IRRÉPROCHABLE n’est peut-être pas le titre adéquat pour décrire les multiples pathologies dont Constance souffre: paranoïa, mythomanie, érotomanie…Constance est loin d’être irréprochable pour ceux qui la connaissent un peu, tout en ignorant de quoi elle est vraiment capable. Elle ment, vole, et tel un coucou, s’immisce dans la vie des gens et envahit leur territoire. Des personnages aussi complexes et psychiquement atteints ont déjà été au centre de films très réussis. Leurs réactions inattendues favorisaient le climat de tension que l’on retrouve dans le film. On pense ainsi à Hedra dans JF partagerait appartement de Barbet Schroeder, à Harry dans Harry, un ami qui vous veut du bien de Dominik Moll, à Anna dans Anna M. de Michel Spinoza ou encore à Suzanne dans Prête à tout de Gus Van Sant.
La violence sous-jacente et la distanciation face à leurs émotions font commettre à ces personnages des actes sans humanité et sans respect des normes sociales. Le mensonge et le déni dans lesquels ils s’enferrent sont un gouffre duquel ils ne peuvent s’extirper. Hélas, leurs pathologies n’ont pas été identifiées par des psychiatres et ils ont réussi à s’insérer dans la vie malgré tout. Mais leurs névroses les rattrapent parfois, en fonction des circonstances, des rencontres et d’effets déclencheurs. S’accentuent alors leurs difficultés à faire coïncider vie rêvée et vie réelle.
Constance canalise l’énergie provoquée par sa violence naturelle en faisant du sport à outrance, en baisant avec un amant de passage Gilles (Benjamin Biolay, très juste et sobre encore dans un rôle habituel d’amant, comme dans Encore Heureux). Ambitieuse, orgueilleuse, elle a la rage au ventre. Elle désespère de retrouver la vie qu’elle a pourtant plaquée plusieurs années auparavant pour tenter sa chance à Paris et ne plus être une « péquenaude ». Elle avait laissé derrière elle sa mère alcoolique, et Philippe son amoureux encore prêt à tout pour elle (attendrissant Jérémy Elkaïm, dans un rôle moins lunaire que Les Bêtises et moins intense que Marguerite et Julien). Ce que Constance veut plus que tout, c’est reprendre sa place d’agent immobilier, qu’elle estime de droit. Il y a urgence vitale, elle est dans la dèche, n’a même plus de quoi se payer à manger.
« Irréprochable est un thriller intimiste qui tient la route, essentiellement grâce au jeu de son actrice principale Marina Foïs. »
Sébastien Marnier, dont c’est le premier long métrage, pose un regard sans concession sur la difficulté à retrouver un travail, tout en gardant sa dignité et conscience de sa valeur. Constance focalise son attention et sa haine sur la jeune femme qui l’a remplacée. Sa jeunesse et les conditions salariales acceptées par Audrey lui sont inadmissibles. Audrey est interprétée par Joséphine Japy, qui s’était déjà prêtée au jeu de la jeune femme harcelée, avec bien plus d’intensité, dans Respire de Mélanie Laurent. Dans IRRÉPROCHABLE, son personnage n’a même pas conscience de l’attention maléfique dont elle fait l’objet. Audrey apparaît un trop naïve et manque de nuances, puisque le scénariste a décidé que toute l’attention du spectateur devait se porter sur Constance. Sébastien Marnier décortique méthodiquement et très justement la mécanique du harcèlement et le processus d’intrusion dans la vie de la personne sur laquelle se polarisent haine et jalousie.
IRRÉPROCHABLE est un thriller intimiste dont deux coups d’éclat, plutôt bien amenés, surprennent particulièrement le spectateur. Malgré certaines situations guère crédibles et une musique par trop anxiogène, le film tient la route essentiellement grâce au jeu de son actrice principale. Car Marina Foïs fait encore preuve dans IRRÉPROCHABLE d’un choix audacieux et totalement assumé de personnages féminins à la marge et dérangeants, dits politiquement incorrects. Déjà mère odieuse dans Papa ou maman, ou fille indigne dans Maman, elle ose à nouveau un rapport décomplexé à son corps nu, comme dans Happy Few. La caméra amoureuse de Sébastien Marnier la filme d’ailleurs de très près.
Constance est un rôle en or pour Marina Foïs, même si elle surjoue parfois un peu. Mais son œil malicieux lorsqu’elle manipule son entourage ou planifie une action contre Audrey ou Philippe est déroutant. Des traits d’humour jaillissent au sein du drame qui se joue devant nos yeux. Ce parti pris du réalisateur laisse au spectateur une drôle de sensation, car il le place du côté de Constance, l’accompagnant volontiers dans ses névroses. Un malaise dû à cette empathie éprouvée malgré lui pour une femme très dangereuse.
Sylvie-Noëlle
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