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Photo du film TOUTOUYOUTOU
Crédits : EX NIHILO / OCS

TOUTOUYOUTOU tonifie la création française – Critique

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Sweaty

Cet article a pu être réalisé grâce à notre partenaire Ciné+ OCS. Son contenu est indépendant et conçu par la rédaction.

Véritable pépite du catalogue OCS Ciné +, TOUTOUYOUTOU nous transporte dans la France des années 80, où l’aérobic, bien plus qu’une simple mode, devient le symbole d’une révolution féminine. Entre comédie et espionnage, la série explore avec brio les coulisses d’une époque charnière.

Révolution sportive

Démarrée discrètement en 2022, la série de Géraldine De Margerie et Maxime Donzel a grandi dans l’ombre d’un autre feuilleton d’aérobicsploitation, américain cette fois, Physical débarqué en 2021 sur Apple TV+. La comparaison est inéluctable, compte-tenu du timing rapproché des deux œuvres. Pourtant, bien que TOUTOUYOUTOU prenne un point de départ similaire – une mère au foyer qui se passionne pour l’aérobic au début des années 80 – les deux séries n’abordent pas tout à fait leur sujet de la même manière. Question de format, d’abord. Alors que Physical joue la carte du drame personnel dans ses épisodes d’environ 30 minutes, TOUTOUYOUTOU mise sur la comédie d’espionnage, sur une durée plus courte de 20 minutes.

Pourtant, malgré sa légèreté apparente, la Française n’a pas à envier la profondeur de l’Américaine. Elle dresse même un portrait assez inusité de cette époque, où les femmes françaises se mirent à rêver plus loin que leur banlieue pavillonnaire. Image d’Épinal du kitsch des années 80, l’aérobic se révèle effectivement bien plus qu’un phénomène de mode passager. Et dans les faits, cette activité physique simple et peu coûteuse a réellement donné accès au sport à une grande partie de la population féminine, encore cantonnée à la vie de famille et à ses tâches ménagères. Et ce, alors que ses plus brillants émissaires, Jane Fonda en tête, mettront des années à comprendre l’impact de cette révolution sportive, longtemps considérée comme un passe-temps futile.

Une comédie d’aérobic sur fond de Guerre froide

TOUTOUYOUTOU parvient, tout comme Physical, à illustrer comment ce sport a permis à de nombreuses femmes de se réapproprier leur image, leur corps et plus largement, leur existence – en dépit d’un patriarcat encore fort dans cette époque fric et frime. Dans la série, la coach Jane, venue des States pour se perdre dans la petite commune de Blagnac, ouvre de nouvelles perspectives aux femmes de la région, qui s’émancipent peu à peu au fil des épisodes. Toutefois, derrière Jane se cache une espionne, qui choisit de toucher les femmes pour atteindre les puissants hommes de l’industrie aéronautique locale. Sur fond de Guerre froide, TOUTOUYOUTOU dévoile ainsi les coulisses d’une période où les femmes ordinaires avaient un plus grand rôle à jouer que celui qu’on voulait bien leur accorder.

La grande force de la série repose effectivement sur sa reconstitution historique d’une époque et d’un sport dont l’imagerie populaire se nourrit essentiellement de références américaines. Pourtant, la fièvre de l’aérobic avait bel et bien atteint nos contrées. TOUTOUYOUTOU reconditionne cette imagerie dans le contexte français et choisit notamment de référer dès son titre à l’émission culte d’Antenne 2, Gym Tonic, animée par Davina et Véronique. Car si l’impulsion reste américaine, la France a su exporter ce sport en le teintant de sa touche nationale. Là où Physical explore l’éprouvante success story toute capitaliste d’une coach d’aérobic médiatique, TOUTOUYOUTOU rend davantage hommage au fourmillement créatif dans l’audiovisuel français des années 80.

La french touch

En effet, dans sa saison 2, l’Aérobic Club de Blagnac a désormais son propre show télé sur l’antenne régionale de FR3. Un bon moyen de montrer comment, grâce à des technologies désormais accessibles comme le caméscope, tout devient possible en cette fin de siècle, qui initie de nouveaux formats et de nouvelles façon de consommer la télévision, comme de pratiquer le sport. Dans un environnement télévisuel devenu concurrentiel, l’expérimentation permettait alors de se démarquer et les nouveaux paradigmes économiques encourageaient ainsi la création. De quoi offrir une place à de jeunes créateurs, comme l’illustre le personnage de Naïma, serial entrepreneuse jamais à court d’idées.

Malgré son format comique, TOUTOUYOUTOU parvient donc à tisser un récit aux enjeux sociétaux forts. Bien qu’on puisse lui reprocher de ne s’épancher qu’avec timidité sur l’aliénation des femmes à l’impératif de la minceur, renforcé par le développement d’activités sportives grand public, comme l’aérobic. Une face sombre qui plane cependant en arrière-plan lorsque Jane conseille à ses adeptes de bannir sucre et gras ou qu’une jeune fille est exclue du show télé, car son corps ne répond pas aux standards de beauté de l’époque. Toutefois, la réussite n’en reste pas moins totale pour cette série française, loin d’essouffler son concept en saison 2, là où Physical a malheureusement fini par tourner en rond.

Lilyy Nelson

Auteur·rice

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