THE WHITE LOTUS
Crédits : Home Box Office, Inc. / HBO

THE WHITE LOTUS, l’enfer c’est les autres – Critique

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Sous ses airs paradisiaques et innocents flirtant avec l’ambiance d’un soap opera, THE WHITE LOTUS nous offre la série la plus fascinante de l’été avec une atmosphère énigmatique bien plus satirique qu’il n’y paraît.  

Apparue discrètement sur les écrans au milieu du mois de juillet, THE WHITE LOTUS a rapidement trouvé sa place dans le classement des séries les plus regardées en France ces derniers jours. Avec son cadre idyllique d’hôtel hawaïen, ses clients exécrables et son air de mystère, la série du réalisateur Mike White joue sur les contrastes en situant ses odieux personnages dans un cadre paradisiaque. Comme le dit Télérama, THE WHITE LOTUS, c’est « débarquer dans un paradis tropical et n’y voir qu’un aperçu de l’enfer ». Le ton est donc rapidement donné puisque la série s’ouvre sur une scène sans ambiguïté alors que le spectateur observe un jeune marié répondre à des questions sur ses vacances dans la salle d’embarquement d’un aéroport pendant qu’une cargaison étiquetée « restes humains » est chargée sur leur vol. Pourtant, la série ne saurait être réduite à une histoire de meurtre tant elle offre un regard acide sur les rapports de classe, les privilèges et le colonialisme. 

Pour donner vie à son propos, Mike White s’est entouré d’un casting cinq étoiles. Parmi les riches vacanciers, Jake Lacy (Girls) et Alexandra Daddario (True Detective, Why Women Kill) incarnent un couple de jeunes mariés qui vient passer sa lune de miel sur l’île. Malheureusement, leur tranquilité est troublée par une famille composée de Steven Zahn et de Connie Britton (Friday Night Lights, Nashville) ainsi que de leur deux enfants Fred Hechinger et Sydney Sweeney (Euphoria). Cette dernière est d’ailleurs accompagnée de son amie Paula, incarnée par Brittany O’Grady. Enfin, l’incroyable Jennifer Coolidge (American Pie, La Revanche d’une blonde) incarne avec brio une héritière névrosée depuis la mort de sa mère. Tout ce petit monde est chaleureusement accueilli par Murray Bartlett (Sex and the City) qui joue le rôle d’Armond, le manager de l’hôtel, et Natasha Rothwell qui s’occupe du spa. 

THE WHITE LOTUS
Crédits : Home Box Office, Inc. / HBO

Tous ces personnages sont ambivalents et complexes : ni entièrement haïssables, ni réellement sympathiques. Mais ce qui est certain, c’est qu’aucun d’eux n’est capable de profiter de son séjour paradisiaque et que chaque interaction est un échange de pouvoir. Même lorsque les gens font de leur mieux pour utiliser leurs privilèges de façon bienveillante, les choses tournent mal. THE WHITE LOTUS s’inscrit ainsi dans une nouvelle tradition de séries portant sur de riches personnages qui ne font que profiter de leurs privilèges (avec Succession en tête de liste). Tous ces vacanciers préfèrent être malheureux que de perdre ce qui leur a été donné comme l’exprime à juste titre Mark (Steven Zahn) lors d’un dîner plutôt tendu : « Personne ne cède un privilège. C’est absurde. Cela va à l’encontre de la nature humaine. » L’absurdité de cet état d’esprit atteint son apogée lors des nombreux échanges entre Armond (Murray Bartlett) et Shane (Jake Lacy), notamment lorsque le premier propose au second « un deuxième toilette dans sa suite ». Comme l’analyse Norine Raja pour Vanity Fair : « Mike White détricote le rapport au monde de ses personnages, blancs et riches, et leur tendance à se mouvoir comme si tout leur appartenait. » Ainsi, Hawaï devient très rapidement le synonyme de vacances chaotiques.

Ces touristes semblent si habitués à accumuler des choses que sacrifier quoi que ce soit est plus insurmontable que le malheur en lui-même. Comme l’exprime un des personnages vers la fin de la série : « Nous ne sommes tous que des parasites mangeant le dernier poisson et jetant notre merde en plastique dans l’océan. » Cette phrase est alors lourde de sens puisque THE WHITE LOTUS prend un malin plaisir à montrer la collision entre les classes et l’iniquité flagrante entre les personnages. Aussi, jamais les vacanciers que l’on découvre être liés aux « restes humains » ne seront interrogés. Et cela fait étrangement écho aux disparitions de Lani (Jolene Purdy) et Kai (Kekoa Kekumano) qui étaient pourtant vraisemblablement en difficulté. Le magazine Vanity Fair parle ainsi de « poussée vers la pauvreté [et] l’incarcération » avant de rajouter « La série aurait-elle toujours été sur le colonialisme ? Pas seulement dans le contexte plus large d’Hawaï et de ce qui lui a été fait par l’Amérique blanche, mais une véritable allégorie de la mécanique de l’impérialisme : l’arrivée, la décimation, l’abandon imprudent ? » Les touristes sont ainsi comparés à des colons qui viennent détruire la vie des employés de l’hôtel. Avec le recul, il est d’ailleurs difficile de ne pas songer aux nombreux sous-entendus prononcés par Paula, jouée par la prometteuse Brittany O’Grady, à ce sujet.

THE WHITE LOTUS
Crédits : Home Box Office, Inc. / HBO

Immédiatement, on ne peut donc que penser à Belinda (Natasha Rothwell) qui est littéralement usée par les besoins émotionnels des riches femmes qui passent la porte d’entrée de son spa. En regardant les vacancières se succéder devant elle, il est difficile de ne pas penser au trope du « magical negro » lorsqu’un personnage noir aide et éclaire un personnage blanc sans rien en retour. De même, Paula est déjà épuisée et désabusée par ceux qui l’entourent notamment après l’incident du vol lorsqu’elle répond à Olivia que « quelque chose de grave s’est produit » sans que cette dernière ne comprenne. Ainsi, au fur et à mesure des épisodes, en dépit d’une atmosphère comique et satirique à souhait, la série THE WHITE LOTUS devient de plus en plus étouffante. Mike White s’intéresse à toutes les histoires —et leurs inégalités– et la tension progresse tandis que les personnages continuent à évoluer en vase clos. 

Avec son air de soap opera estival, THE WHITE LOTUS offre aux spectateurs une intrigue simple qui révèle un commentaire acerbe sur les privilèges, les rapports de classe et les inégalités. Avec ses moments de gêne, son humour sanglant et sa musique anxiogène signée Cristobal Tapia de Veer, la série n’en est que plus mordante et addictive et ce, pour notre plus grand plaisir. 

Sarah Cerange

Note des lecteurs22 Notes
Titre original : The White Lotus
Réalisation : Mike White
Acteurs : Murray Bartlett, Connie Britton, Jennifer Coolidge, Alexandra Daddario, Fred Hechinger, Sydney Sweeney, Steven Zahn, Jake Lacy, Brittany O'Grady, Natasha Rothwell
Date de sortie : 11 juillet 2021
Durée : 6x55 minutes
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Addictif

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