

D’un côté, COMMON SIDE EFFECTS s’inspire de l’approche immersive et sensorielle de Scavengers Reign, où chaque aspect du monde créé apparaît organique, tangible et cohérent dans sa propre logique interne. Son esthétique psychédélique évoque les visions les plus singulières de la science-fiction, à l’instar de Fantastic Planet (René Laloux, 1973), tout en rappelant l’univers visuel expérimental des Pink Floyd.

De l’autre, la série conserve une dynamique narrative accessible et rythmée, typique des meilleures comédies contemporaines. Le ton reste léger, les dialogues incisifs, et le réalisme des interactions humaines contrebalance l’étrangeté de l’univers. En ce sens, COMMON SIDE EFFECTS réussit un compromis quasi parfait entre l’expérimentation visuelle et la comédie d’observation, ce qui la rend aussi intrigante que divertissante.

Avec COMMON SIDE EFFECTS, Joseph Bennett et Steve Hely livrent une série d’animation originale, aussi maîtrisée dans sa mise en scène que dans son écriture. Entre satire sociale, réflexion existentielle et audace visuelle, Adult Swim tient peut-être ici l’une de ses œuvres les plus abouties de ces dernières années.

Nathan DALLEAU

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