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MARGUERITE, une belle partition rythmée et émouvante – Critique

La Baronne Dumont organise dans ses salons un récital de musique dans lequel elle chante pour le Cercle Amadeus, oeuvre caritative qui aide aux orphelins de la guerre. Car nous sommes dans les années 1920, les années folles, à Paris. C’est à travers les yeux d’Hazel  (Christa Théret), jeune chanteuse repérée par Marguerite et de Lucien Beaumont (Sylvain Dieuaide), journaliste dans le Coemedia, que nous allons découvrir le monde de faux-semblants dans lequel évolue Marguerite. Cette femme férue d’art et d’opéra ne vit que pour la musique et se pique de croire qu’elle est une grande chanteuse alors qu’elle chante « sublimement faux ».

Pour des raisons diverses, personne dans son entourage n’ose lui dire qu’elle manque de talent, et tous l’entretiennent même dans l’idée qu’elle a des admirateurs. Marguerite est très riche et il ne s’agirait pas de la blesser inutilement n’est-ce pas ? Georges (André Marcon), son Baron de mari, est tant gêné qu’elle beugle ainsi sans raison valable à ses yeux, que grâce à une belle stratégie d’évitement, il arrive toujours en retard à ses concerts. Les domestiques sont à ses petits soins et le premier d’entre eux, l’énigmatique Madelbos (Denis Mpunga), a plus d’influence sur elle qu’elle ne veut bien s’en rendre compte.

Memento Films Distribution
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Le film est présenté tel un livret d’Opéra composé de chapitres, qui nous mènent peu à peu vers le drame. Mais avant,  Marguerite aura le temps de découvrir un monde de bastringues, d’artistes fauchés et d’anarchistes, qui profiteront de sa naïveté et de son argent, puis peu à peu s’attacheront à elle.

Ainsi le journaliste Lucien accompagné de son faux ami russe Kyril,  lui présentera le grand chanteur d’opéra en perte de vitesse mais pédagogue Atos Pezzini (Michel Fau) et sa bande. Tous, mis à part son mari, l’entretiendront dans le rêve fou qu’elle peut chanter un récital en public, dans une vraie salle. Il ne s’agit pas d’orgueil pour Marguerite mais essentiellement d’amour: très éprise de son mari, elle veut désespérément attirer son regard et qu’il soit fier d’elle. Mais l’époque et le monde si feutré et raisonné dans lesquels ils vivent ne sont pas propices aux déclarations d’amour.

Une belle partition rythmée et émouvante, qui balaie le spectre complet de nos émotions.

Car son enthousiasme pour la musique, le plaisir manifeste qu’elle prend à chanter et ses efforts pour progresser dans son art sont bien ce qui les arrêtent tous et les empêchent de lui dire la vérité vraie, celle qui ne pourrait être que blessante. Quel plaisir de les voir, même son époux, approcher de la vérité mais renoncer au dernier moment soit par manque de courage soit par pure délicatesse, diplomatie ou compassion ! Un peu comme lorsque l’automobile de Georges cale toujours au même endroit, devant la croix du chemin, arrêtée comme par magie dans son élan! Toute vérité n’étant pas bonne à dire, le réalisateur Xavier Giannoli  interpelle notre réflexion sur l’intérêt de dire la vérité et le prix qu’il faudra payer à renoncer ou à aller jusqu’au bout de son idée. Mais en ne disant rien à Marguerite, tous l’encouragent inconsciemment dans son délire et comme le dit Pezzini, « on ne triche pas avec la musique ou alors elle se venge. »

Le jeu des acteurs est très juste et s’exprime tout autant par des dialogues que par la palette à disposition de leur corps. Car le réalisateur s’attache, non seulement à Marguerite, mais surtout aux hommes qui l’entourent. Les regards qu’ils posent sur Marguerite sont très expressifs : l’inquiétude, la peur, l’angoisse, l’étonnement, la perplexité, l’agacement, la consternation, l’abattement, l’incrédulité, l’encouragement,  l’amitié, l’amour mais aussi le dédain, la moquerie et le sadisme.
Les sourires en coin ne sont pas en reste, quand au loin même le paon Caruso répond en écho à la voix de crécelle insupportable de Marguerite.

Memento Films Distribution
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André Marcon, qu’on avait aimé dans Les garçons et Guillaume à table et Un homme idéal a ici trouvé un rôle à sa mesure et Michel Fau, homme de théâtre croisé dans Neuf mois ferme et Denis Mpunga, sont bluffants. Mention spéciale décernée à Sylvain Dieuaide, qui par sa voix douce et son regard inquiet nous a rappelé l’intensité de jeu d’Emmanuel Salinger dans La SentinelleQuant à Catherine Frot, le rôle est manifestement taillé pour elle mais il n’y a pas de vraie surprise à la voir enfiler les habits de cette femme douce et rêveuse qui découvre la liberté grâce à l’art.

Xavier Giannoli, qui aime la musique depuis Quand j’étais chanteur, compose avec MARGUERITE une partition rythmée, qui balaie le spectre complet de nos émotions, nous faisant passer en deux temps trois mouvements, du rire aux larmes.

MARGUERITE concourrait à la Mostra de Venise pour le Lion d’Or et le Prix du meilleur scénario et figurait dans la liste des cinq présélectionnés pour représenter la France aux Oscars, ayant toutes ses chances car il possède les qualités d’un grand film susceptible de plaire au public américain, d’autant qu’il est librement inspiré de la vie réelle de l’américaine Florence Foster Jenkins.

Sylvie-Noëlle

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